Gavroche aime raconter la Thaïlande sous tous les angles. Nous avons donc accepté avec plaisir la proposition d’un jeune Français passionné de joaillerie, Guillaume Soubiraa, qui souhaitait nous faire découvrir ce monde si secret. Un reportage en quatre volets à ne pas rater, à partager et à commenter !
VOLET 3 : Les pierres, à la portée de tous ?
Un entretien exclusif avec la gemmologue Billie Hughes
Billie, comment le métier de gemmologue a-t-il évolué depuis l’arrivée d’Internet ?
Les livres, les photos, les “supports d’avant” n’étaient peut-être pas aussi efficaces qu’aujourd’hui. Je pense qu’il y avait certaines personnes déjà à la pointe, comme John Koivula (https://shop.gem-a.com/product/photo-atlas-vol-1/) qui réalisait de magnifiques photos d’inclusions. Mais je ne pense pas que tout le monde les appréciait encore à l’époque. Peut-être était-il en avance sur son temps.
Avec Internet, aujourd’hui, il est plus facile pour nous de communiquer notre message, de partager notre passion. J’admets qu’il y a aussi eu un effort considérable en matière d’éducation. Je suis convaincue que notre industrie doit faire davantage pour sensibiliser le public aux pierres précieuses.
Mais il y a eu un réel élan de la part de nombreux acteurs du métier. Nous en faisons partie, et d’autres personnes publient également d’excellentes photos d’inclusions. Lorsque nous avons lancé le laboratoire il y a dix ans, j’avais parfois des pierres de clients présentant de très belles inclusions. Je prenais une photo, et parfois je la partageais avec le propriétaire. Certains d’entre eux me disaient : « C’est joli, ok, mais ne mets pas mon nom dessus, d’accord ? Ne mentionne pas le nom de ma société, je ne veux pas qu’on pense que je vends des pierres incluses. »
Aujourd’hui, ces mêmes clients, quelques années plus tard, me demandent : « Pourquoi ne mets-tu pas une photo de l’inclusion dans le rapport ? » Je pense donc qu’ils commencent à en apprécier la beauté.
Et surtout, quand des inclusions sont « genuine », non altérées, cela prouve que la pierre n’a subi aucun traitement. Qu’elle est parfaitement naturelle. Tu sais ce que cela représente…
L’inclusion est aujourd’hui la meilleure alliée du gemmologue — et donc aussi du négociant !
As-tu des contacts en France ?
Oui, bien sûr. L’École des Arts Joailliers de VCA (https://www.lecolevancleefarpels.com/fr/fr) a organisé plusieurs expositions de leur travail, dont certaines dans des boutiques Van Cleef & Arpels. Je pense qu’une telle dynamique aide à sensibiliser le public et à considérer ces critères sous un angle artistique. Je suis persuadée que les gens sont naturellement fascinés par tout cela. Lier la science à la beauté, les présenter sous leur meilleur jour, attise la curiosité et permet de faire évoluer les sensibilités.
Pour moi, c’est comme avec les diamants synthétiques. Vous entendez ces discours sur les diamants fabriqués par l’homme, n’est-ce pas ? Il y a clairement des réactions du type : « Je préfère quelque chose de plus naturel, non fabriqué dans une usine, non uniforme… Je veux quelque chose avec du caractère. »
Et je suis convaincue que c’est là que les pierres de couleur naturelles se distinguent : elles ont beaucoup de caractère.
En observant des inclusions, en réalisant que chaque pierre possède une sorte d’empreinte unique, cela fascine le public. Nous sommes donc d’accord sur ce point.

Pierres naturelles ou artificielles : qu’en penses-tu ?
Les gemmes naturelles, trésors offerts par la Terre, seront toujours, je pense, plus aimées que toute création artificielle. Je constate que beaucoup de gens aiment ressentir une connexion avec la nature, c’est certain.
Les rubis et saphirs synthétiques, produits depuis plus de 100 ans, ont trouvé leur place. Beaucoup sont utilisés à des fins industrielles : pour fabriquer des lasers, des cadrans de montre hyper résistants aux rayures, ou de toutes petites pièces mécaniques. C’est génial, non ? C’est merveilleux, tout ça.
Mais on constate aussi que, malgré un siècle de production de corindon synthétique, les gens restent disposés à payer un prix plus élevé pour un rubis ou un saphir naturel que pour un synthétique.
La nature offre tant de beautés… Quelle est ton inclusion préférée ?
Il y a tellement de belles inclusions ! J’aime beaucoup les inclusions solides, car elles permettent de voir comment se forment les différents cristaux. Mais ce que je préfère, ce sont les cristaux négatifs, notamment dans les saphirs, pour les cavités qu’ils forment.
Avec certains outils comme un filtre polarisé, tu peux obtenir de très beaux résultats. Les passionnés me disent souvent qu’ils adorent voir des photos de « soie », par exemple. C’est vraiment difficile de n’en choisir qu’une. Il y en a beaucoup trop !

Exposer des photos de telles beautés minérales : est-ce le meilleur moyen de promouvoir la gemmologie ?
Il y a tant d’aspects différents que je trouve intéressants. Je pense juste qu’on devrait faire plus pour aider le public à apprécier les gemmes en général. J’ai eu la chance de grandir dans cet environnement, mais je ne pense pas avoir pleinement apprécié la rareté des pierres précieuses avant de commencer à étudier la gemmologie.
Les inclusions permettent aux gemmologues d’identifier les pierres. Certaines sont caractéristiques de certaines gemmes. Selon leur état, nous pouvons également savoir si le cristal hôte a subi des traitements.
Que t’a apporté, au sens large, le fait de travailler dans ce monde si singulier ?
C’est vraiment une école de la vie, ce métier. Il m’a façonnée, et m’a appris à mieux comprendre comment évoluer dans le monde.
J’ai eu la chance de grandir au cœur des gemmes, d’être Thaïlandaise et donc culturellement proche de cet univers. J’ai voyagé très jeune dans des mines situées dans des zones reculées, souvent magnifiques. Et j’y ai constaté à quel point les mineurs travaillent dur pour extraire les pierres.

Retrouvez ici le deuxième volets de notre enquête.
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