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THAILANDE, manifestations : « pas de compromis, pas de discussion » et pas de solution ?

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 14/01/2014
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La première journée de l’opération « Shut Down » a reçu une réponse mitigée quant à sa capacité à paralyser la capitale thaïlandaise. Les opposants au gouvernement vont poursuivre le blocage de Bangkok dans les prochains jours. Leur leader, Suthep Thaugsuban, refuse toujours tout dialogue avec la Première ministre Yingluck Shinawatra. Le bras de fer continue alors que la fin des manifestations pourrait se jouer devant les tribunaux.

 

Anticiper une issue possible à ce conflit qui se prolonge depuis plus de deux mois est un exercice auquel se sont essayés tous les observateurs et spécialistes de la vie politique locale. Sans succès.

 

Tous ou presque pensent que la réforme du système politique déclenchée par les grandes manifestations contre le projet de loi d’amnistie générale est incontournable à l’heure actuelle et doit être imposée au prochain gouvernement.

 

Tous ou presque s’accordent à dire cependant que Suthep et les Démocrates ne parviendront pas à imposer leurs conditions à cette réforme à la moitié du pays, majoritaire de surcroit.

 

Tous ou presque pensent que cette réforme ne pourra se faire qu’en impliquant tous les acteurs sociaux, politiques et gouvernementaux, sans exclure l’un ou l’autre, et dans un cadre constitutionnel.

 

Tous ou presque estiment que le bras de fer entre Suthep et Thaksin ne sert pas les intérêts du pays et des Thaïlandais, et que le dialogue doit remplacer la guerre des clans et du pouvoir dont le théâtre de rue n’est que la face visible d’un conflit qui dure depuis trop longtemps et qui a atteint sa phase critique.

 

Tous ou presque pensent que ce conflit qui nourrit aujourd’hui une haine réciproque peut déclencher à tout moment une vague de violence sans précédent à travers le royaume.

 

Suthep et Thaksin sont allés trop loin pour reculer aujourd’hui. Le premier a besoin de maintenir la pression sur Yingluck afin de la pousser à la faute et lui faire jeter l’éponge, étape incontournable pour prendre le contrôle du jeu. Pour cela, il a besoin de maintenir ses partisans motivés par des actions de provocation spectaculaires impliquant la population de Bangkok qui le soutient dans sa grande majorité.

 

La tentative de paralysie de la capitale n’est que la suite logique de cette stratégie d’occupation du terrain qui maintient la légitimité du mouvement d’opposition. Suthep a le soutien préétabli du Parti démocrate, auquel il a toujours adhéré et qui joue un rôle actif dans la mobilisation des supporters du mouvement dans le sud du pays, son fief électoral, mais aussi dans le sabotage du fonctionnement démocratique (démission en masse du Parlement, boycott des élections, blocage des centres d’enregistrement des candidats…).

 

En face d’eux, Yingluck, peu expérimentée en politique mais qui fait preuve d’une force de résistance indéniable, soutenue et épaulée par son frère Thaksin et les caciques du Pheu Thai, mais aussi par sa grande popularité dans les régions Nord et Nord-Est du pays, a opté pour une stratégie de repli et de patience qui s’avère pour le moment efficace, à défaut d’être payante.

 

Partant de l’expérience que la répression des mouvements de protestation par les forces de l’ordre ne pourrait que précipiter la chute de son gouvernement, elle oppose à Suthep une résistance sur le terrain minimale et passive en comptant sur l’essoufflement de ses opposants.

 

Un essoufflement qui tarde toutefois à venir et dont ses adversaires pourraient tirer profit. En effet, la cheffe du gouvernement, qui compte sur les élections anticipées du 2 février pour regagner une légitimité très contestée, a en face d’elle une machine juridique sur le point de sanctionner son parti pour avoir fait voter au Parlement une loi d’amnistie et deux amendements de la Constitution invalidés par la Cour constitutionnelle.

 

Si le processus aboutit, il condamnerait l’ensemble de son gouvernement, ainsi que les députés et sénateurs du Pheu Thai, à l’exil politique pour cinq ans. Un scénario qui par le passé a déjà fait chuter à deux reprises des gouvernements pro-Thaksin soumis aux nouvelles règles édictées par la Constitution de 2007 alors que l’Etat était sous le contrôle de la junte militaire.

 

Voilà, peut-être, une issue possible au déblocage de cette crise. Suthep pourrait utiliser cette « victoire » par KO technique pour mettre fin à son combat et sortir la tête haute, en laissant Abhisit et les Démocrates reprendre le flambeau. Ces derniers poseraient alors leurs conditions pour participer à de nouvelles élections qu’ils savent perdues d’avance.

 

Dans le cas où ils refuseraient à leur tour de revenir dans le débat démocratique, les Chemises rouges ne manqueront pas alors de descendre dans la rue pour barrer toute nouvelle tentative de déstabilisation.

 

D’autant que Yingluck, qui comptait sortir de la crise en maintenant la date des élections au 2 février, va devoir probablement se résigner à les repousser (on parle de début mai) sur demande de la Commission électorale.

 

Entre autres problèmes majeurs, aucun candidat n’a pu s’enregistrer dans les 28 circonscriptions du Sud du pays, dont les centres ont été bloqués par les manifestants. Or, pour former un gouvernement, un quorum de 95% de députés est nécessaire lors de la première réunion parlementaire. La Commission est accusée par le Pheu Thai d’avoir failli à son devoir de faciliter l’enregistrement des candidats.

 

Ce qui est sûr, dans l’hypothèse d’un tel scénario, c’est qu’il faudra non pas des mois mais des années pour que la fracture ouverte entre deux systèmes politiques, deux populations, deux mondes, puisse se réduire.

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