Une analyse de Philippe Bergues
Thaksin Shinawatra, père de la Première ministre Paetongtarn, a publiquement affirmé ce samedi 26 avril à Chiang Mai, lors d’un déplacement pour soutenir le candidat du Pheu Thai aux élections municipales, que la situation de l’universitaire américain Paul Chambers avait été abordée par les négociateurs de l’équipe du président Trump sur les droits de douane avec la Thaïlande.
Cette révélation de Thaksin Shinawatra suit les questionnements de la commission des forces armées de l’Assemblée nationale thaïlandaise sur le bien-fondé de l’inculpation de Chambers pour crime de lèse-majesté. Pour la commission, le commandement de la 3ème région de l’armée pourrait avoir fait fait un usage abusif de son autorité pour cette plainte.
L’ISOC, et Paul Chambers
La région 3 de l’ISOC ((Commandement des opérations de sécurité interne) a informé la commission militaire de la Chambre basse qu’elle avait déposé cette plainte pour lèse-majesté contre Paul Chambers de l’Université Naresuan, sur la base d’un texte traduit en thaï, publié par Assadang Yomnark, un « soi-disant universitaire indépendant », très proche des milieux militaro-royalistes. Le contenu provient d’un texte promotionnel pour un webinaire universitaire organisé par l’ISEAS Institute à Singapour, intitulé « Remaniements militaires et policiers de la Thaïlande en 2024 : que signifient-ils ? ».
Le texte de présentation, publié en ligne par l’institut, mentionnait Chambers comme conférencier. Paul Chambers a déclaré qu’il n’avait ni écrit ni publié le texte de promotion de l’événement. La plainte a été déposée par le général de division Chaidaen Kritsanasuwan, directeur-adjoint de l’ISOC Région 3, au nom du directeur, qui n’a pas assisté à la réunion de la commission. Au lieu de cela, le directeur de la division du renseignement de la région 3 de l’ISOC s’est joint en ligne et a expliqué que la plainte faisait suite à une publication Facebook d’Assadang intitulée « L’université Naresuan embauche-t-elle Paul Chambers pour saper la monarchie ? » qui comprenait le texte de présentation traduit.
Un professeur émérite de l’université Chulalongkorn indique que les relations de la Thaïlande avec les Etats-Unis pourraient être affectées
Selon le professeur émérite Surachart Bamrungsuk de la faculté des sciences politiques de l’université Chulalongkorn, l’accusation de crime de lèse-majesté contre Chambers pourrait affecter les négociations tarifaires en cours avec les Etats-Unis. Surachart a déclaré que Chambers s’était vu confisquer son passeport, qu’il avait été équipé d’un bracelet électronique, qu’il avait été tenu de se présenter au chef de village où il réside tous les 12 jours et à la police tous les 30 jours. Et qu’il avait versé une caution de 300 000 bahts. Il a demandé comment les Etats-Unis percevaient un tel traitement.
Les États-Unis ont officiellement réagi. Ils considèrent cette arrestation comme injustifiée, d’autant plus que Paul Chambers a été arrêté le soir du 8 avril après s’être présenté aux autorités le matin même. Washington s’inquiète également de la perquisition de son bureau par la police de Phitsalunoke, un incident qui a attiré l’attention internationale. Le professeur Surachart a déclaré que de tels actes sont inhabituels.
Une riposte américaine ?
L’affaire pourrait prendre de l’ampleur en vertu du décret 14078, une loi américaine promulguée par l’ancien président Joe Biden en 2022 pour protéger les Américains injustement détenus à l’étranger. Cette loi considère ces détentions comme des menaces à la sécurité nationale des Etats-Unis et impose des mesures au Département d’État et au Conseil de sécurité nationale. Les sanctions peuvent inclure des interdictions de visas, des gels d’avoirs et des sanctions contre les personnes impliquées. La famille de Chambers a déjà contacté la Maison Blanche, le Département d’État et le Congrès. Un sénateur de l’Oklahoma, d’où est originaire Chambers, a pris directement contact avec eux. Surachart a averti que si l’affaire était portée devant le Conseil de sécurité nationale des États-Unis, des contre-mesures seraient prises et irréversibles.
L’ISOC est une agence sécuritaire normalement supervisée par le Premier ministre. Il s’agit d’une branche politique de l’armée, créée au moment de la Guerre froide pour réprimer les groupes communistes dans le royaume.
Philippe Bergues
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