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THAÏLANDE – POLITIQUE : Parit Wacharasindhu, l’homme qui peut fédérer les oppositions thaïlandaises «émergentes»

Journaliste : Philippe Bergues
La source : Gavroche
Date de publication : 22/07/2021
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Alors que les critiques contre le gouvernement Prayut s’intensifient pour leur gestion vaccinale jugée « calamiteuse » par de nombreux Thaïlandais, critiques visant surtout le Premier ministre lui-même et Anutin Charnvirakul chargé du portefeuille de la Santé publique, il est pertinent de s’interroger sur la représentation d’une alternative dans la conduite des affaires politiques siamoises. Bien évidemment, on sait que le système constitutionnel actuel privilégie le pouvoir en place avec 250 sénateurs nommés, issus de l’oligarchie militaro-royaliste….

 

A regarder de plus près les débats qui s’installent dans de multiples forums dont Clubbhouse et sur les réseaux sociaux, la jeune génération politique thaïlandaise ne manque pas d’idées pour réformer cette constitution confiscatoire. L’un d’eux est Parit Wacharasindhu, moins connu sur le plan international que Thanathorn Juangroongruangkit, leader du banni Future Forward Party et grande révélation des élections législatives de 2019 avant sa destitution début 2020.

 

Parit Wacharasindhu, un jeune homme politique de bonne famille

 

Parit Wacharasindhu, 28 ans, surnommé « Itim » n’est pas sorti de nulle part : Parit est né dans une famille thaïlandaise éminente. Ses deux parents sont médecins et sa mère, le professeur Alisa Wacharasindhu (née Vejjajiva), est également la sœur aînée de l’ancien Premier ministre Abhisit Vejjajiva, ancien chef du Parti démocrate. Comme son oncle Abhisit, Parit a étudié à Oxford, et en 2014, il a été élu président de l’Oxford Union, la plus grande société des étudiants d’Oxford et l’une des plus anciennes sociétés de débat au monde. Il a été le premier Thaïlandais à assumer ce rôle.

 

Le groupe « New Dem »

 

En 2018, Parit a cofondé le groupe « New Dem » au sein du parti démocrate dans le but de faire émerger une nouvelle génération de politiciens démocrates. Cet acte marque son entrée officielle dans la carrière politique. En décembre 2018, il a été désigné pour être candidat dans la 13ème circonscription de Bangkok lors des élections générales de 2019. Le siège était précédemment détenu par Nat Bantadtan (fils de Banyat Bantadtan) et est considéré comme une circonscription démocrate forte. En général, les nouveaux candidats comme Parit ne sont pas assignés à se présenter dans des sièges sûrs, car ceux-ci sont réservés aux titulaires ou aux membres plus anciens du parti.

 

Seulement le Parti démocrate a subi une défaite dévastatrice lors de ces élections de 2019, perdant tous ses sièges à Bangkok, qui est traditionnellement son bastion, Parit est arrivé en 4e position. Le jeu des combinaisons d’alliances pour former une majorité gouvernementale a ensuite déchiré le Parti démocrate entre des membres importants du parti rejoignant la coalition du Palang Pracharath, le parti pro-junte, alors que Parit et ses collègues néo-démocrates se sont prononcés contre cette démarche, citant la promesse de campagne du parti de ne pas soutenir le général Prayut et de ne pas soutenir le maintien au pouvoir de la junte.

 

Au lieu de cela, Parit a exhorté le parti à organiser une primaire ouverte où les membres du parti et les non-membres pourraient voter sur l’avenir du parti. Mais cette option s’est opposée à la « real-politik » : le plus vieux parti thaïlandais s’est allié aux généraux dirigeant ce gouvernement, ce qui a entraîné la démission immédiate d’Abhisit Vejjajiva de sa présidence et la définition d’une nouvelle stratégie pour son jeune neveu Parit Wacharasindhu afin de devenir un influenceur politique.

 

Un engagement pour une démocratisation totale de la constitution

 

Fort d’une réflexion profonde sur sa défaite électorale et celle de l’aile du parti restée non soumise au clan Prayut, Parit s’est trouvé un cheval de bataille avec la démocratisation de la constitution au moment où le mouvement pro-démocratique multipliait les manifestations dans les rues de Bangkok. Aux premiers jours d’avril 2021, Parit a fondé le groupe ConLab (Constitution Laboratory) travaillant en collaboration avec l’ONG de défense des droits iLaw (Internet Dialogue on Law Reform) afin de lancer une campagne de collecte de signatures pour faire pression en faveur d’une modification de la charte, section par section, dans le but de démanteler le système de justice pénale et le pouvoir excessif des militaires dans les miettes de la démocratie parlementaire.

 

Le groupe « Re-Solution »

 

Le secrétaire général du Mouvement progressiste, Piyabutr Saengkanokkul, a lui-même formé le groupe « Re-Solution » pour collecter les signatures et ConLab et iLaw s’y sont naturellement associés. L’aspiration première est d’abolir le Sénat dans sa forme de cooptation présente en convaincant les pétitionnaires.

 

Gavroche a relaté début juillet comment ce groupe Re-Solution a été soutenu par 150 921 citoyens pour amender la charte. Le projet de loi d’amendement a été soumis au président du Parlement Chuan Leekpai et à cette occasion Parit Wacharasindhu a déclaré « maintenant, nous pouvons voir qu’il y a encore beaucoup de gens qui refusent de céder au pouvoir du Sénat, ce projet vise à mettre fin à la perpétuation du pouvoir par le régime de Prayut, à réduire le pouvoir du Sénat, à changer le mode de nomination des membres de la Cour constitutionnelle et des agences indépendantes, à révoquer la stratégie nationale de 20 ans et à se débarrasser de tous conséquences du coup d’État ».

 

Piyabutr et Parit ne sont pas dupes et savent qu’un amendement à la charte nécessite le vote de pas moins de 84 sénateurs pour accepter la motion en première lecture et que le Sénat ne se dépossédera pas de son propre pouvoir mais leur objectif d’arriver à un million de signatures se poursuit. Parit Wacharasindhu poursuit les discussions-débats sur les forums, la dernière en date du 17 juillet s’intitulait « Constitution conversationnelle : concevoir une constitution thaïlandaise pour l’avenir ».

 

Son idée majeure pour renforcer le pouvoir du peuple consiste en un Parlement monocaméral élu, c’est-à-dire composé d’une seule chambre sans cooptation. S’appuyant sur des situations constitutionnelles existantes, Parit explique que « selon les normes démocratiques, le pouvoir du Sénat et le mode de sélection de ses membres doivent être congruents et proportionnels. Si les sénateurs étaient nommés, comme au Royaume-Uni, leur pouvoir devrait être limité. Mais si les sénateurs sont élus, comme aux États-Unis, ils peuvent démocratiquement avoir plus de pouvoir législatif ».

 

Contexte sanitaire très dégradé

 

Se servant du contexte sanitaire très dégradé en Thaïlande depuis au moins un trimestre, Parit appelle ouvertement à la démission du Premier ministre Prayut Chan-ocha pour mettre un terme aux trois crises actuelles : la crise de santé publique, la crise économique et la crise politique. Ce ne sont pas trois crises distinctes mais étroitement liées. « Le dépannage ne peut pas se concentrer sur un seul aspect. Mais vous devez faire les trois côtés en même temps » a -t-il expliqué. On ne peut imaginer une charge plus incisive à l’encontre de Prayut d’autant que celle-ci provient -rappelons-le- d’un politicien issu du Parti démocrate dont un segment encore important participe à la coalition gouvernementale aux ordres de Prayut et de Prawit Wongsuwan, leader de fer du Palang Pracharat, parti majoritaire.

 

« Tout ne sera qu’un rêve qui se terminera rapidement comme un château de sable qui s’effondre à Phuket » a ajouté Parit. Cette dernière allusion au programme « Sandbox Phuket », initié pour ramener les touristes sur la perle de la mer d’Andaman illustre très clairement sa désapprobation de l’action gouvernementale.

 

Quel avenir pour Parit ?

 

Sans doute, Parit Wacharasindhu se retrouve au centre d’une hypothétique recomposition politique à moyen terme. Avec son héritage familial, Parit représente une possible solution d’avenir qui pourrait être perçue comme plus modérée par les classes sociales aisées de la bourgeoisie bangkokoise et qui, par son combat pour une démocratie sans concession plaît à la génération 2.0 des milleniums.

 

La réponse manquante est, à ce stade, si le curseur politique de la Thaïlande à moyen ou long terme permettra aussi le retour dans l’arène éligible de la révélation de 2019, Thanathorn Juangroongruangkit. Cette perspective permettrait d’offrir au peuple thaïlandais des débats politiques passionnés et constructifs pour l’intérêt général mais à cette heure, Prayut et son équipe disposent encore de tous les outils institutionnels pour solidement conserver leur pouvoir.

 

Philippe Bergues

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