
Né le 21 octobre 1967 à Bangkok, Jakrapob Penkair a étudié les sciences politiques à l’université Chulalongkorn University, puis a obtenu un master et un doctorat à la Johns Hopkins School of Advanced International Studies (SAIS) aux États-Unis. Il fut le porte-parole du gouvernement du Premier ministre Thaksin Shinawatra, puis une figure importante de l’opposition au régime militaire. Il est revenu dans le royaume le 28 mars 2024, après 15 ans d’exil. Interview exclusive.
Gavroche : Comment décririez-vous la situation politique en Thaïlande à la fin de l’année 2025 ? Allons-nous assister au retour de l’instabilité politique l’année prochaine ?
Puisque la constitution elle-même constitue la cause profonde de presque tous les problèmes politiques auxquels la Thaïlande est confrontée aujourd’hui, je crains que nous devions continuer à assister à des évolutions politiques malsaines dans le pays. Les effets toxiques, massifs et persistants de plusieurs de ces chartes constitutionnelles continuent en effet de faire du tort. Il s’agit d’une constitution influencée par les militaires, conçue délibérément pour déstabiliser tout gouvernement élu au profit d’un régime bureaucratique et, peut-être, au détriment même de la démocratie. Selon moi, 2026 apportera des résultats similaires, surtout si le parti Pheu Thai, toujours perçu comme un parti anti-establishment, parvient à gagner ou à revenir au pouvoir d’une manière ou d’une autre.
G : Le parti Pheu Thai peut-il revenir au pouvoir ? Et dans quel type de coalition ?
Absolument, oui. Même si la popularité du parti n’est plus aussi forte qu’avant, et avec les résultats administratifs désastreux de Bhumjaithai — notamment les inondations à Hat Yai — ainsi que le déclin du People Party après son alliance politique mal calculée avec Bhumjaithai, les chances du Pheu Thai se sont améliorées. Quant à la coalition, ce n’est pas un problème en Thaïlande, puisque la plupart des partis ne sont pas basés sur une véritable idéologie. Il n’y aura donc pas de réelles différences idéologiques comme en Europe.
G : La famille Shinawatra est-elle actuellement attaquée en Thaïlande ? Peut-on dire que Thaksin Shinawatra va se distancer de la politique dans les années à venir ?
Je doute qu’ils disposent d’une formule politique cohérente ou d’un plan à suivre, ou même d’une perspective de fin de parcours. La famille, d’après mes observations, est constamment en mode survie. Elle a été attaquée injustement plusieurs fois au fil des années, au vu et au su de tous, sans qu’il n’arrive jamais rien aux auteurs. C’est comme chevaucher un tigre : il est très difficile d’en descendre.
G : Quelle est votre prédiction pour l’élection de l’année prochaine, si elle a lieu ? Quels en seront les principaux sujets ?
À en juger par la politique et l’impasse politique du Premier ministre Anutin, je ne pense pas qu’il puisse jouer très longtemps la carte de l’attente. Même s’il souhaite, avec ses partenaires puissants mais discrets, rester au pouvoir — peut-être pour régler toutes les accusations graves, comme l’abus de terres du mont Kradong ou le chaos autour de l’élection du Sénat — il risque d’être complètement détruit simplement en restant en place. Il ne peut pas attendre trop longtemps.
Je pense donc que nous entrerons dans un processus électoral en février ou mars, comme il l’a lui-même indiqué. Les principaux sujets devraient être : les amendements constitutionnels ou la rédaction d’une nouvelle constitution, une économie affaiblie et non compétitive, les conflits frontaliers avec le Cambodge, et le rôle de Thaksin, à l’intérieur et à l’extérieur de la prison — en tête de tous les autres sujets.
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