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THAILANDE – SOCIETE: Chasseur de temples en Thaïlande : à la recherche du WAT perdu

Journaliste : Régis Levy
La source : Gavroche
Date de publication : 01/03/2018
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Durant plusieurs séjours successifs en Thaïlande, un jeune Franco-Suisse à l’esprit aventurier s’est découvert une passion inextinguible pour les temples du royaume. Au point de se lancer dans un projet pharaonique jamais accompli auparavant : en recenser la quasi-totalité, puis en visiter près de 1500 lors d’un périple de 30 000 kilomètres à scooter afin de les présenter au public sur un site internet.

 

Venu achever à Bangkok un master d’études asiatiques axé sur la Thaïlande et le développement, Loris Curtenaz se définit lui-même comme quelqu’un de curieux, très observateur et possédant un appétit certain pour les détails. Son cursus comprenant l’apprentissage du chinois, il a remarqué en examinant des temples et sanctuaires de la capitale que nombre d’entre eux comportaient des écrits dans cette langue, ce qui l’a amené à en visiter toujours davantage.

 

Dès lors son intérêt pour ces lieux de culte n’a cessé de croître au point de devenir une véritable boulimie. De fil en aiguille, il s’est mis à explorer des temples d’autres styles, thaï ou hindou. Et un beau matin il a eu cette révélation : créer un site internet qui présente les temples du royaume avec une approche qui ne se veut en aucun cas théologique, ayant simplement comme objectif d’en détailler les particularités en les traitant équitablement, sans chercher à les hiérarchiser.

 

« Un faisceau d’indices concordants m’a encouragé à m’embarquer dans ce projet assez rapidement, explique le jeune étudiant français. Je m’étais rendu compte au fil de mes recherches sur internet d’un vide sur le sujet. Dès qu’on sort des temples qui ne sont pas dans des zones touristiques, il n’y a pas d’informations les concernant en français et très peu en anglais. » Du temps devant lui, quelques économies, une connaissance de la langue en nette progression, sa curiosité et le sentiment que s’il ne s’attelait pas à ce projet personne d’autre ne prendrait le temps de le réaliser furent des facteurs décisifs.

 

Féru de statistique et de recensements, « au point d’en être monomaniaque », s’en amuse-t-il, le jeune homme établit alors un plan de bataille, commençant ses explorations sur internet et passant cinq mois à répertorier plus de 3000 temples disséminés dans les 77 provinces. Réalisant que tous les visiter prendrait plusieurs années, il en a sélectionné la moitié, « suffisamment pour inventorier une base assez large permettant d’obtenir un bel éventail de différences ». Restait à se lancer concrètement dans l’aventure, seulement muni d’un appareil photo, d’un ordinateur et du strict minimum vestimentaire.

 

Bien que n’ayant aucune expérience de la conduite de scooters, c’est ce moyen de transport qu’il choisit pour explorer toutes ces contrées depuis Bangkok, parcourant souvent plus de  300 km dans une journée, soit environ huit heures de conduite sur une route souvent périlleuse et qui, ajouté aux intempéries et à l’accumulation de fatigue, constituait un risque permanent.

 

Sans oublier les innombrables animaux qui traversent les routes inopinément, souvent des  buffles dans le Nord, de gros varans de deux mètres de long du côté d’Ayutthaya, ou des serpents dont il a dû croiser toutes les variétés existant dans l’Isan et qu’il évitait de justesse en levant les jambes.

 

Avec de surcroît des attaques de meutes de chiens errants, des piqûres d’insectes parfois très douloureuses comme cette fois ou sa main a doublé de volume, le jeune intrépide s’est fait quotidiennement de belles frayeurs, et se souvient avoir frôlé la mort plus d’une fois.

 

Quelques chutes et trois brefs séjours à l’hôpital ne sont toutefois pas venus à bout de sa persévérance, ni même les inévitables problèmes mécaniques qui surviennent quand on parcourt de telles distances. « L’un des aspects magiques de la Thaïlande est qu’on n’est jamais très loin d’un garage ou d’un bricoleur capable de vous tirer d’affaire. Je me suis toujours bien sorti. »

 

S’étant fixé comme objectif la visite de trois à huit temples dans une journée, selon les distances à parcourir, il n’était pas question d’amuser le terrain. « Cette aventure était à la fois un marathon par sa durée et un sprint quotidien pour son rythme, précise Loris. L’approche se devait d’être pragmatique, le but étant de collecter suffisamment d’informations et de photographies de chaque lieu pour alimenter mon futur site. »

 

« Aussi passionnant qu’éprouvant ! »

 

D’où l’impossibilité de passer trop de temps à discuter avec les personnes croisées ou d’accepter parfois l’invitation à dormir dans un sanctuaire. Si l’on ajoute à la conduite et aux visites la rédaction et le tri des photos le soir ainsi que la préparation de la  feuille de route du lendemain, ses journées duraient souvent une quinzaine d’heures. « C’était aussi passionnant qu’éprouvant. Pendant un an, mon mode de vie fut presque aussi ascétique que celui d’un moine. Je mangeais généralement sur le pouce dans la rue et j’avais peu de distractions. Le soir, j’éprouvais le besoin d’un minimum de confort et dormais le plus souvent dans l’un des nombreux petits hôtels situés à la périphérie des villes ».

 

Parmi ses souvenirs les plus marquants, figure le pèlerinage de Khao Kichakut, dans la province de Chanthaburi, qu’il est possible d’effectuer une fois par an sur une période de deux mois. Une empreinte sacrée de Bouddha se trouve au pied d’un rocher flanqué au sommet d’une montagne. Pour une majorité de pèlerins, la spectaculaire ascension pour y parvenir se fait à bord de songthae qui zigzaguent dangereusement sur des pistes atteignant parfois les 30 %, le dernier kilomètre, balisé par de nombreux sanctuaires, devant être parcouru à pied.

 

« Je fus impressionné tant par le nombre incalculable de fidèles et leur dévotion que par l’extraordinaire beauté du site. Ce périple de onze heures aller-retour restera l’une de mes expériences les plus mémorables. J’ai également eu la chance d’assister à l’ordination d’un moine », raconte le jeune homme.

 

S’il regrette de n’avoir eu davantage de temps pour goûter l’extrême gentillesse des habitants de l’Isan et du Nord, il affirme avoir néanmoins accumulé des souvenirs pour le restant de ses jours. Comme la traversée des régions de Phayao et Nan près du Laos, des lieux peu connus des touristes mais aux panoramas parfois époustouflants, ou encore Mae Salong et Doï Tun. « Tous ces secteurs montagneux offrent des paysages d’une beauté très particulière, s’enflamme-t-il. J’ai beaucoup aimé la sérénité qui s’en dégage ». Cette quête l’a vraiment conforté dans son envie de faire  découvrir la diversité et la richesse de la Thaïlande, d’en décrire d’autres aspects au travers de temples peu connus.

 

Loris a atteint l’objectif qu’il s’était fixé. Son site, sobrement baptisé www.temple-thai.com, est en ligne depuis début janvier. Doté d’une interface ergonomique, il présente actuellement 350 temples avec descriptifs, photos et points de géolocalisation.

 

Une interactivité bien pensée permet au visiteur de passer à d’autres temples correspondant à ses centres d’intérêt, grâce à l’utilisation de mots-clefs. Son contenu va continuer de s’enrichir de l’incroyable banque de données accumulées par son auteur durant les quatorze mois de son épopée.

 

Alors qu’il est rentré en France depuis seulement un mois, Loris ressent déjà le besoin d’en dénicher de nouveaux : « Je suis en manque  d’exploration et j’ai déjà la certitude que je vais revenir en Thaïlande pour poursuivre cette aventure. J’espère que mon site donnera envie d’aller visiter toutes ces magnifiques contrées et qu’un jour peut-être, le développement du tourisme contribuera à leur développement économique ».

 

Régis Levy (www.gavroche-thailande.com)

 

Photos : courtoisie Loris Curtenaz

Article paru dans le N° 280 (février 2018) du Gavroche

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