Une conférence universitaire organisée à la faculté de sciences sociales de l’Université de Chiang Mai a mis en lumière l’aggravation de la pollution des rivières Kok, Sai, Ruak et Mékong par des résidus toxiques en provenance de mines situées dans l’est de la Birmanie.
L’événement a donné lieu à des échanges nourris entre chercheurs, militants et responsables politiques sur l’ampleur de la contamination, les conséquences pour les populations locales, et l’inaction persistante sur le plan diplomatique.
Des taux d’arsenic préoccupants
Selon Wan Wiriya, chercheur au Centre des sciences de l’environnement de l’Université de Chiang Mai, les relevés sur le terrain montrent que les niveaux d’arsenic dépassent largement les normes sanitaires internationales. Même dans les zones où les concentrations semblent conformes, les calculs toxicologiques révèlent un risque sanitaire multiplié par plus de 20.
« Le seuil de dangerosité (Hazard Quotient) est fixé à 1. À certains points, comme la station KK04, on enregistre un HQ de 22. Cela démontre une contamination chronique inquiétante, même si l’eau n’est pas directement bue, elle est utilisée pour l’agriculture et les effets s’accumulent », a-t-il précisé.
Populations locales en détresse
Suebsakul Kittanukorn, universitaire à Mae Fah Luang, a dénoncé l’absence de solutions concrètes malgré les plaintes répétées. Dans les provinces de Chiang Rai et Mae Sai, plus de 100 000 rai (16 000 hectares) de terres agricoles sont irriguées par des eaux potentiellement contaminées. Résultat : les habitants achètent désormais leur eau potable, les pêcheurs ont déserté les rivières et les restaurateurs subissent des pertes économiques, les clients s’inquiétant de l’origine des poissons.
« Le gouvernement semble plus préoccupé par l’idée de réformer les mines en Birmanie que de les fermer. La transparence manque à tous les niveaux, à l’exception du département de contrôle de la pollution. »
Suebsakul s’inquiète également du risque accru d’inondation pouvant entraîner une dispersion massive des polluants. Il demande un plan de réponse d’urgence, des tests de radioactivité des terres rares, et une évaluation de la chaîne de valeur minière dans la région.
Une diplomatie régionale au point mort
Phattharaphong Leelaphat, député de Chiang Mai du Parti du Peuple, regrette que la Thaïlande n’ait toujours pas activé le mécanisme de coopération Mékong-Lancang (LMC) pour faire pression sur la Birmanie – et la Chine, principale importatrice des minerais extraits.
« La Chine contrôle 80 % du marché mondial des terres rares. Elle a adopté des règles de traçabilité stricte pour ses importations, mais sur le terrain, des pratiques illégales persistent. Nous devons exiger des contrôles communs sur les sites miniers birmans et impliquer Pékin dans une solution durable. »
Il a proposé de convoquer une réunion d’urgence de la commission environnementale du LMC, afin d’élaborer un plan d’action commun, incluant l’inspection des mines situées en amont des rivières concernées, et la mise en place d’une chaîne d’approvisionnement verte, conforme aux ambitions environnementales affichées par la Chine.
« Le Premier ministre thaïlandais avait affirmé en décembre dernier que des discussions avaient eu lieu via le LMC. Or, l’interpellation du vice-Premier ministre Prasert la semaine dernière a montré qu’il n’y a eu aucune avancée. Le temps presse, et ce dossier exige un dialogue d’État à État. »
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