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THAÏLANDE – VISITE DU PAPE : Gavroche vous raconte les Missions Étrangères de Paris

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 19/11/2019
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Il est impossible de rater, au 254 Silom Road, la paroisse française des Missions étrangères de Paris à Bangkok. Le quartier général de cette congrégation missionnaire est au cœur de la vie de l’église catholique thaïlandaise. Pour accompagner la visite du pape François, Gavroche a plongé dans ses archives pour vous raconter leur histoire extraordinaire.

 

Nous reproduisons ici un article de Carol Isoux précédemment publié dans Gavroche Magazine

 

Située au cœur du quartier historique, sur Silom, la Mission Étrangère de Paris à Bangkok accueille prêtres missionnaires et jeunes volontaires venus offrir leur services à l’Église en Thaïlande. Chaque dimanche, elle est aussi le rendez-vous de la communauté francophone pratiquante.

 

C’est la plus grande concentration de petites têtes blondes qu’on ait vue depuis longtemps. Devant la modeste église vitrée au fond de la cour, des enfants en culottes claires courent, des jeunes mères de famille discutent. On pourrait se croire un dimanche matin d’été dans une banlieue un peu chic de France, mais l’ambiance est plus détendue.

 

Paroissiens divers

 

Des bonnes sœurs espagnoles, un vieux monsieur indien, un couple franco-africain, quelques Thaïlandaises, des familles franco-françaises : les paroissiens viennent de milieux divers. A bien y regarder, ce ne sont pas les notables qui sont présents : ni dirigeants des grandes compagnies françaises, ni membres du personnel d’ambassade, mais plutôt des entrepreneurs indépendants, hommes comme femmes. Quelques repentis aussi, dont on devine qu’ils arrivent à la messe après des années de fête en Asie du Sud. Une paroisse métissée, jeune, plutôt joyeuse si on esquisse la comparaison avec une traditionnelle messe du dimanche dans une ville française.

 

Animation

 

Quelques musiciens assurent l’animation : un pianiste, un guitariste, une petite fille qui se débrouille à la flûte traversière et la chef de chœur qui déploie une énergie considérable à faire chanter l’assistance sur des cantiques modernes. Un chant en hébreu, Evenou Shalom Aleichem, fait un carton : certains se lancent à chanter à tue-tête. Mais le clou du spectacle c’est bien sûr le sermon du père François Glory, arrivé récemment dans la Cité des Anges après trente ans passés dans la jungle brésilienne. Un petit frémissement d’impatience parcourt l’audience quand il décroche le micro et s’approche de ses ouailles. Auparavant, il a pris soin de faire asseoir un enfant un peu trop turbulent parce « qu’il rentre dans mon chant de vision et ça me déconcentre », explique-t-il aux parents mortifiés. Il parle d’amour de Jésus, de choses attendues et puis tout à coup réveille tout le monde en abordant les dossiers sensibles : « Frères et sœurs, rappelez-vous que quand on impose une langue, une façon de penser, quand on essaie d’imposer nos valeurs, notre vérité soi-disant universelle, alors on massacre l’humanité », assène-t-il à cette communauté d’expatriés. Discours peu commun pour un missionnaire.

 

L’incroyable aventure des Missions Étrangères

 

Car le but essentiel des Missions Étrangères de Paris n’est pas de célébrer la messe pour les expatriés. Association de prêtres exclusivement tournés vers l’évangélisation des contrées lointaines, elle vit le jour à Paris vers 1660. La mission est dès son origine particulièrement orientée vers l’Asie. Alexandre de Rhodes, jésuite bien connu pour avoir transcrit la langue vietnamienne en alphabet latin,

 

demande au pape de lui envoyer trois prêtres français pour l’aider à créer un clergé autochtone capable de s’adapter aux mœurs du pays d’accueil, de préférence sans ingérence dans les affaires politiques. Monseigneur Lambert de la Motte, membre fondateur des MEP, François Pallu et Ignace Cotolendi se portent volontaires, accompagnés de plusieurs prêtres et laïcs : en tout, ils sont dix-sept à quitter la France depuis Marseille pour l’Asie. C’est la première mission de prêtres français au royaume de Siam.

 

Roman d’aventures

 

Leur voyage est digne d’un roman d’aventures : comme il s’agit d’éviter à tout prix de rencontrer des Portugais sur les mers, car eux seuls pour l’instant ont l’autorisation officielle pour créer des missions catholiques à l’étranger, ils doivent faire la plupart du trajet par la route, à pied ou « en charrette » quand l’épuisement se fait sentir. Ils passent donc par l’empire Ottoman, rallient Bagdad après une traversée du désert, avant de rejoindre des Jésuites basés à Ispahan (Iran) et de redescendre par l’Inde. L’affaire prend tout de même plus de deux ans.

 

Rivalités missionnaires

 

Après quelques premières années difficiles, de rivalités avec les missionnaires portugais et d’incompréhension de la culture locale, les Français créent des missions dans plusieurs villes de Thaïlande et dirigent un hôpital à Ayutthaya. Leurs efforts ne seront pas récompensés : les archives des Missions étrangères ne font état que de six cents conversions siamoises en 1674. Ce qui n’empêche pas les MEP d’avoir une relation toute particulière avec la Thaïlande. A l’époque, comme aujourd’hui, la capitale siamoise est la ville de repli pour les missionnaires persécutés des missions de Cochinchine, du Tonkin et de Chine. Celle où il fait bon vivre, où on vient partager les nouvelles du front et trouver des gourmandises venues d’Europe. Arrivés à Ayutthaya un peu par hasard, les missionnaires n’en repartiront plus.

 

Deux cent prêtres

 

Aujourd’hui, l’association déclare officiellement deux cents prêtres à travers le monde – elle en emploie certainement beaucoup plus officieusement, mais les visas sont parfois un problème – , et envoie près de 180 volontaires en Asie chaque année. La mission de Bangkok accueille toujours des jeunes de passage, qui en échange d’un travail pour la paroisse (administration du site internet…) ou d’une mission de volontariat dans le Nord du pays, ont au cœur de Silom un hébergement gratuit. Rien qu’en Thaïlande et au Laos, une vingtaine de prêtres des MEP sont répartis, principalement dans des villages à minorités ethniques du Nord, notamment karens, où ils évangélisent sans relâche et tentent d’améliorer les conditions de vie des communautés. On peut souvent croiser à la Mission l’un ou plusieurs d’entre eux venus quelques jours se reposer et socialiser à Bangkok.

 

Une paroisse qui se prend en charge

 

Habitués à ce roulement permanent des prêtres missionnaires qui apparaissent et disparaissent pour d’autres horizons, les vrais piliers de la communauté catholique française de Bangkok sont des laïcs. La paroisse, forte de plusieurs centaines de membres, s’occupe d’une foule d’activités. D’abord, il y a la vie spirituelle de la communauté : une vingtaine d’enfants, pour la plupart venus du lycée français de Bangkok, préparent leur communion ou leur profession de foi cette année. Des couples mariés préparent également onze jeunes couples, franco-français et franco-thaïs, au mariage pour l’année prochaine. « Je pense qu’il est plus agréable de se faire préparer au mariage par quelqu’un qui a de l’expérience en la matière que par un vieux célibataire endurci et… chauve », plaide le père Glory. Le prêtre ne s’occupe personnellement que de la célébration de la messe et des cours d’études bibliques certains week-ends. Il est le premier à encourager cette autonomie des laïcs de sa paroisse : « Je suis pour qu’on revienne aux premiers temps de l’Église, où l’esprit saint descendait aussi sur des laïcs afin qu’il aillent annoncer l’évangile. Aujourd’hui, seuls les prêtres sont habilités à le faire. Pourtant, les laïcs sont une part essentielle de l’Église. »

 

Prière des mères

 

Le matin, en semaine, a lieu « la prière des mères », un groupe de femmes qui se réunit afin de prier « pour leurs familles et leurs enfants ». Il est tout de même précisé sur le site que « toutes les femmes avec un cœur de mère » sont les bienvenues, « célibataires ou mariées, avec ou sans enfants. » Le contenu de ces prières est « strictement confidentiel. »

 

Enfin, les membres actifs de la paroisse récoltent des fonds pour les villages karens où stationnent les prêtres des MEP. Un groupe de volontaires est allé cette année repeindre les locaux d’une école à Maewé, en territoire karen, près de Mae Sot, où les MEP sont présentes depuis plus de 50 ans. Ils sont la base arrière, les ressources humaines et financières sur lesquels peuvent s’appuyer les missionnaires. Comme toute communauté d’expatriés, les catholiques français de Bangkok oscillent entre évangélisation culturelle et acculturation.

 

Le site des MEP ici

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