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Thonburi vieux port : un quartier de Bangkok à la croisée des chemins

Journaliste : Lionel Corchia
La source : Gavroche
Date de publication : 11/09/2014
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Bangkok possède une surabondance d’architectures et d’influences coloniales toutes représentées dans son paysage culturel urbain. En bordure du Chao Phraya, au cœur du quartier de Thonburi, aussi appelé « quartier du vieux port », le temps semble s’être arrêté aux milieux des klongs. Bien loin des principaux itinéraires touristiques, quatre communautés représentées par leurs lieux de culte respectifs cohabitent en pleine harmonie.

 

La meilleure façon de commencer ce voyage initiatique est de remonter le fleuve côté rive gauche au départ de Sathorn Pier, au pied du BTS Saphan Taskin, jusqu’à l’embarcadère Pat Khlong Talat où se trouve le marché aux fleurs. Ce célèbre marché de Bangkok s’étend non loin du quai et commence à s’animer la nuit et jusqu’aux premières lueurs de l’aube. Un passage obligé pour tous les pèlerins venant y acheter leurs offrandes pour les temples alentours. Dans ce lieu incontournable mêlant mille parfums de fleurs aux couleurs éclatantes provenant des différentes provinces du pays, on confectionne bouquets et ornements aux prix les moins chers de la capitale. Juste derrière le marché, dans un entrelacs de ruelles intérieures, se vendent toutes sortes d’épices et aliments faisant la richesse de la cuisine traditionnelle thaïlandaise.

 

Rien de plus simple ensuite que d’emprunter la navette fluviale pour rejoindre l’autre rive et l’embarcadère Wat Kanlayanamit qui jouxte le temple Kalayanmit Woramahawihan, aussi appelé temple de l’Amitié. Vous pouvez aussi enjamber le fleuve en empruntant le Memorial Bridge, puis en longeant la jetée à pied sur la rive droite du Chao Phraya. Une voie piétonne et une piste cyclable y sont autant le rendez-vous de pêcheurs à la ligne que des joggeurs et amoureux venant s’y perdre à toute heure de la journée.

 

Le Wat Kalayanmit Woramahawihan dispose d’une impressionnante statue du Bouddha remplissant la quasi-totalité de la salle de prières, dont les murs sont peints de scènes contemporaines qui rappellent d’anciennes divinités chinoises. A ses côtés, un clocher abrite l’une des plus grandes cloches de bronze du royaume. De nombreux autres édifices plus petits sont disposés dans une cour intérieure entourée de statues et de divers objets décoratifs. Le temple a été construit par Rama III au début du XIXe siècle. Le commerce avec la Chine, alors à son apogée, était considéré comme un contrepoids nécessaire à la présence croissante des puissances coloniales européennes. Une influence architecturale que l’on retrouve dans cette enceinte alors que l’immense wiharn (salle de prières) conserve son style traditionnel thaïlandais.

 

Le sanctuaire de la Miséricorde

 

A quelques enjambées, en direction du Memorial Bridge, une passerelle relie la jetée à la porte principale du temple Kuan Yin, l’un des plus anciens témoins du patrimoine culturel chinois de Bangkok, construit il y a plus de 200 ans et dédié à la déesse de la Miséricorde. Des enfants jouent près des quais pendant que des gens prient juste à côté avant de rejeter poissons ou anguilles dans le Chao Phraya en signe de bonne action. Ce lieu est aussi le centre d’attention de nombreux dessinateurs qui n’ont de cesse d’être inspirés par cet édifice religieux. Le site originel fut construit sous le règne du roi Taksin (1767-1782) par les premiers immigrants chinois. Les bâtisses délabrées ont été remplacées sous Rama III (1824-1851) par un sanctuaire dédié à la déesse Kuan Yin.

 

Au-dessus de la porte principale, deux dragons montent la garde alors qu’à l’intérieur, des guerriers chinois peints sur les murs veillent sur l’autel dédié à Kuan Yin. Des lanternes rouges usées suspendues aux chevrons vous guident jusqu’à d’anciennes icônes religieuses embrumées de vapeurs d’encens et semblant danser à la lueur des bougies. Une atmosphère singulière émane de cet antre, plongeant les visiteurs dans les couloirs du temps d’une Chine lointaine. Derrière le sanctuaire, dans une cour au centre de laquelle un four brûle les prières de papier des fidèles, un autel plus petit renferme plusieurs statues de la déesse.

 

L’Eglise de la Sainte Croix

 

Le long des berges, le dôme rouge de l’église catholique de Santa Cruz (appelée aussi « église chinoise ou « wat Ku Dee Jeen » en référence à son architecture), nichée entre de vieilles maisons et allées sinueuses, est un important point de repère sur le fleuve Chao Phraya. L’ambiance de cette oasis urbaine a quelque chose d’enchanteur dans ce petit bout de Portugal dont l’édifice religieux en est le dernier vestige.

 

Un crucifix de marbre et une représentation de la Vierge dans un jardin bucolique encadrent la grille de la cour principale. L’église de couleur crème est érigée au centre, surmontée d’un clocher en forme de coupole et ornée de vitraux gravés. Derrière l’église, les statues de Marie et Joseph se dressent comme des anges gardiens de la « communauté Ku dee Jeen » et veillent sur un petit cimetière. Avec son école et son couvent, l’église de Santa Cruz continue à jouer un rôle majeur dans l’éducation.

 

Des espaces sportifs en plein air sont mis à la disposition des enfants du quartier qui commence à s’animer en fin de journée. Élevés entre leurs traditions thaïlandaises et celles de leurs ancêtres, les habitants se sont spécialisés dans la fabrication et le commerce de desserts portugais, dont les fameux kanom farang faits à base de farine, d’œufs, de sucre et de fruits secs. Des petites entreprises familiales y prospèrent et accueillent régulièrement des admirateurs inconditionnels de ce petit village pastoral.

 

Aux portes de l’Islam

 

Toutes les grandes religions sont réunies en cette petite parcelle de la capitale et coexistent paisible- ment. Dans ce patchwork culturel, l’Islam ne fait pas exception à la règle avec de nombreuses mosquées environnantes dont celle de Bang Luang construite au XVIIIe siècle, mélangeant les styles traditionnels thaïlandais, européen et chinois. D’autres ont été édifiées dès le XVIIe siècle durant la période Ayutthaya, comme « Tonson », la plus ancienne mosquée de Bangkok qui dispose de précieuses reliques ainsi que d’un cimetière où reposent les imams thaïlandais.

 

Une mixité culturelle propre à ce quartier paisible que vous pouvez quitter en empruntant le Memorial Bridge, endroit privilégié pour assister au coucher du soleil sur le Chao Phraya et voir s’endormir tout doucement Thonburi au rythme des flots à présent fréquentés par de rares petites embarcations. Au loin, le wat Arun se dessine en ombre chinoise alors que naissent les premières lumières artificielles. Laissez-vous aller à une dernière incursion dans le marché de nuit de Saphan Phut qui longe les berges du pont et vous ramène peu à peu à une réalité plus familière.

 

Lionel Corchia

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