Le gouvernement vietnamien s’apprête à réformer en profondeur le marché de l’or, longtemps dominé par un acteur unique. Une nouvelle réglementation, en cours d’élaboration, devrait permettre à des banques et entreprises sélectionnées d’importer de l’or brut et de produire leurs propres lingots. Cette ouverture mettrait un terme au monopole détenu depuis 2012 par la Saigon Jewelry Company Limited (SJC).
Depuis treize ans, la SJC — entreprise publique — détient, en vertu du décret 24/2012/ND-CP émis par la Banque centrale du Vietnam (SBV), l’exclusivité de l’importation et du raffinage de l’or.
À l’époque, cette décision visait à stabiliser un marché particulièrement volatile. Mais ce monopole a généré des effets indésirables : l’offre limitée a provoqué un écart important entre les prix pratiqués au Vietnam et ceux du marché international. À certaines périodes, le prix local de l’or dépassait jusqu’à 770 dollars américains par tael (37,5 grammes) par rapport au cours mondial.
Selon le directeur de la SBV, Dao Xuân Tuan, la réforme vise à corriger ces déséquilibres. « La Banque centrale délivrera des licences aux institutions financières et aux entreprises qui répondent aux critères requis pour importer de l’or brut et le transformer en lingots ou en bijoux », a-t-il précisé.
L’objectif de cette réforme est clair : encourager la concurrence, élargir l’offre, réduire les écarts de prix entre marques et améliorer l’accessibilité pour les consommateurs.
Les nouvelles règles prévoient également un renforcement de la transparence : les producteurs agréés devront publier leurs normes de qualité, conserver des registres détaillés et effectuer toutes les ventes par virement bancaire, avec facturation électronique. Les transactions supérieures à 20 millions de dôngs (environ 720 euros) devront transiter par des comptes bancaires dûment enregistrés.
Parallèlement à cette réforme, la SBV a récemment terminé une inspection des principales entreprises du secteur. Trois d’entre elles — SJC, PNJ et Bao Tin Minh Chau — ont écopé d’amendes totalisant 236 000 dollars pour des infractions liées à la fixation des prix, à la lutte contre le blanchiment d’argent et à des manquements fiscaux. Ces sociétés ont été signalées au ministère de la Sécurité publique pour d’éventuelles poursuites judiciaires.
Dans un pays où l’or joue un rôle essentiel dans l’économie domestique, cette réforme est d’autant plus attendue.
L’or y est non seulement une valeur refuge, en particulier dans un contexte de dépréciation du dông — qui a perdu près de 10 % face au dollar américain depuis la pandémie — mais il revêt aussi une importance culturelle majeure, notamment lors des mariages et festivités.
Selon Huynh Trung Khanh, vice-président de l’Association des commerçants d’or du Vietnam, les lingots sont devenus « le principal canal d’investissement » dans le pays. Cette forte demande a souvent provoqué des ruées dans les magasins. Pas plus tard qu’en avril dernier, la flambée des prix a entraîné des files d’attente devant de nombreux bijoutiers, ce qui a poussé le gouvernement à accélérer les réformes.
Le gouvernement n’a pas encore précisé le calendrier de mise en œuvre des nouvelles règles, mais les autorités assurent qu’un changement aura bien lieu. La Banque centrale délivrera les licences d’importation en tenant compte des conditions macroéconomiques, des objectifs de politique monétaire et des fluctuations du marché.
Cette réforme, longtemps repoussée, marque un tournant pour l’un des marchés de l’or les plus fermés d’Asie du Sud-Est. Elle pourrait favoriser une baisse des prix, une diversification de l’offre et une régulation plus rigoureuse du secteur, dans un souci d’équilibre entre ouverture économique et stabilité financière.
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