Une chronique historique de Michael Flaks
L’énigme de l’or disparu du Sud Vietnam
Au matin du 30 avril 1975, la ville de Saïgon se réveille dans un silence pesant. Les colonnes de l’armée nord-vietnamienne avancent sans résistance, traversant les boulevards sous les regards incrédules d’une population médusée. Au cœur de la ville, un convoi se détache et file en direction de la Banque nationale. Dans ses coffres, un trésor : l’or du Sud Vietnam, estimé entre 16 et 20 tonnes. Ce jour-là, le destin de cette réserve bascule dans le mystère.
La Banque nationale du Sud Vietnam
Les témoignages convergent : lors de la chute de Saïgon, l’essentiel de l’or serait resté dans les coffres de la Banque nationale. L’irruption des troupes nord-vietnamiennes, la désorganisation totale du régime sudiste, tout concourt à une saisie rapide et méthodique des réserves. Selon la version la plus répandue, l’or aurait été transféré dans les actifs de la nouvelle Banque d’État du Vietnam réunifié. Un acte quasi-officiel, mais dont la trace documentaire demeure insaisissable.
Pistes parallèles : rumeurs, exfiltrations et disparitions
D’autres pistes, plus troubles, émergent des brumes de la débâcle :
Des rumeurs persistantes évoquent le transfert clandestin d’une partie de l’or à l’étranger, orchestré par des hauts responsables sud-vietnamiens. Objectif : financer leur fuite ou constituer un trésor de guerre en exil.
Dans la panique, certains auraient profité du chaos pour détourner des lingots à leur profit. Aucune enquête officielle n’a jamais permis de quantifier ces disparitions, mais l’ombre du vol plane sur les dernières heures du régime.
Enfin, certains évoquent la possibilité d’or dissimulé ou non déclaré, caché par d’anciens cadres ou par les nouveaux maîtres du pays. L’imaginaire collectif s’empare alors du mythe du « trésor perdu ».
Un indice suisse : la piste du vol fantôme
Un élément relance l’enquête : dans les derniers jours d’avril 1975, un avion-cargo de la Balair, filiale de la défunte Swissair, en provenance de Saïgon atterrit à Bâle-Mulhouse, via Londres. Sa soute aurait-elle contenu l’or du Vietnam ? Certains en sont convaincus, évoquant même une entente secrète entre militaires nord et sud-vietnamiens de haut rang pour partager le butin, au détriment du peuple vietnamien.
Un mystère non élucidé
Aujourd’hui encore, le mystère de l’or du Sud Vietnam fascine et divise. Saisi, exfiltré, détourné ou perdu, l’or de Saïgon reste l’un des grands secrets de la fin de la guerre du Vietnam, symbole des bouleversements et des zones d’ombre qui entourent la chute d’un régime et la naissance d’un autre.
Michaël Flaks
Ancien délégué du CICR au Vietnam et au Laos,
auteur des « Chroniques de la Route mandarine», Indo Editions, Paris, 2014.
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