
En décembre 2025, la junte militaire birmane a annoncé la tenue d’« élections générales », prévues à partir du 28 décembre 2025. Or, un récent sondage indépendant — mené entre le 27 octobre et le 5 novembre 2025 — révèle un rejet massif de ces élections par la population.
Une enquête citoyenne — méthodologie et participants
L’enquête, conduite auprès d’adultes de 18 ans et plus, a ciblé à la fois des personnes vivant à l’intérieur du pays et des membres de la diaspora. Les données ont été recueillies en ligne via KoboTool et, pour certaines zones, en personne via des volontaires. L’échantillon est un échantillonnage de convenance. Parmi les 1 877 répondants :
- 75 % résidaient à l’intérieur de la Birmanie, 15 % dans la diaspora (soit 565 personnes) ;
- 44 % avaient entre 18 et 35 ans ;
- Le milieu de vie était mixte : 45 % en zone rurale, 43 % en zone urbaine ;
- 76 % des répondants étaient « résidents », 24 % « déplacés » à l’intérieur du pays.
Des résultats sans appel
Les conclusions de l’enquête sont claires :
- 99 % des répondants (intervalle de confiance 94–100 %) ne reconnaissent pas le coup d’État de 2021 ;
- 98 % (85–100 %) jugent les élections proposées par la junte comme injustes et illégitimes ;
- 98 % (80–100 %) considèrent que ces élections ne constituent pas une solution à la crise que traverse le pays ;
- 96 % (85–100 %) affirment qu’ils ne participeront pas à ces élections.
Ces opinions sont uniformes, indépendamment de l’âge, du genre ou du milieu rural/urbain.
Contexte : pourquoi ces élections sont largement rejetées
Depuis le coup d’État du 1er février 2021, l’armée a arrêté des centaines de responsables civils, dissous le parti majoritaire précédent, la National League for Democracy (NLD), et transformé les institutions — y compris la commission électorale — pour les placer sous contrôle militaire.
Le régime a par ailleurs promulgué des lois criminalisant toute critique ou perturbation du processus électoral, avec des peines allant jusqu’à 20 ans de prison, voire la peine de mort.
De plus, le pays reste en proie à une guerre civile : le régime ne contrôle pas l’ensemble du territoire — selon certaines estimations, elle n’exerce l’autorité que sur une partie du pays — ce qui rend toute élection nationale crédible difficile, voire impossible. Enfin, le scrutin est organisé dans un contexte où de nombreux partis d’opposition sont interdits, dissous ou disqualifiés. Les candidatures sont soumises à des conditions d’enregistrement draconiennes (nombre important de membres, fonds, etc.), ce qui élimine la plupart des partis non alignés avec le régime.
De fait, de nombreuses organisations internationales et de défense des droits de l’homme, parmi lesquelles Human Rights Watch (HRW), considèrent ces élections comme une « mascarade » destinée à légitimer le pouvoir militaire plutôt qu’à restaurer la démocratie.
Ce que dit la « voix du peuple »
À travers cette enquête — menée de façon indépendante par un collectif de chercheurs et volontaires birmans (résidant en Birmanie ou dans la diaspora) — transparaît un message fort et cohérent : Malgré la peur, la répression, la surveillance et les déplacements forcés, une majorité écrasante de la population — résidente comme déplacée, jeune comme plus âgée — affirme son rejet de toute légitimité accordée à un pouvoir issu d’un coup d’État.
Pourquoi ces résultats importent
Un rejet populaire massif : L’enquête montre que, contrairement à ce que le régime tente de faire croire avec ces élections, l’opinion publique n’est pas dupe — le régime bénéficie d’aucun soutien populaire significatif.
Un avertissement à la communauté internationale : Si l’élection se tient malgré tout, prétendre que le scrutin reflète la volonté du peuple serait mensonger.
Un appel à la justice et aux droits humains : Dans un contexte où des milliers de personnes ont été tuées, emprisonnées, déplacées, et où la pauvreté et les violations des droits fondamentaux s’aggravent, le rejet populaire de la junte et de ses élections confirme le désir profond d’un changement réel.
Un acte de mémoire et de résistance : Documenter les opinions, les sentiments, les voix des Birmans — y compris celles des déplacés et de la diaspora — constitue un acte important de résistance contre l’effacement, l’intimidation et la mise au silence.
Conclusion
L’enquête documentée ici confirme ce que de nombreux observateurs dénoncent : les élections prévues par la junte ne sont pas perçues comme une voie vers la paix, la démocratie ou la légitimité, mais comme un instrument de propagande destiné à prolonger le pouvoir des militaires. À travers leurs réponses, les habitants du Myanmar — qu’ils résident dans le pays ou dans la diaspora — réaffirment massivement leur attachement à un avenir démocratique, fondé sur la justice, les droits humains et la souveraineté populaire.
Ce « cri du peuple birman » mérite d’être entendu et soutenu.
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