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ASIE DU SUD EST – GÉOPOLITIQUE: Le Covid 19 et les réflexes nationaux ne doivent pas faire oublier les acquis de l’ANASE/ ASEAN !

Journaliste : Sihasak Phuangketkeow
La source : Gavroche
Date de publication : 30/05/2020
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Ancien Ambassadeur de Thaïlande en France, Sihasak Phuangketkeow livre régulièrement des analyses géopolitiques à l’institut d’études sur l’Asie du sud-est de Singapour (ISEAS). Une chance pour Gavroche, plate-forme ouverte aux meilleurs experts: ce dernier a accepté de partager avec nous la version française de son dernier texte consacré à l’ASEAN (Association des nations de l’Asie du sud-est). Son plaidoyer ? Ne pas oublier les acquis de l’intégration régionale…

 

Une analyse de Sihasak Phuangketkeow, ancien Ambassadeur de Thaïlande en France

 

Une grande partie de ma carrière au sein du service extérieur thaïlandais, qui s’étend sur 40 ans, a été consacrée aux affaires de l’ANASE / ASEAN. Tout au long de cette période, j’ai eu la chance d’être témoin de plusieurs des étapes importantes de l’évolution de l’ANASE – la signature de l’accord de paix de Paris, le lancement de la zone de libre-échange de l’ANASE (AFTA), la création du Forum régional de l’ANASE (ARF) et du Sommet de l’Asie de l’Est (EAS), l’adoption de la Charte de l’ANASE et la réalisation de la Communauté de l’ANASE en 2015, entre autres. En effet, comme beaucoup l’ont déjà dit, l’ASEAN a parcouru un long et incroyable chemin.

 

Un long voyage

 

On peut rappeler que lorsque l’ASEAN a commencé son voyage, il y avait beaucoup plus d’opposants que de croyants. Beaucoup doutaient que l’ASEAN survivrait, et encore moins qu’elle se développerait comme elle l’a fait pendant plus de cinquante ans. L’ASEAN n’était pas animée par un grand dessein mais par un désir sincère de faire le premier pas pour jeter des ponts entre les pays membres et pour encourager le régionalisme afin d’assurer un avenir meilleur à nos peuples et à la région. Comme l’a déclaré le ministre thaïlandais des affaires étrangères, Thanat Khoman, dans son discours lors de la cérémonie de signature de la déclaration de Bangkok visant à créer l’ANASE le 8 août 1967, “Ce que nous avons décidé aujourd’hui n’est que le petit début de ce que nous espérons être une longue et continue séquence de réalisations dont nous pouvons être fiers, ainsi que ceux qui nous rejoindront plus tard et la génération à venir”.

 

Une région à l’avenir incertain

 

Lorsque l’ANASE a été fondée, l’Asie du Sud-Est était une région en pleine effervescence, confrontée à un avenir incertain. Nous vivions dans le même quartier mais nous nous connaissions peu, séparés par des murs de méfiance et de suspicion mutuelles. Mais, progressivement, en inculquant une culture de dialogue, de consultation, de recherche de consensus et de coopération, les pays membres ont réussi à instaurer un sentiment de confiance mutuelle, en surmontant nos diversités, nos différences et les conflits passés. Face à des défis communs, nous avons pris conscience que notre paix et notre progrès étaient intimement liés et que notre avenir commun dépendait de la mobilisation de nos efforts et du travail collectif. Grâce au processus de régionalisme, nous avons reconnu qu’en tirant parti de nos forces, l’ANASE peut véritablement faire la différence. Telle est l’essence de la méthode de l’ANASE qui a été le moteur de la réussite de l’ANASE.

 

Compte tenu de ses modestes débuts, le parcours de l’ANASE n’a été rien moins que remarquable. D’une maison divisée contre elle-même, nous sommes maintenant une Asie du Sud-Est unie. Là où la paix s’était autrefois révélée insaisissable, nous avons réussi à établir des relations pacifiques durables et à accroître la prospérité. Nos économies sont parmi celles qui connaissent la croissance la plus rapide au monde. L’intégration économique a élargi les possibilités de commerce et d’investissement, faisant de l’ANASE une destination de plus en plus attrayante pour les entreprises et les sociétés du monde entier. Avec un PIB combiné de plus de 2,8 billions de dollars US, l’ANASE se classe au septième rang des économies mondiales. En outre, nos peuples jouissent d’un bien-être et d’un niveau de vie plus élevés que jamais.

 

Un rôle central pour l’ANASE/ASEAN

 

Au-delà de l’Asie du Sud-Est, l’ANASE a fait sentir sa présence. L’ANASE a démontré son rôle central en promouvant le dialogue et la coopération multilatéraux en matière de sécurité, en engageant de manière constructive toutes les grandes puissances et tous les partenaires à aborder les questions de paix et de stabilité dans la région au sens large. En Asie de l’Est et dans l’Indo Pacifique au sens large, l’ASEAN cherche à promouvoir un ordre régional ouvert, inclusif et fondé sur des règles. Malgré toutes ces réalisations, il ne fait aucun doute que dans le contexte de l’essor de l’Asie, l’ASEAN a également gagné en importance.

 

Avec la création de la Communauté de l’ASEAN en 2015, l’ASEAN a en effet beaucoup progressé dans la réalisation des aspirations des pères fondateurs de l’ASEAN. Mais le projet de construction de la communauté que l’ASEAN a lancé est un effort continu et permanent, qui nécessite une volonté et un élan politiques soutenus. Alors que le monde se dirige vers de plus grandes incertitudes, l’ASEAN devra certainement naviguer sur des mers agitées. Les changements dans l’équilibre stratégique des pouvoirs, les marées d’antimondialisation et de protectionnisme, l’érosion du multilatéralisme, le rythme rapide de la quatrième révolution industrielle et la montée des menaces non traditionnelles pour la sécurité ont une incidence sur l’unité, la centralité et la pertinence de l’ANASE. L’ANASE devra également développer sa capacité à relever les défis qui, au sein de l’ANASE elle-même, découlent de son propre succès – les attentes plus élevées des peuples et les implications de l’interdépendance et de l’intégration économique croissantes entre les États membres. Il est clair que l’ANASE ne peut pas se reposer sur ses lauriers ; elle doit revigorer son régionalisme et recalibrer la manière dont elle s’adapte à la dynamique changeante de son environnement interne et externe.

 

La voie à suivre de l’ANASE impose à chacun des États membres de l’ANASE de penser à la fois au niveau national et régional. Il nous incombe de poursuivre nos intérêts nationaux tout en faisant progresser la région au sens large.

 

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