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ASIE – FRANCE: Jacques Chirac, ce président qui aimait tant l’Extrême-Orient

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 26/09/2019
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La disparition mercredi de l’ancien président de la République, à l’age de 86 ans, laissera à coup sûr une grande tristesse parmi les «asiates». Jacques Chirac était un passionné d’Asie. A commencer par le Japon, pays où il se rendit des dizaines de fois. Le Sumo japonais était pour lui une sorte de rituel. Les arts premiers, de l’Indonésie à la Chine, furent son fil conducteur. L’homme qui sut dire «non» à la guerre conduite par les États-Unis en Irak, en 2003, avait son cœur de ce coté-ci de la planète.

 

Jacques Chirac et le Japon: c’est cette passion pour le pays du Soleil-levant qui demeurera dans les têtes en Asie, après l’annonce de la disparition de l’ancien président français. Tout au long de sa carrière, Jacques Chirac se ménagea des moments politiques et intimes pour se rendre dans l’archipel au moins une fois par an.

 

La rumeur circula même, un moment, sur l’existence d’un possible fils japonais illégitime, ce que personne ne put jamais vérifier. « J’ai rencontré et appris à aimer l’Asie, découvert le génie de civilisations majestueuses, mesuré leur grandeur et, par contraste, le carcan ethnographique ou exotique dans lequel l’Occident les avait trop souvent enfermées » affirmait celui dont le nom orne aujourd’hui le musée des Arts Premiers, quai Branly à Paris.

 

La Thaïlande se souvient pour sa part de la visite présidentielle en février 2006. Jacques Chirac, dix ans plus tôt, a présidé à la création du sommet Asie – Europe (ASEM) à Bangkok. Le Chef de l’Etat français fait alors une tournée en Asie pour faire oublier la reprise des essais nucléaires dans le Pacifique, qu’il abandonnera à la fin de cette année 1996. Le président s’arrête d’abord à Singapour où il a dévoilé une nouvelle « stratégie asiatique » de la France, puis à Bangkok. Parmi les décisions prises à ce sommet inaugural de l’ASEM figure la création de la fondation Asie-Europe (ASEF) basée à Singapour et qui existe toujours.

 

Place donc, à son ultime voyage officiel en Asie du sud est. Celle ci a lieu en février 2006 et Gavroche reproduit ici le programme de ces deux jours, du 17 au 19 février.

 


 

Il s’agit de la première visite d’État d’un Chef d’État français en Thaïlande depuis l’établissement des relations diplomatiques entre les deux pays en 1856.

 

Programme de la visite d’Etat en Thaïlande du président de la République française

 

Vendredi 17 février 2006

 

Discours du Gouverneur de Bangkok M. Apirak Kosayothin, Lors de la cérémonie de remise des clés de la ville au Président de la République Française.

 

Mots de remerciements de M. Jacques CHIRAC, Président de la République lors de la cérémonie de présentation des clefs de la ville.

 

Allocution de M. Jacques Chirac, Président de la République Française à l’occasion du dîner d’État royal.

 

Samedi 18 février

 

Allocution de M. Jacques Chirac, Président de la République Française devant la communauté d’affaires française et thaïlandaise réunie pour le 1er sommet économique Thaïlande-France.

 

Conférence de presse de M. Jacques CHIRAC, Président de la République, à l’occasion de sa visite d’État en Thaïlande

 

Allocution prononcée par M. Jacques CHIRAC Président de la République lors de la réception de la communauté française établie en Thaïlande

 

Déclaration commune des ministres des Affaires étrangères français et thaïlandais (Bangkok, 18 février 2006)

 


 

L’on se souvient aussi de la réception officielle, en 1996 à Paris, du roi du Cambodge Norodom Sihanouk. Jacques Chirac avait alors prononcé un discours en éloge à l’amitié Franco-Cambdogienne, marqué par le souvenir du discours de Phnom Penh du général de Gaulle en 1966. Nous reproduisons ici ce discours:

 

Visite officielle du roi Norodom Sihanouk du Cambodge et de la reine Monique du 22 au 26 avril 1996. Dîner d’Etat à l’Elysée le 22

 

Sire, Madame,

 

– C’est un moment d’émotion et de joie que nous vivons ce soir. C’est aussi un moment d’affection. Cette affection qui, depuis si longtemps, unit très fort nos deux pays. L’affection aussi que nous inspirent Vos personnes, Votre combat, cette sagesse, ces valeurs de civilisation que Vous n’avez cessé d’incarner et de défendre.

 

– Accueillant Vos Majestés, le 24 juin 1964, le Général de Gaulle avait trouvé les mots justes pour évoquer cette relation puissante, cette intimité, cette familiarité qui lient le Cambodge et la France. Je le cite : notre “communauté de sentiments et d’intérêts, est telle qu’il n’existe rien de pareil pour aucun autre Etat d’Asie”. Il y voyait, et je le cite encore, “l’effet des nombreuses affinités qui, d’instinct ont rapproché nos pays”. L’effet aussi de cette fascination que nos deux civilisations n’ont cessé d’exercer l’une sur l’autre. Mais le Général devait évoquer aussi la menace qui se précisait déjà aux frontières du Cambodge. Et c’est naturellement vers les Français que se tournaient alors les Cambodgiens, comme ils l’avaient fait un siècle plus tôt.

 

– Les paroles prononcées par le Général de Gaulle, deux ans plus tard, au Stade de Phnom Penh, résonnent encore dans nos mémoires. Il y développait sa vision du conflit vietnamien et ses craintes pour l’avenir du Cambodge. L’Histoire, hélas, montra combien elles étaient fondées. Bientôt, un coup de force illégal, Votre éloignement et l’extension des combats scellaient le destin de votre peuple. Peu à peu, le Cambodge sombrait dans le chaos. Et c’est le coeur serré qu’il y a 21 ans, les diplomates de notre ambassade à Phnom Penh amenaient les couleurs de la France. Ce jour-là, au terme de plus d’un siècle d’une histoire commune, de bonheurs et d’épreuves partagés, la France était contrainte de quitter le Cambodge.

 

Proche de votre peuple par le coeur

 

– A aucun moment pourtant, la France ne s’en est détournée. Aux heures les plus noires, quand tombaient tant de Cambodgiens, victimes de la folie meurtrière des Khmers rouges et de ce génocide froidement planifié, la France restait proche de Votre peuple par le coeur. Elle accueillait sur son sol des dizaines de milliers de Vos compatriotes. Elle ne cessait de plaider votre cause dans toutes les instances internationales. Elle appelait toutes les parties cambodgiennes à rechercher, sous l’égide de Votre Majesté, les voies d’un accord. Au terme de deux ans, deux mois et vingt-deux jours d’une négociation sans précédent, cet accord était enfin scellé. Et c’est à Paris qu’il était signé, restaurant, sous la conduite de l’ONU, la paix au Cambodge.

 

Une ère nouvelle s’ouvrait devant vous. Au lendemain de l’une des plus terribles tragédies de l’Histoire, le peuple khmer reprenait espoir, se retrouvait autour de Votre personne et engageait sa reconstruction. Tout ceci grâce à vous, Sire, à votre volonté farouche de restaurer le Cambodge dans son unité, dans son indépendance et dans sa pleine souveraineté, à votre foi inébranlable dans la nation khmère. L’histoire du Cambodge est ponctuée d’heures sombres auxquelles ont toujours succédé des périodes glorieuses. Je pense en particulier au XIIème et XIIIème siècles, lorsque l’Empire khmer étendait loin son influence et sa civilisation. Les temples d’Angkor, où s’est nouée et renouée l’exemplaire coopération franco-cambodgienne, témoignent, aux yeux du monde, du prestige, de l’ancienneté, de la permanence de l’épopée khmère. Oui, Sire, il est des peuples, des valeurs, des civilisations qui ne peuvent mourir. Le peuple khmer est de ceux-là.

 

Le Cambodge se relève

 

– Désormais le Cambodge se relève peu à peu et panse ses plaies. Les épreuves traversées, les destructions subies, les incertitudes que connaît encore votre pays, donnent la mesure des efforts à accomplir sur la voie du redressement. Le peuple cambodgien n’est pas seul. Les Nations unies ont assuré, avec succès, l’application des accords de Paris et l’organisation des élections de 1993. La France y a pris une part active, par la présence notamment de nombreux casques bleus et observateurs français.

 

– Aujourd’hui, elle est au premier rang pour le déminage de vos campagnes où tant d’hommes, tant de femmes, tant d’enfants continuent, cinq ans après, d’être les victimes de millions de pièges oubliés par la guerre. C’est en pensant au Cambodge que la France a pris l’initiative d’une négociation pour interdire l’usage honteux et inacceptable des mines anti-personnel. Mais c’est dans tous les domaines du redressement de votre pays que la France entend agir. C’est toute la société cambodgienne qui doit se reconstruire, sous Votre égide, autour des valeurs de la démocratie et des valeurs du Bouddhisme. Depuis cinq ans, les Cambodgiens réapprennent les vertus du droit, le sens de l’Etat, la nécessité d’une économie organisée. La France les y aide, et les y aidera en développant notamment son aide aux universités cambodgiennes et en multipliant ses actions de formation.

 

Sauvegarde de la forêt cambodgienne

 

Je souhaite affirmer aussi notre soutien au combat de Votre Majesté en faveur de l’environnement, pour la sauvegarde notamment de la forêt cambodgienne. On dit que la protection de la nature est une préoccupation et un luxe réservés aux pays les plus riches. Mais au Cambodge, l’urgence, vous l’avez dit, est manifeste : c’est tout l’équilibre écologique de votre pays que menace la déforestation. Vous avez su, là encore, Sire, engager tout votre crédit dans ce combat pour l’avenir de votre peuple et de votre terre. Sur le plan international, la France s’est mobilisée à vos côtés. Elle s’est faite l’avocat du Cambodge auprès de l’Union européenne. Elle ne cesse d’encourager ses partenaires à lui apporter leur soutien. Elle se prononce en faveur d’une pleine participation de votre pays à l’ASEAN, afin que le Cambodge, nous en avons parlé longuement cet après-midi, puisse tirer tout le bénéfice du mouvement d’intégration régionale qui se dessine dans le Sud-Est asiatique.

 

– Il y a quelques semaines, j’évoquais à Singapour l’ambition asiatique de la France, qui doit être aussi celle de l’Union européenne. Le Cambodge doit avoir toute sa place dans ce nouveau partenariat. Votre pays, Sire, est depuis toujours, en Asie, l’un de nos interlocuteurs privilégiés. Je sais votre attachement personnel à notre culture et à la présence du Cambodge au sein de la grande famille francophone. La France y est sensible, elle qui n’a cessé de se battre pour le Cambodge, pour sa liberté, son unité, sa dignité ; la France qui voue à votre pays et à Votre personne une indéfectible amitié ; la France, Sire, a foi en l’avenir du peuple khmer.

 

C’est fort de cette amitié mais aussi de notre volonté constante d’accompagner le Cambodge sur la voie du développement et du progrès et c’est en pensant à la grande nation khmère si durement éprouvée, que je vais maintenant lever mon verre.

 

– Je le lève en l’honneur de Sa Majesté Norodom Sihanouk, roi du Cambodge, et en l’honneur de Sa Majesté la Reine Monique à qui je suis heureux de présenter mes très respectueux et affectueux hommages. Je bois au bonheur personnel et à la santé de Vos Majestés. Je leur souhaite d’incarner longtemps encore les aspirations et la sagesse du peuple khmer. Je bois à la paix, au bonheur et à la prospérité de tous les Cambodgiens. Je bois enfin à l’amitié séculaire qui unit nos deux pays et que vous aviez si bien illustrée avec le Général de Gaulle.

 

– Vive le Cambodge !
– Vive la France !
– Vive l’amitié franco-cambodgienne !

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