Gavroche s’est replongé dans l’excellent rapport du Sénat français publié en 2023 sur la stratégie indopacifique de la France. Nous ne saurions trop vous en recommander la lecture. Ses recommandations forment la toile de fond de la tournée entamée ce dimanche par Emmanuel Macron au Vietnam, en Indonésie et à Singapour.
Le propos d’introduction
L’Indopacifique recouvre entre les 2/3 et la moitié de la surface du globe terrestre et héberge 60 à 75 % de la population mondiale. C’est le lieu le plus rapide de création de richesses, avec six membres du G20 : la Chine et l’Inde qui ont les PIB les plus dynamiques de la planète, la Corée du Sud, l’Indonésie, le Japon et l’Australie.
L’indopacifique génère aujourd’hui près de 40 % de la richesse globale et pourrait représenter plus de 50 % du PIB mondial en 2040 selon les prévisions du FMI.
Au moins la moitié du fret mondial transite par cette zone qui concentre l’essentiel des réserves mondiales de matières premières critiques : 85 % du lithium, 75 % du nickel et 75 % des réserves de cuivre. La dépendance de l’Union européenne en la matière est alarmante, soit 95 % sur 30 métaux critiques en 2020.
La place de la Chine sur le marché des matières premières critiques est prépondérante, près de 90 % des terres rares et 60 % du lithium sont traités en Chine. La Nouvelle-Calédonie détient 20 % des réserves mondiales de nickel. Le G3 à l’horizon de 20 ans devrait regrouper les États-Unis, la Chine et l’Inde, tous situés dans l’Indopacifique. L’ordre précis du trio de tête reste discuté, pas sa composition. À ces pays de tête s’ajouteront, dans un ordre qui peut varier, le Japon, l’Indonésie (dont le PIB pourrait dépasser celui du Japon d’ici 2040) et l’Union européenne.
Dans l’ensemble de la zone indopacifique, le déficit de régulation et l’absence de consensus multilatéral sur les conditions d’accès et d’utilisation des espaces communs favorisent l’exercice des rapports de force entre États, ou à l’encontre d’acteurs non-étatiques.
Les architectures régionales de sécurité dans l’océan Indien, en Asie et dans le Pacifique demeurent fragiles, en dépit d’importants efforts consentis. Dans l’Indopacifique, qui compte plusieurs pays nucléarisés (dotés ou non), on enregistre les plus gros efforts d’investissements de défense. Le Japon va doubler son budget annuel de défense en le faisant passer à 2 % de son PIB d’ici 2027. D’ici 2040, le PIB et les dépenses de défense de la Chine seront probablement équivalents à ceux des États-Unis.
La rivalité stratégique opposant la Chine et les États-Unis structure les dynamiques sécuritaires dans cette région, où elle oblige les États à composer avec de nouvelles menaces et influences. Le multilatéralisme qui a fondé l’ordre international après la seconde guerre mondiale s’effrite.