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ASIE – GÉOPOLITIQUE: L’ASEAN, une organisation régionale dopée par la pandémie

Journaliste : Dr Ioan Voicu
La source : Gavroche
Date de publication : 02/01/2021
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La géopolitique régionale intéresse Gavroche. Surtout en ce début d’année 2021 marqué du sceau de la pandémie. La région va -t-elle profiter de sa réussite sanitaire ? Et si oui, de quel message peut-elle être porteuse ? Notre chroniqueur Ioan Voicu énumère les défis de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est.

 

Une chronique de Ioan Voicu, ancien ambassadeur de Roumanie en Thaïlande, professeur invité à l’université de l’Assomption à Bangkok

 

L’Association des nations de l’Asie du Sud-Est ou ASEAN est une organisation intergouvernementale régionale qui a été créée le 8 août 1967 à Bangkok par cinq pays: l’Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Singapour et la Thaïlande. Le Brunei Darussalam a adhéré le 8 janvier 1984, le Vietnam le 28 juillet 1995, le Laos et le Myanmar le 23 juillet 1997 et le Cambodge le 30 avril 1999. Les observateurs sont le Timor – Leste et la Papouasie-Nouvelle-Guinée.

 

Intégration économique

 

L’ASEAN promeut la coopération et facilite l’intégration économique, politique, sécuritaire, militaire, éducative et socio-culturelle entre ses membres et d’autres pays d’Asie, ainsi que les Nations Unies (ONU) et les principales organisations régionales.

 

Sur la base des données de 2020, avec 671 millions d’habitants, une croissance moyenne du PIB de 5% et une population jeune et technophile, les dix États membres de l’ASEAN constituent l’une des régions les plus dynamiques du monde.

 

Processus diplomatique original

 

Les relations entre l’ASEAN et les autres pays sont conduites selon un processus diplomatique original. Il comprend ASEAN Plus Three, une réunion annuelle des chefs d’État des membres de l’ASEAN et des dirigeants de la République populaire de Chine, de la République de Corée et du Japon; ASEAN Plus Six, qui comprend l’ASEAN Plus Three et l’Australie, l’Inde et la Nouvelle-Zélande; et le Sommet de l’Asie de l’Est, une réunion de l’ASEAN Plus Six et de la Fédération de Russie et des États-Unis d’Amérique.

 

En 2006, l’ASEAN a obtenu le statut d’observateur à l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU) et est devenue un «partenaire de dialogue» de l’organisation mondiale.

 

L’ONU et l’ASEAN entretiennent une coopération mutuellement avantageuse qui s’est régulièrement développée conformément au premier plan d’action ASEAN-ONU (2016-2020) qui a été complété par un deuxième plan d’action couvrant la période 2021-2025.

 

Quels sont les sujets récents qui donnent corps à la coopération entre l’ASEAN et l’ONU?

 

La liste des sujets couvrant la période 2018-2020 est impressionnante, notamment: les perspectives sur la gestion et la résolution des conflits; dialogue régional sur la coopération politique et sécuritaire pour renforcer encore les capacités de prévention des conflits; assistance technique; les femmes, la paix et la sécurité; la crise actuelle dans l’État de Rakhine et le sort des réfugiés rohingyas; l’environnement et la liberté d’expression; l’importance d’une perspective de prévention des atrocités; les droits des enfants dans le contexte de la migration; l’assistance technique aux efforts de l’ASEAN pour faire progresser des approches globales de la lutte contre le terrorisme et de la prévention de l’extrémisme violent; mise en œuvre de l’Accord de l’ASEAN sur la gestion des catastrophes et les interventions d’urgence; développement durable tenant compte des risques; gestion des catastrophes pour mettre en œuvre un programme de renforcement des capacités pour les cadres intermédiaires des 10 pays de l’ASEAN.

 

Enfin, dans le contexte du Covid-19, la Commission économique et sociale des Nations Unies pour l’Asie et le Pacifique (CESAP) a intensifié son engagement à soutenir la réponse socio-économique des États membres de l’ASEAN à la pandémie, notamment par le biais du programme de haut niveau ASEAN-CESAP; dialogue politique axé sur la construction d’une communauté de l’ASEAN résiliente après le COVID-19.

 

Un document diplomatique remarquable

 

En 2020, le Vietnam, au nom des dix membres de l’ASEAN, a negocié et présenté à la plénière de l’AGNU un projet de résolution intitulé Coopération entre l’Organisation des Nations Unies et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est.

 

Ce document diplomatique adopte par consensus par l’AGNU est remarquable tant par son contenu que par l’important soutien officiel reçu de la part d’un grand nombre d’États membres de l’ONU. Outre les dix auteurs initiaux du projet de résolution, 110 autres pays ont décidé de se porter coauteurs du même document.

 

La liste finale des coauteurs comprenait des pays représentant toutes les régions géographiques. En outre, la résolution a été coparrainée par tous les membres permanents du Conseil de sécurité, ce qui n’est pas fréquent dans l’histoire de l’organisation mondiale.

 

Les pays appartenant au groupe latino-américain, à la zone Pacifique, ainsi qu’à l’Union Européenne sont bien représentés dans la liste des co-sponsors, ce qui peut être interprété comme une preuve convaincante d’un attachement clair au multilatéralisme régional incarné par l’ASEAN.

 

Un long préambule

 

Le long préambule de la résolution à l’examen offre un rappel presque complet des résolutions et autres documents diplomatiques pertinents pour la coopération entre l’ASEAN et l’organisation mondiale.

 

Nous n’en mentionnerons que quelques-uns dans ces pages.

 

Tout d’abord, l’acte constitutif de l’ASEAN est cité – la Déclaration de Bangkok du 8 août 1967 qui fait référence au maintien d’une coopération étroite et bénéfique avec les organisations internationales et régionales existantes poursuivant des buts et des buts similaires.

 

Deuxièmement, par cette résolution, l’AGNU prend note des buts et principes consacrés dans la Charte de l’ASEAN, qui est entrée en vigueur le 15 décembre 2008, en particulier sur le respect de la Charte des Nations Unies et du droit international, et note également avec satisfaction que les activités de l’ASEAN sont conformes aux buts et principes de l’ONU.

 

Le préambule rappelle toutes les résolutions précédentes sur la coopération entre l’ONU et l’ASEAN, une attention particulière étant accordée à la résolution 71/317 du 19 juillet 2017 sur la commémoration du cinquantième anniversaire de l’ASEAN.

 

Partenariat global ONU-ASEAN

 

Dans le même préambule, l’AGNU a souligné l’importance de l’année 2020 pour le partenariat global entre l’ONU et l’ASEAN, car elle marque le soixante-quinzième anniversaire de l’ONU au cours duquel les États membres de l’ONU ont fermement réaffirmé leur engagement en faveur d’un multilatéralisme revigoré pour faire face aux défis mondiaux et renforcer le partenariat des Nations Unies avec les organisations régionales et sous-régionales.

 

Un élément important du préambule est la référence à l’importance du vingt-cinquième anniversaire de la Déclaration et du Programme d’action de Beijing adoptés à la quatrième Conférence mondiale sur les femmes et du vingtième anniversaire de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité du 31 octobre 2000 sur les femmes, la paix et la sécurité.

 

Dans le même temps, l’AGNU a salué les efforts et les engagements de l’ASEAN pour parvenir à l’égalité et pour faire progresser le programme concernant les femmes et la paix et la sécurité.

 

Une grande partie du préambule est consacrée aux défis sans précédent posés par la pandémie de coronavirus (Covid-19) et à ses effets néfastes sur la santé mondiale et régionale, sur les économies, les marchés financiers, le commerce et le développement social, et dans ce contexte l’AGNU rappelle l’importance de l’intensification de la coopération internationale et des efforts multilatéraux dans la gestion des flambées épidémiques.

 

La lutte contre Covid-19 ne pouvait être traitée sans référence à des aspects spécifiques. Par conséquent, dans le préambule l’AGNU a reconnu les efforts de l’ASEAN pour maintenir l’unité dans la réponse à la pandémie mondiale sans précédent de COVID-19 et pour renforcer la coopération avec les partenaires extérieurs, y compris l’ONU, et la communauté internationale dans la lutte contre Covid-19, ainsi que pour atténuer l’impact multiforme de la pandémie sur le rétablissement durable.

 

Plus précisément, l’AGNU a pris acte de la déclaration du président de l’ASEAN (Vietnam) sur la réponse collective de l’ASEAN à l’épidémie de COVID-19 du 15 février 2020, la déclaration du sommet spécial de l’ASEAN sur le COVID-19 tenu le 14 avril 2020 et les mesures ultérieures , y compris la création du Fonds de réponse de l’ASEAN Covid-19 et l’adoption du Cadre de relèvement global et du plan de mise en œuvre.

 

Mise en œuvre du plan d’action

 

Quant à la coopération ONU-ASEAN, l’évaluation faite dans le préambule est tout à fait positive. Pour reprendre la terminologie originale du préambule, l’AGNU a noté avec satisfaction les progrès de la mise en œuvre du Plan d’action pour la mise en œuvre de la Déclaration commune sur un partenariat global entre l’ONU et l’ASEAN (2016-2020), avec plus de 96% des lignes d’action convenues ayant été traitées en octobre 2020 malgré la pandémie de COVID-19.

 

Cette réalisation est interprétée comme une contribution significative à la réalisation des objectifs communs entre l’ONU et l’ASEAN pour la paix, la stabilité et le développement durable. La résolution est orientée vers l’avenir et dans son préambule, l’AGNU s’est félicitée de l’adoption du Plan d’action pour la mise en œuvre de la Déclaration conjointe sur un partenariat global entre l’ONU et l’ASEAN (2021-2025), qui continuera à guider les deux parties dans leur partenariat global dans les années à venir grâce à des domaines élargis de coopération intersectorielle.

 

Dialogue et coopération

 

Dans le même domaine d’intérêt commun, l’AGNU a également salué la participation de l’ASEAN aux réunions de haut niveau entre l’ONU et les organisations régionales, ainsi que la collaboration entre l’ASEAN et la CESAP pour promouvoir le dialogue et la coopération entre les organisations régionales en Asie et Pacifique.

 

Le texte du préambule est intéressant aussi par le rappel approprié des événements diplomatiques importants de l’histoire récente de la coopération ONU-ASEAN. Les événements suivants sont notamment mentionnés: l’exposé du Secrétaire général de l’ASEAN sous la présidence du Conseil de sécurité du Vietnam pour le mois de janvier 2020, sur le thème «Coopération entre l’Organisation des Nations Unies et les organisations régionales et sous-régionales pour le maintien de la paix internationale et sécurité: coopération entre l’Organisation des Nations Unies et l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est », le 30 janvier 2020 à New York ; les premier à onzième sommets de l’ASEAN et de l’ONU et l’engagement des dirigeants de l’ASEAN et du Secrétaire général de l’ONU à approfondir encore le partenariat global entre les deux organisations; les progrès accomplis dans la mise en œuvre de la Déclaration de Kuala Lumpur sur l’ASEAN 2025; le trente-septième sommet de l’ASEAN, organisé par vidéo-conférence en novembre 2020.

 

Dispositions de fond

 

Le dispositif de la résolution est riche en faits, en idées et en projets, se recommandant ainsi comme un modèle précieux de coopération entre une grande organisation régionale et l’organisation mondiale. Il est composé de 28 paragraphes et nous limiterons la présentation du dispositif aux questions les plus d’actualité.

 

Le texte du dispositif commence par saluer les progrès accomplis vers la réalisation de la mise en œuvre de la vision communautaire de l’ASEAN 2025, qui garantira une paix et une stabilité durables, une croissance économique soutenue, une prospérité partagée et un progrès social dans la région, et réaffirme l’engagement de l’ONU et l’ASEAN pour renforcer encore le partenariat entre les deux organisations, comme décrit dans le mémorandum d’accord signé le 27 septembre 2007.

 

L’AGNU reconnaît les efforts de l’ONU et de l’ASEAN pour intensifier et renforcer davantage le niveau et le cadre de coopération entre les deux organisations, notamment par la mise en œuvre de la Déclaration conjointe sur un partenariat global entre l’ASEAN et l’ONU, publiée le 19 Novembre 2011, et attend avec intérêt la mise en œuvre d’un plan d’action similaire couvrant la période 2021-2025.

 

Une attention légitime est accordée à la coopération entre l’ASEAN et la CESAP, en particulier dans le contexte des efforts conjoints pour la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.

 

Développement durable

 

L’AGNU salue le lancement du Centre de l’ASEAN pour les études et le dialogue sur le développement durable en Thaïlande afin d’encourager la recherche et les études, de renforcer les capacités des États membres de l’ASEAN, ainsi que d’améliorer la coopération en matière de développement durable entre l’ASEAN et les partenaires extérieurs, notamment l’ONU et les agences apparentées.

 

De nombreuses autres activités spécifiques sont mentionnées dans le dispositif de la résolution, telles que: réunions régulières de hauts fonctionnaires, réunions ministérielles et sommets; échanges d’expériences pertinentes, d’informations, de meilleures pratiques, d’enseignements tirés et de mesures de renforcement des capacités; règlement pacifique des différends pour promouvoir la paix, la stabilité et la prospérité; l’organisation d’ateliers et de séminaires sur les questions de sécurité régionales et mondiales, y compris la prévention des conflits, la diplomatie préventive, le désarmement et la non-prolifération, la cybersécurité, les opérations de maintien de la paix, la criminalité transnationale, le trafic illicite d’espèces sauvages et de bois, la lutte contre le terrorisme et la prévention de l’extrémisme violent.

 

Le domaine des droits de l’homme est bien représenté dans la résolution avec des références pertinentes à la protection des droits des femmes et des enfants.

 

Des paragraphes spéciaux sont consacrés à l’importance de la coopération maritime, y compris la coopération en matière de sécurité maritime, l’amélioration de la connectivité dans la région de l’Asie du Sud-Est, la promotion de commerce, investissement, développement des petites et moyennes entreprises.

 

Maintien de la paix

 

Un domaine de coopération tourné vers l’avenir et prometteur entre l’ONU et l’ASEAN est représenté par le maintien de la paix, consolidation de la paix et activités de maintien de la paix, en s’engageant dans des initiatives conjointes de maintien et de consolidation de la paix dans le cadre du Plan d’action pour la mise en œuvre de la Déclaration commune sur un partenariat global entre les deux organisations (2021-2025).

 

D’autres domaines d’actualité de coopération prometteuse sont: la réduction des risques de catastrophe, les interventions d’urgence et l’aide humanitaire dans la région.

 

L’agenda de la culture de la paix est également mentionné, compte tenu de la mise en œuvre de l’importante Déclaration de l’ASEAN sur la culture de la prévention pour une société pacifique, inclusive, résiliente, saine et harmonieuse.

 

L’ONU et l’ASEAN sont encouragées par l’AGNU à développer davantage leur coopération pour la durabilité environnementale, le changement climatique, la conservation de la biodiversité, la protection, la restauration et l’utilisation durable des écosystèmes terrestres, côtiers et marins, y compris la prévention et la réduction des débris plastiques marins.

 

Au niveau du dialogue diplomatique, l’AGNU encourage la conduite de l’examen annuel du secrétariat au secrétariat sur la mise en œuvre du partenariat global afin d’identifier les défis et de discuter des modalités pratiques permettant aux deux secrétariats de contribuer efficacement au renforcement de la coopération entre l’ONU et l’ASEAN.

 

Le Secrétaire général de l’ONU soumettra à l’AGNU en 2022 un rapport sur la mise en œuvre de cette résolution.

 

L’Année internationale de la paix et de la confiance

 

On peut s’attendre à ce que l’ASEAN apporte une contribution exemplaire au processus de célébration en 2021 de l’Année internationale de la paix et de la confiance décidée par l’AGNU le 12 septembre 2019.

 

Conformément à la résolution pertinente sur cet événement coparrainé par de nombreux pays, y compris par l’Indonésie, Singapour, Laos, Myanmar, Thaïlande et Timor-Leste , “ l’Année internationale de la paix et de la confiance constitue un moyen de mobiliser les efforts de la communauté internationale pour promouvoir la paix et la confiance entre les nations, sur la base, entre autres, du dialogue politique, de la compréhension mutuelle et coopération, afin de construire une paix, une solidarité et une harmonie durables ».

 

Dans le processus de célébration de cette Année, les États membres de l’ASEAN pourraient faire des efforts exemplaires pour donner tangibilité à la confiance en tant que valeur qui les lie dans leurs relations mutuelles, en gardant à l’esprit que la confiance est un élément central de toutes les relations humaines, y compris les partenariats, les opérations commerciales, politiques et pratiques diplomatiques. Le concept de mesures de confiance qui est déjà familier dans la diplomatie multilatérale pratiquée sous les auspices de l’ONU pourrait fournir des indications utiles pour définir la confiance.

 

Une occasion propice

 

Les États membres de l’ASEAN auront en 2021 une occasion propice de mettre en pratique l’invitation adressée par l’AGNU à tous les États membres, aux organisations du système des Nations Unies, aux autres organisations internationales et régionales pertinentes et à la société civile, y compris les organisations non gouvernementales, les particuliers et autres parties prenantes concernées, pour faciliter la célébration de l’Année internationale de la paix et de la confiance d’une manière appropriée et pour diffuser les avantages de la paix et de la confiance, notamment par des activités d’éducation et de sensibilisation du public.

 

En 2021, le Brunéi Darussalam sera le Président de l’ASEAN et devra guider cette organisation à travers un processus diplomatique régional, interrégional et mondial complexe, conformément à la Charte de l’ASEAN.

 

Dans le domaine diplomatique, le Président de l’ASEAN doit assurer, entre autres, la centralité de l’ASEAN et une réponse efficace et rapide aux problèmes urgents ou aux situations de crise affectant l’organisation en fournissant des bons offices et d’autres arrangements pour répondre immédiatement aux préoccupations de cette prestigieuse institution régionale.

 

Ioan Voicu

 

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