Situé dans le quartier de Bangrak à Bangkok, le Bangkokian Museum (ou Bangkok Folk Museum) expose d’anciens objets du quotidien de la famille Suravadee et retrace en même temps l’histoire d’un quartier et d’une ville. Ce lieu unique a pour but de faire découvrir aux visiteurs comment vivait une famille de la classe moyenne thaïlandaise dans les années 40-50.
C’est un havre de paix, une sorte de jardin secret, caché dans le soï 43 de Charoenkrung.
Un espace verdoyant, planté d’arbres imposants, devant une grande maison en bois de style européen surmontée d’un toit en croupe. Des visiteurs passent, se promènent en s’imprégnant de l’atmosphère paisible.
La première maison juste en face du jardin a l’aspect d’une vieille demeure de famille bien préservée.
Seule une pancarte « veuillez ôter vos chaussures » trahit cette impression et révèle qu’il s’agit d’un musée.
Ce mobilier à la fois simple et élégant a servi à plusieurs générations de la famille Surawadee (photo Siriwat Khamsap/Gavroche)
Disposés autour du parquet ciré, les objets du quotidien d’une vieille et vénérable famille.
Un gramophone est installé près du mur, avec un disque et même une boîte d’aiguilles de rechange posée dessus.
Dans la salle à manger, des assiettes et couverts sont disposés sur une table, le tout mis sous verre. Un vieux piano et son tabouret usé se dressent dans un coin de la salle.
Le musée regroupe trois maisons. Classées depuis octobre 2004 au patrimoine culturel de la ville de Bangkok, elles appartenaient autrefois à Waraporn Suravadee, ancienne professeur du département de biologie de l’université Srinakharinwirot et présidente de l’association Insat-Sa-ang.
La professeure en a fait don à la Bangkok Metropolitan Administration (BMA), à condition qu’elle puisse y vivre et s’en occuper. Waraporn, décédée en janvier dernier à l’âge de 81 ans, l’avait reçue comme héritage de sa mère, Sa-ang Suravadee dont la fondation porte le nom.
Elle décida par la suite d’en faire un musée, avec pour objectif d’exposer les objets ayant appartenu à sa famille, pour montrer à quoi ressemblait le quotidien des gens ordinaire au sortir de la Seconde Guerre mondiale.
Une atmosphère qui n’est pas sans rappeler ces quelques sites fameux de la capitale, encore embrumés dans les vapeurs du passé, comme la villa Chakrabongse, près du Grand Palais, au même aspect architectural inspiré de l’Occident.
Les objets du musée du Bangkokois ne sont que de simples instruments et outils de la vie quotidienne de l’époque. Ils sont exposés en vitrine, ou mis en scène comme s’ils étaient encore utilisés aujourd’hui.
Ces scènes domestiques, ces objets anciens veulent raconter une histoire.
Le troisième bâtiment regroupe des objets usuels d’une époque révolue (photo Siriwat Khamsap/Gavroche)
Le « quartier de l’amour » (Bangrak, en thaï), où se trouve le musée, accueillait autrefois des bateaux de marchandises du monde entier circulant sur le Chao Praya.
Différentes communautés ethniques s’y côtoyaient, avec une multitude de cultures et de langues différentes.
A l’époque des rois Rama V et Rama VI, les aristocrates thaïlandais commençaient à s’installer à Silom.
Des écoles catholiques et protestantes, ainsi que des hôpitaux s’y construisaient du fait des nombreux missionnaires venus prêcher et aider la communauté.
Cette époque était ce que l’on pourrait qualifier une période d’occidentalisation de la Thaïlande, notamment dans la haute société.
Ainsi, il était courant que les bourgeois thaïlandais aient ce goût de la culture occidentale, considérée comme plus avancée.
Cependant, même dans les plus hautes sphères, nombre d’entre eux resteront fidèles aux vieilles coutumes et traditions, comme on peut le remarquer avec la « Kukrit House » sur Suan Plu, qui regroupe des pavillons traditionnels thaïlandais ayant appartenus à l’ancien Premier ministre Kukrit Pramoj.
Le foyer que l’on peut apercevoir dès l’entrée du musée était la maison de Sa-ang Suravadee. Bâtie en 1937, elle hébergeait toute la famille Suravadee et présente un style architectural occidental.
Le second bâtiment a été déplacé de son emplacement d’origine, à Thung Mahamek.
Construite en 1929, cette deuxième maison était à l’origine prévue pour abriter la clinique du docteur Francis Christian, le premier mari de Sa-ang Suravadee.
Celui-ci étant décédé avant la fin de la construction, la maison a été mise en location. Après que Waraporn eut reçu la propriété en héritage, elle décida de vendre le terrain et de garder la maison qu’elle fera démonter puis reconstruire à l’emplacement actuel du musée.
Au second étage se trouve la chambre du docteur Francis Christian avec son buste sculpté par le fameux sculpteur Silpa Bhirasri (de son nom italien Corrado Feroci), auteur de nombreuses œuvres dont le célèbre Democracy Monument et la statue équestre du roi Taksin le Grand.
Des meubles incrustés de nacre contiennent des céramiques ayant appartenue à la famille Surawadee (photo Sirawat Khamsap/Gavroche)
Le dernier bâtiment expose un mélange d’objets de collections, notamment des timbres, des billets et des pièces anciennes, ainsi que des ustensiles de cuisine.
On peut aussi voir de vieilles valises en cuir et des jouets, et même des boîtes de biscuits et des panneaux publicitaires.
Au second étage, une exposition décrit l’histoire du quartier de Bangrak et son évolution à travers le temps.
Un projet de construction d’un immeuble sur un terrain voisin du musée inquiéta Waraporn, qui craignait que le bâtiment gâche le paysage.
Dans un premier temps, la professeure essaya de convaincre Sukhumbhand Paribatra, à l’époque gouverneur de Bangkok, d’acheter cette parcelle de terrain et de l’offrir au musée.
La demande a été rejetée car selon Sasiwimon Petharat, conservatrice du musée, « la Ville de Bangkok n’avait pas les moyens de l’acheter ».
Finalement, elle décida d’acheter le terrain où l’immeuble devait être construit et versa une caution de 30 millions de bahts, en utilisant des fonds de son association, et lança un appel aux dons pour les dix millions restants.
L’information se propagea rapidement à travers les réseaux sociaux et de nombreux journaux, et quatorze jours suffirent pour récolter la somme. Cela permit d’agrandir l’espace du musée en y ajoutant un parking bien utile, pouvant aussi servir à accueillir des petites manifestations.
Conservatrice du musée jusqu’à sa mort accidentelle à 81 ans. Waraporn Suravadee apparaissait aux visiteurs toujours souriante, comme ici lorsqu’elle reçu une journaliste de Gavroche en 2014 (photo M.H./Gavroche)
Le 15 janvier 2017, Warabhorn chuta du second étage de la maison et succomba à ses blessures dix jours plus tard.
La triste nouvelle circula sur les réseaux sociaux, avec une photo de Waraporn souriante et pleine de bienveillance.
A présent, le musée, désormais sous l’égide de l’administration du district de Bangrak, attire près de 1700 visiteurs par mois et restera pour toujours cette ancienne maison, reflet d’une époque disparue.
Siriwat Khamsap
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