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BANGKOK Vélos en libre-service : le Pun Pun patine

Journaliste : Gabriel Bertrand
La source : Gavroche
Date de publication : 04/01/2017
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Quatre ans après leur lancement, les « Pun-Pun », version exotique des Vélib parisiens, censés surfer sur la mode du vélo urbain et apporter aux Bangkokois une nouvelle alternative de transport « green », manquent de souffle. Les opérateurs du service restent toutefois optimistes.

 

En 2012, lors de son lancement, nombreux furent ceux qui doutaient du projet et de la possibilité de transformer la Cité des Anges en « bike-friendly city ». Et ce pour des raisons évidentes, du moins pour tout Homo Bangkokus ayant jamais tenté de faire du vélo dans la ville : l’absence de voies cyclables sécurisées, la pollution et l’indiscipline chronique qui fait foi au volant sont des facteurs pour le moins… décourageants.

 

La Thaïlande, après tout, n’est-elle pas le deuxième pays le plus dangereux au monde sur les routes par nombre d’habitants… après la Libye ? Il y a quatre ans donc, l’initiative Pun Pun (prononcez pan pan, « pédaler » en thaï) démarre sur la volonté du gouverneur de Bangkok Sukhumbhand Paribatra. A l’époque, la capitale comptait 50 stations, un « nombre qui devait rapidement augmenter», selon Smart Bike Service, la société privée mandatée pour gérer ce projet.

 

A ce jour, aucune station n’est venue s’ajouter, mais le nombre de vélos a lui quadruplé, passant de 500 à 4000. A titre de comparaison, Paris en compte 17 490 pour 1261 stations.

 

Aujourd’hui, les Pun Pun comptent dix mille abonnés, dont un millier d’utilisateurs réguliers. Car il faut bien distinguer le cycliste du dimanche, qui pédale pour le plaisir durant son week-end, et le véritable usager qui utilise le vélo pour aller travailler. C’est ce dernier qui est visé, le but des autorités étant de réduire le nombre de véhicules à moteur qui étouffent la Cité des Anges.

 

Joy fait partie de ces cyclistes du dimanche : « J’aime me balader le week-end autour de la gare Hua Lamphong. La route qui donne accès à mon condo est accidentée ; avec le Pun Pun, je n’ai pas à me trimballer à vélo toute la journée ». Pour aller travailler, la jeune femme concède toutefois que « la moto est plus pratique ».

 

C’est le constat que fait Pisuth Wongsawadkomol, grand amateur de vélo et policier bénévole autour du Grand Palais. Avec ses collègues, il régule le trafic et conseille les piétons comme les cyclistes sur les voies d’accès au palais. Sur son vélo ultra léger, il slalome entre les scooters, les piétons et les stands de nourriture qui obstruent les voies cyclables. D’autres, délimitées par des plots, empêchent les voitures de s’y garer. Il déplore dans les deux cas des routes « bosselées et dangereuses ». A l’évocation du Pun Pun, Pisuth fait la grimace : « Le service ne marche pas pour une simple raison : faire du vélo à Bangkok est dangereux, il faut avoir l’expérience de la route et aimer ça. Et ceux qui aiment ça ont leur propre vélo ». Pour lui, le Pun Pun est plutôt « lourd et peu sûr ».

 

Pisuth Wongsawadkomol, policier bénévole à vélo, ne croit pas aux Pun Pun, en raison des dangers de circuler à vélo qui attendent l’usager occasionnel.

 

Sur les 4000 vélos verts à disposition du public, combien sont en état de fonctionner ? A l’entrée du parc Lumpini ou à Siam Center, on peut en voir certains hors d’usage et abandonnés sur place. « Tous les vélos abîmés sont remplacés », affirme pourtant Churaiporn Wijackanawong, dirigeante de Smart Bike Service, qui concède que pour le moment, le vélo en libre-service relève plus du loisir que de l’utilité. « Nous constatons une utilisation plus importante du Pun Pun le week-end, c’est vrai. Mais nous avons aussi des utilisateurs qui se servent des Pun Pun au quotidien pour relier rapidement le BTS au MRT. C’est cette clientèle que nous souhaitons convaincre davantage. »

 

Des Pun Pun hors d’usage sont entassés derrière la station devant l’entrée du parc Lumpini, au coin de Rama IV.

 

Ce qui explique le nombre important de stations à Sathorn, près du parc Lumpini, à Phaya- thaï ou dans le quartier de Ploenchit, et que le quartier historique, un lieu pourtant plus propice au pédalage, en soit relativement dépourvu. « Nous travaillons sur l’installation de nouvelles stations », assure la responsable de Smart Bike qui ne peut toutefois donner de calendrier précis depuis que le gouverneur Sukhumbhand Paribatra a été limogé par la junte militaire en août dernier. Lors de sa réélection en 2013, il promettait d’installer « dix mille vélos et mille stations » dans Bangkok d’ici la fin de son mandat en 2017…

 

Le projet est-il un échec ? Churaiporn nuance sa réponse : « On ne peut pas parler d’un succès, mais les résultats sont tout de même encourageants. Il faut remettre l’usage du vélo dans son contexte : l’ossature même de la ville rend son utilisation difficile. » Selon elle, il faut plus de vélos, plus de stations, et surtout plus de pistes cyclables à Bangkok. Certes, des voies réservées exclusivement aux vélos ont vu le jour. Mais elles sont empruntées par les piétons, les stands ambulants ou les motos. De quoi décourager les plus motivés qui préfèreront un moyen de transport plus pratique. Car au-delà des dangers de la route, des pistes obstruées, de la pollution où de la chaleur, ce sont bien les moto-taxis qui ralentissent l’expansion du vélo utilitaire. Si, à titre récréatif, le Pun Pun a ses adeptes, il peine encore à convaincre le public qu’il cherche pourtant à séduire : celui qui veut allier l’utile à l’agréable.

 

Gabriel Bertrand

 

Comment ça marche ?

 

Huit stations proposent des abonnements donnant accès au libre-service à tous les usagers de plus de 16 ans : Chamchuri et Siam Square, Police Hospital, All Season Palace, Zuelling house, Rajanakarn et Lumpini 3. Rendez-vous sur place avec votre passeport ou votre carte d’identité afin d’obtenir le sésame qui vous permettra de choisir et retourner un vélo à n’importe quelle station. Rien de plus simple : scannez votre carte sur le lecteur, confirmez avec le code choisi lors de la souscription et sélectionnez le numéro d’une borne avec un vélo disponible pour le déverrouiller. Le service fonctionne de 6h du matin à minuit. Côté tarifs, la carte de membre vous en coûtera 320 bahts, dont 100 pour la cotisation annuelle renouvelable et 100 de solde rechargeable. Le tarif est progressif : aucun frais de location les 15 premières minutes, 10 bahts au delà et jusqu’à 1h d’utilisation, 20 bahts entre 1h et 3h et ainsi de suite. Obtenez plus d’informations en appelant la Hotline Pun Pun (087 029 88 88) ou en vous rendant sur leur site qui, hélas, n’est pas encore traduit en anglais (www.punpunbikeshare.com ).

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