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INDOCHINE: William Labussière, un autre «rebelle» au service de la France libre

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 31/07/2019
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Nous poursuivons ici la publication des portraits écrits par François Doré pour le site «Le souvenir Français de Thaïlande» dont nous vous recommandons chaudement la lecture. Vous pouvez découvrir son site ici. Le «Souvenir Français» offre une série d’articles sans équivalent sur la présence française dans la région à l’époque coloniale. Et n’oubliez pas, à Bangkok, de visiter la Librairie du Siam et des colonies animée par notre ami François ! Il nous raconte ici son épopée en vidéo.

 

Elève-pilote chez Blériot, pilote de chasse pendant son service militaire, c’est en 1936, alors qu’il est en Côte d’Ivoire, que William Labussière rejoint l’aviation militaire des Forces Républicaines espagnoles qui s’opposaient au général Franco.

 

Il y refusa cependant le statut financier de «mercenaire», pour n’être qu’un chef d’escadrille à la modeste solde locale. Soucieux de l’ingérence politique soviétique au sein de l’armée pour laquelle il se battait et qu’il ne partageait pas, il donna sa démission.

 

En juin 1937, il se présenta à l’ambassade de Chine à Paris : l’American Volunteer Group (A.V.G) du colonel Claire Lee Chennault recrutait des volontaires pour accepter de se battre contre les aviateurs japonais dont les forces armées étaient en train d’envahir la Chine.

 

Il prit alors le bateau pour Hong Kong, avant de rejoindre Hang-Kéou pour y être évalué par les Américains au début décembre 1937 (site internet Drouillet). Il rejoindra alors le 14th Foreign Squadron où sont regroupés des aviateurs étrangers.

 

Combats contre les japonais

 

Les combats contre les Japonais seront nombreux et féroces. C’est à cette époque que l’aviateur français Omer Poivre sera tué en combat le 14 décembre 1937, alors qu’il est en équipe avec son compatriote André Boulingre, lui aussi un ancien de l’Espagne, et l’Australien Ray Whitehead. (Wikipedia).

 

A partir de 1941, l’escadrille de pilotes volontaires de Chennault sera connue sous le nom de «Tigres Volants», basée à Kunming.

 

En 1939, à la mobilisation, Labussière va rompre son contrat avec les forces chinoises et rejoindre l’Indochine française où l’aviation manque de pilotes chevronnés. Accompagné de son ami André Boulingre, il s’engage et est nommé sergent.

 

Il rejoint l’escadrille de chasse basée à Tong, à 40 km au nord-ouest de Hanoï, équipée de quelques avions Morane 406, les plus modernes de l’aviation indochinoise de cette époque.

 

A la barre de l’Indochine.

 

Très rapidement, William Labussière va se rendre compte que les missions qu’on lui demande au Tonkin, notamment de s’opposer aux aviateurs américains qui viennent depuis la Chine bombarder les objectifs japonais, ne sont pas dirigées contre le véritable ennemi de son pays.

 

Aussi, décide t-il dès 1941, de rejoindre les Forces Aériennes Françaises Libres, via la Chine qu’il connaît bien.

 

Mais le colonel Tavéra, le chef de l’aviation de l’Indochine, craignant les évasions de ses pilotes, leur avait fait signer l’engagement sur l’honneur, de ne pas déserter vers la Chine en utilisant les appareils français.

 

Aussi Labussière, fidèle à sa parole, décida-t-il d’échapper à l’Indochine vichyste en empruntant une jonque et en rejoignant les côtes chinoises à partir du Golfe du Tonkin et en se faufilant à travers les îles des baies de Halong et de Faï Tsi Long.

 

Tout est prévu pour le 6 août 1941, le jour de son 29ème anniversaire. Hélas, des contre-temps et des mouchardages mirent fin à cette tentative. Labussière fut incarcéré. Il passa devant une cour martiale réunie à Hanoï le 6 septembre 1941 et fut condamné à 5 ans de prison et à la confiscation de ses biens. (Poujade, p. 142)

 

Immédiatement Labussière chercha un moyen de s’échapper. De geôle en geôle, il deviendra le recordman des jours de cachot et de mise aux fers dans les prisons de l’amiral.

 

Le couloir des hautes trahisons

 

A Hanoï, il connaîtra le couloir réservé aux hautes trahisons, et y retrouvera comme compagnons de cellule, Eugène Robert, Pierre Boulle et le Dr Béchamp parmi les plus connus de ces dissidents, considérés alors comme des traîtres.

 

Après l’évasion de Robert, les conditions d’internement devinrent plus dures. Labussière sera transféré à la Prison Centrale de Saïgon.

 

Ses tentatives incessantes d’évasion lui valurent le supplice médiéval de la «barre de l’Indochine» (allusion faite au titre des mémoires de l’amiral Decoux), barre métallique à laquelle étaient fixées des sortes de menottes qui enserraient les chevilles du prisonnier.

 

Ce n’est qu’après le débarquement des Alliés en Normandie et de la fuite des gouvernants de Vichy vers le sud de l’Allemagne, que les prisonniers vont voir les conditions de leur détention s’améliorer.

 

Et c’est à la fin de 1944, qu’enfin leur évasion réussira. Aidés de complicités locales, Labussière accompagné de Pierre Boulle et d’Eugène Robert pourra rejoindre d’abord Xieng Kouang au Laos, puis Kunming au Yunnan.

 

Retrouvant là-bas ses anciens camarades des Tigres Volants, il rejoignit la Mission Militaire Française et devint le capitaine Willy Martin.

 

Et c’est après la capitulation du Japon, en 1945 que Labussière reçut un matin d’octobre 1945, l’ordre d’acheminer par avion le patron de la Mission, Jean Sainteny et sa suite vers Hanoï, et au retour, d’y embarquer de hauts responsables militaires.

 

Tragi-comédie à Gia-Lâm.

 

Il était près de 10h00 du matin, et le bruit d’un DC3 qui se préparait à atterrir fit lever toutes les têtes. Et ils étaient nombreux, ceux qui attendaient l’avion, réunis au bord de la piste de l’aéroport de Gia-Lâm, en face de la ville de Hanoï, de l’autre côté du Fleuve Rouge.

 

Nous étions le 8 octobre 1945. L’avion américain arrivait de Kunming au Yunnan et était un des premiers à pouvoir se poser dans ce Tonkin qui était alors occupé par les troupes chinoises.

 

A son bord, se trouvait Jean Sainteny, le nouveau Commissaire de la République pour la partie nord de l’Indochine, et qui venait d’être désigné par l’amiral d’Argenlieu, le nouveau patron de l’Indochine française.

 

Un peu à contre-coeur, il rejoignait ce qu’il a appelé «le volcan tonkinois». Il est accompagné de quelques collaborateurs, d’administrateurs qui viennent prendre leurs postes, de sa secrétaire et de Bobby, son setter irlandais.

 

Dès leur descente de l’avion, les passagers sont entourés par des militaires chinois armés, et ils doivent se plier à une fouille en règle. Les voyageurs vont être gardés à vue pendant sept heures, réfugiés sous l’aile de l’avion. Sainteny va raconter cet épisode pénible dans son livre ‘Histoire d’une paix manquée’ (p. 118)

 

Le départ des pro-Decoux

 

Mais ce qu’il ne sait pas, c’est que de l’autre côté de la piste, se trouvent, eux aussi installés en plein soleil, toute une troupe de passagers quittant le Tonkin et attendant de pouvoir monter dans le même DC3 pour être conduits vers Kunming.

 

En un étonnant chassé-croisé, l’Indochine de Decoux s’en va et en croise sur cet aérodrome, les nouveaux occupants d’une Indochine gaulliste.

 

Georges Gautier, l’ancien Secrétaire Général de l’amiral Decoux, est parmi eux et il donne la liste de ses compagnons de voyage dans son ouvrage «La fin de l’Indochine française’ (p.334)». Il y a donc réunis : les généraux Mordant et Aymé, en grande tenue avec leurs aides de camp chaussés d’éperons, Georges Gautier et sa famille, le commandant Robbe, ancien directeur de l’information, M. Taboulet, qui dirigeait les services de l’Enseignement, mais aussi le général Tavéra, le patron de l’aviation indochinoise.

 

A son tour, le général Mordant, qui avait été le commandant des Forces terrestres de l’Indochine de l’amiral Decoux à partir de 1941, avant de devenir en septembre 1944, Délégué Général du Gouvernement provisoire en métropole du Général de Gaulle, raconte lui aussi sa journée du 8 octobre dans son livre «Au service de la France en Indochine’»: « A l’entrée du pont Doumer, notre voiture fut sans explication arrêtée par un poste chinois.

 

C’est seulement après plusieurs heures de pourparlers que la mission française put se rendre au terrain de Gia-Lâm.

 

Là, le Commandant Sainteny venait de descendre du Dakota qui devait nous mener à Kunming, et s’affairait pour obtenir l’autorisation de décharger quelques bagages.

 

Là encore, plusieurs heures de pourparlers furent nécessaires… ». ( Mordant, p. 183).

 

Le général Mordant

 

Mais le personnage le plus curieux qui se trouve, toujours au même moment, sur la piste de Gia-Lâm, est celui qui jusqu’à présent est resté silencieux et anonyme : le pilote de l’avion américain.

 

Le général Mordant le décrit , « Le pilote, un G.I., étendu à l’ombre d’une aile du Dakota, aussi placide que silencieux, pensant peut-être à un lointain Massachusetts, fumait cigarette après cigarette… ». (Mordant, p. 184).

 

Mais ce général fait une grossière erreur. Ce G.I. silencieux qui se présentait sous le nom de William Martin, était en réalité William Labussière. Et il ne pensait pas du tout au Massachusetts…

 

Il a raconté cet épisode à René Poujade (op. cit. p. 148) : « Labussière vit la troupe de «reprouvés» galonnés qui attendaient avec quelque anxiété un peu glorieux envol vers un destin incertain en cette période d’épuration.

 

Soudain, un petit homme excité, gesticulant et rouge de colère, s’avança vers l’avion. Il exigeait, disait-il, plus de considération de la part de ce petit capitaine qui prétendait enfourner toutes ces ‘personnalités’ dans ce Dakota au confort nul.

 

Souriant, Willy le calma tout d’un coup en lui signalant que sous ce nom de capitaine Martin, il était en fait ce pilote de chasse que lui, le général et d’autres collabos, avaient envoyé au bagne…

 

Ce fut la douche froide, et pas seulement pour le général. Chacun s’empressa de monter à bord de l’appareil, avec discipline et en silence. Entassés de part et d’autre du couloir central de cet avion rustique, les passagers n’en menaient pas large. Chacun essayait de deviner son sort sur le visage énigmatique de cet aviateur ».

 

MM Cony et Ledet décrivent une suite de carrière pour William Labussière encore bien animée. Le plus souvent toujours dans l’aviation avec un retour en France en 1946, puis des aventures en Syrie puis encore à Saïgon jusqu’en 1953.

 

Né à La Réole le 1er août 1912, William Labussière décèdera le 26 octobre 1992.

 

François Doré

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