Gavroche a sélectionné pour vous quelques nouvelles saillantes en Birmanie durant cette semaine écoulée. Un survol de l’actualité indispensable pour tous ceux qui s’intéressent à ce pays d’Asie du Sud-Est.
Politique, Diplomatie
La Ligue unie d’Arakan (ULA) a interdit aux adultes âgés de moins de 45 ans de quitter l’État de Rakhine, tandis que sa branche armée, l’Armée d’Arakan (AA), intensifie la conscription parmi les habitants locaux. Le 22 mai, l’ULA a publié quatre ordonnances interdisant aux hommes de 18 à 45 ans et aux femmes de 18 à 25 ans de quitter l’État sans motif valable. Seules les personnes ayant des proches dépendants souffrant de maladies graves, non traitables par le département de la santé d’Arakan, peuvent obtenir une autorisation de départ. Par ailleurs, l’ULA interdit tout transport de passagers hors de l’État à des fins commerciales et proscrit aux commerçants de transporter un nombre supplémentaire de personnes.
Un brigadier-général à la retraite a été assassiné devant son domicile à Rangoun le 22 mai, alors que le chef adjoint du régime, Soe Win, effectuait une visite dans la capitale économique. Le groupe de guérilla urbaine Golden Valley Warriors a revendiqué cet assassinat, affirmant que Cho Tun Aung enseignait la sécurité intérieure et la lutte antiterroriste au Collège de la Défense nationale à Naypyidaw, où il formait des officiers militaires. Ancien ambassadeur de Birmanie au Cambodge, Cho Tun Aung avait reçu le prestigieux titre de Wunna Kyawhtin, décerné par Min Aung Hlaing. Selon les Golden Valley Warriors, il était également membre de l’Organisation des anciens combattants de Birmanie et jouait un rôle actif dans la mobilisation de milices pro-armée pour lutter contre les rebelles et groupes ethniques armés.
Le régime birman met l’accent sur la tenue des élections prévues en décembre prochain et aborde déjà les questions post-électorales. Lors d’une réunion du cabinet, Min Aung Hlaing a réaffirmé que le pouvoir sera transféré au parti vainqueur, insistant sur le respect des dispositions constitutionnelles concernant la formation du parlement et du gouvernement. Le mandat actuel de l’état d’urgence expire le 31 juillet. Pour que les élections puissent se tenir en décembre comme annoncé, le régime doit d’abord restituer le pouvoir au Conseil national de défense et de sécurité (NDSC), dominé par les militaires. Ce conseil est alors chargé d’organiser les élections dans un délai de six mois et de former un gouvernement intérimaire.
Le Premier ministre malaisien Anwar Ibrahim a révélé, le 21 mai, qu’en marge d’un entretien bilatéral avec Min Aung Hlaing organisé le mois dernier à Bangkok, il avait également rencontré des représentants du gouvernement d’unité nationale (NUG). Cette démarche, entreprise au nom de l’ASEAN sous présidence malaisienne, marque la première ouverture apparente du régime militaire birman à un dialogue depuis le coup d’État de février 2021. Nay Phone Latt, porte-parole du NUG, a déclaré que le gouvernement parallèle se disait prêt à engager des discussions avec la junte, à condition que celle-ci accepte six prérequis. Parmi eux figurent la création d’une nouvelle union fédérale démocratique fondée sur une constitution excluant tout rôle politique pour l’armée, ainsi que l’établissement d’un mécanisme de justice transitionnelle.
Plus de 285 organisations de la société civile, locales, régionales et internationales, appellent le Premier ministre malaisien Anwar Ibrahim, président en exercice de l’ASEAN, à cesser tout contact avec la junte militaire birmane. Dans une déclaration publiée à quelques jours du 46ᵉ Sommet de l’ASEAN en Malaisie, elles l’exhortent à reconnaître officiellement le Gouvernement d’unité nationale (NUG) et les organisations de résistance ethniques comme interlocuteurs légitimes pour résoudre la crise. Depuis le coup d’État militaire de 2021, la Birmanie est en proie à une guerre civile généralisée, marquée par des violences persistantes et le déplacement de plus de 3,5 millions de personnes.
La Chine a livré à la Birmanie sa 15e cargaison de carburant et sa 16e livraison de maisons préfabriquées pour soutenir les efforts de reconstruction après le séisme de Mandalay. Le 23 mai, le navire MT YU DONG a accosté près de Rangoun avec près de 15 000 tonnes de carburant. Le 24 mai, le MV Orient Glory a débarqué 1 120 maisons modulaires et 160 bureaux préfabriqués au port de Thilawa. La remise officielle des dons, organisée par l’ambassade de Chine, a été suivie d’un transfert vers les zones sinistrées par voie ferroviaire selon le gouvernement.
Économie
La demande croissante pour les grenouilles comestibles, notamment la grenouille thaïlandaise prisée sur le marché domestique, stimule l’expansion des élevages à travers les régions de Rangoun, Bago et Ayeyawady. Selon des éleveurs, les commandes en gros se multiplient, et les spécimens de grande taille sont désormais expédiés vers des destinations plus lointaines. Vendues au viss (environ 1,6 kg), les grenouilles atteignent un poids commercial après 75 jours d’élevage. Actuellement, 4 à 5 grenouilles adultes équivalent à un viss. Les prix sont jugés satisfaisants, bien qu’une baisse soit attendue pendant la mousson, période de plus grande abondance. Les éleveurs utilisent des sons de riz et des aliments flottants pour poissons comme base de nutrition.
La Banque centrale de Birmanie (CBM) a annulé, avec effet rétroactif au 1er avril 2025, les licences de quatre fournisseurs de cartes de paiement à usage unique pour non-respect de la directive 2/2012 sur les paiements électroniques. Sont concernés : Kispa Nadi Express Ltd (carte iPay), San Yaung Ni Road Transport Co Ltd (carte K), Active Business Consolidation Co Ltd (carte-cadeau ABC) et Integrated Smart Solution Co Ltd (carte prépayée AnyPay), selon un avis publié le 22 mai.
Entre le 7 et le 22 mai, la Banque centrale de Birmanie (CBM) a injecté massivement des devises étrangères sur le marché financier, vendant plus de 9,5 millions de dollars américains, près de 50 millions de bahts thaïlandais et plus d’un million de yuans. L’objectif : enrayer l’instabilité du marché des changes et la dépréciation de la monnaie locale. Depuis janvier, la CBM a vendu plus de 380 millions de dollars, 545 millions de bahts et près de 17 millions de yuans. Elle collabore avec les autorités judiciaires pour réprimer les manipulations monétaires, tout en autorisant les banques privées à effectuer des échanges en ligne au taux du marché depuis décembre 2023.
L’Association des producteurs et exportateurs de fruits, fleurs et légumes de Birmanie (MFVP) a invité les cultivateurs à la contacter pour l’exportation de coques de noix de coco sèches vers la Corée du Sud. Ce projet s’inscrit dans le cadre du programme ACEMES-ROK (mai 2023 – avril 2024), visant à développer la chaîne de valeur du cocotier. Des formations à l’artisanat ont été proposées pour transformer les coques en objets commerciaux (lampes, rideaux, porte-clés, etc.). La Birmanie produit plus de 400 millions de noix de coco par an, principalement dans la région d’Ayeyawady, premier bassin de production du pays.
Société
Le chef de la junte birmane, Min Aung Hlaing, a imputé le 20 mai la crise énergétique actuelle à la suspension du barrage hydroélectrique de Myitsone, un mégaprojet soutenu par la Chine. Selon lui, cette infrastructure de 6 000 mégawatts aurait pu couvrir les besoins en électricité du pays. Il a reconnu que son régime ne parvient aujourd’hui à en satisfaire que la moitié. Lancé près de la source de l’Irrawaddy dans l’État Kachin, le projet avait été gelé en 2011 sous la pression de l’opinion publique. Alors que de nombreuses zones de Rangoun subissent désormais jusqu’à 16 heures de coupures quotidiennes, Min Aung Hlaing accuse aussi les Forces de défense populaires de viser les installations électriques.
En Birmanie, le régime est accusée de ralentir délibérément la reconstruction des lieux de culte musulmans et chrétiens après le tremblement de terre dévastateur du 28 mars, alors que le pays est majoritairement bouddhiste. Sur les près de 140 mosquées détruites ou endommagées dans les régions de Mandalay, Sagaing et Naypyidaw, le ministère des Affaires religieuses n’a autorisé la reconstruction à l’identique que d’une seule. Les demandes pour les autres restent en suspens, tandis que le régime a parfois donné la priorité à la reconstruction de sites bouddhistes. Vingt-cinq mosquées gravement endommagées à Mandalay attendent toujours l’approbation des autorités pour être démolies.
Répression/Conflit
L’Armée pour l’Indépendance Kachin (KIA) affirme avoir détruit un hélicoptère de transport de l’armée birmane qui s’est écrasé après une embuscade dans l’État de Kachin. Selon le porte-parole de la KIA, le colonel Naw Bu, les troupes de la KIA ont bombardé l’hélicoptère sur un terrain de football près du quartier général du bataillon d’infanterie 56 à Shwegu, ainsi qu’avec des drones après son atterrissage. Le 20 mai, il a précisé que deux des trois hélicoptères qui envoyaient des renforts et des fournitures au quartier général du Commandement des opérations militaires (MOC) 21 de la junte à Bhamo avaient été touchés par des roquettes et des drones.
L’Armée d’Arakan (AA) a arrêté une quarantaine d’habitants du canton de Taungup, dans l’État de Rakhine, le 18 mai, pour avoir protesté contre la conscription obligatoire imposée par le groupe armé depuis le 18 mars. Les manifestants étaient toujours détenus dimanche. « Nous ne nous opposons pas à l’AA, mais aucun parent ne souhaite voir ses enfants enrôlés de force », a déclaré un résident sous couvert d’anonymat, appelant à un service militaire volontaire. Située à environ 460 km au sud de Sittwe, la ville de Taungup est sous contrôle de l’AA depuis le 24 novembre.
L’ONG Justice for Myanmar accuse 54 entreprises basées dans l’ASEAN de financer le régime birman en lui fournissant carburant aérien, fonds et technologies. Des sociétés comme PTTEP (Thaïlande), Interra Resources (Singapour) et Viettel (Vietnam) figurent parmi les noms cités dans un rapport publié samedi. Yadanar Maung, porte-parole de l’ONG, déplore dans un communiqué l’impunité dont bénéficie la junte, appelant les dirigeants de l’ASEAN à cesser tout soutien à Naypyidaw. Cet appel intervient à la veille du 46e sommet de l’organisation à Kuala Lumpur (26-27 mai), alors que la société civile birmane exige une rupture des liens avec le régime militaire et un engagement clair en faveur de la résistance.
La Ta’ang National Liberation Army (TNLA) a annoncé qu’elle reconnaissait la Ramonnya Mon Army (RMA), nouvellement formée, comme une alliée révolutionnaire. Née le 24 mai 2025 de la fusion de deux groupes — le New Mon State Party (Anti-Military Dictatorship) et la Mon Liberation Army —, la RMA collaborera militairement avec la TNLA. Cette dernière appelle les groupes ethniques Mon, Wa et Ta’ang, issus de la famille linguistique môn-khmer, à organiser leurs communautés et à renforcer leurs forces armées pour défendre leurs territoires. La création de la RMA est, selon la TNLA, une étape déterminante sur la voie de la révolution.
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