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CAMBODGE – PATRIMOINE: Pierre André Romano raconte Artisans d’Angkor

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 20/02/2020
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Notre correspondant au Cambodge Alain Gascuel n’a pas son pareil pour trouver des interlocuteurs aptes à raconter le pays dans ses moindres détails, pour nous faire partager leurs succès et leurs émotions. Pierre André Romano mène les opérations de l’association «Artisans d’Angkor». Ils nous conte l’aventure…

 

Un entretien avec Pierre-André Romano réalisé par Alain Gascuel

 

La naissance du projet

 

Les Chantiers-Écoles ont été créés en 1992. L’idée était, après une période de troubles profonds, de relancer les activités artisanales au Cambodge qui avaient pratiquement disparu, de faire renaitre des savoir-faire traditionnels, de créer des emplois. Cette « relance » a été effectivement, depuis 25 ans, très fortement développée. Artisans Angkor, marque de prestige, compte maintenant directement 1 200 salariés, et fait indirectement travailler des milliers de Cambodgiens dans la province.

 

La présence sur le terrain

 

Pour les visiteurs, Artisans Angkor est bien visible dans trois sites particuliers :

 

– les chantiers-écoles à Siem Reap, où l’on peut voir travailler les artisans; c’est un site très prisé, le second site le plus visité après le parc archéologique; – la ferme de la soie, en partenariat avec le CNS Centre National de la Soie à Puok, où l’on peut voir les vastes plantations de mûrier, l’élevage des vers à soie, et un centre d’expositions et de ventes

 

– à Phnom Penh où Artisans Angkor a un vaste magasin– expositions, sur deux étages, où l’on peut acquérir sculptures, tissus, statues, ustensiles de table … aussi passer commande d’objets, de vêtements, de décorations produits « à la demande ».

 

Les activités

 

Les activités d’Artisans Angkor sont très diverses. Nos artisans sont sculpteurs sur bois, sculpteurs sur pierre, certains réalisent de la polychromie c’est-à-dire des sculptures sur bois recouvertes de peinture, de laque, de feuilles d’or. D’autres réalisent de la dinanderie (cuivre martelé plaqué argent), de la poterie, de la céramique, de la laque, …

 

Et depuis sa création, Artisans Angkor a une forte activité de formation : chaque année, nous formons entre 30 et 50 artisans, dans tous les domaines : sculpture sur bois, sur pierre, laque (le maitre laqueur Stocker a son atelier à Siem Reap et a formé nos premiers artisans laqueurs). Pour la sculpture nous distinguons « étudiants », « apprentis », « compagnons » et « maitres ». Et bien sûr nous formons à tous les métiers liés à la soie … – ce qui a fait naître un projet officiel d’aide à la formation aux métiers de la soie.

 

La «filière soie»

 

La « filière soie », notre activité la plus connue, emploie 450 de nos artisans. avec une grande variété de créations : écharpes, coussins, vêtements, literie, surfaces décoratives, sacs et accessoires, porte-monnaie, … même peinture sur soie, l’une des spécialités d’Artisans d’Angkor.

 

S’agissant de la sériciculture, les métiers sont très divers : de la plantation de mûriers à l’élevage des vers, au dévidage des cocons, à la filature, la teinture, le tissage … Autant de spécialités !

 

Tout en amont : les plantations de mûriers. A Puok nous avons planté 5000 nouveaux mûriers ce mois de décembre 2019, et 5000 de plus dans les deux mois à venir, ce qui portera leur nombre total entre 30 et 40 000 ! Le but de l’opération : augmenter fortement la production de cocons et de fil de soie, pour moins dépendre des importations de fil. Nous consommons chaque année 10 tonnes de soie, en majorité importées. Si nous voulons être tout à fait autonomes pour le fil de soie, nos plantations de mûriers doivent s’étendre sur 500 ha !

 

Toutes les autres activités de la filière soie (filature, teinture, tissage …) sont entièrement assurées au Cambodge, qui a une longue tradition dans ces domaines. Les ateliers disséminés dans la province de Siem Reap emploient plusieurs centaines de personnes et en font vivre indirectement plusieurs milliers !

 

Pas seulement des produits de grand luxe !

 

Toutes nos productions sont artisanales. On s’attend donc à des prix élevés. En fait l’éventail des prix est très ouvert. On peut trouver par exemple une tête de bonze en méditation, pièce unique, en pierre, pour 69 dollars. Ou bien des vêtements réalisés à la demande à des prix très raisonnables. A l’autre extrémité de la gamme, une « polychromie », magnifique visage, sculpture sur bois d’environ 80 cm de haut, laquée, et plaquée à la feuille d’or 24 carats, qui a demandé plusieurs mois de travail, approche 5000 dollars. Vendue en Europe, il faudrait compter un zéro de plus ! Encore pourrait-elle être sertie de rubis …

 

Des interventions très « haut de gamme »

 

La force de nos artisans, c’est la recherche constante de la qualité. Cette recherche est reconnue, appréciée aux plus hauts niveaux. C’est ainsi que Artisans Angkor, qui avait déjà entièrement décoré l’hôtel Victoria, plus récemment l’hôtel Japonais Emion avec une commande de 650 pièces est devenu fournisseur officiel du gouvernement: on nous demande des pièces qui seront données en cadeaux à des diplomates et personnalités, des ministères font appel à nous pour leur décoration, nous avons fourni un grand bas-relief en pierre au Musée de la Monnaie, et nous participons à la restauration de temples, de bas-reliefs : un an et demi de travail sur des chantiers en cours.

 

Particulièrement important : sur le temple du Mebon Occidental, construit sur un ilot, au milieu du Baray occidental, nous restaurons des centaines de sculptures de pierre. La reconstruction de ce temple, qui était effondré, a demandé plusieurs années; il a fallu construire une digue tout autour pour y travailler même lorsque le Baray est plein d’eau. On va visiter le temple en bateau, c’est une curiosité pour les visiteurs. Là nos sculpteurs participent à l’anastylose, c’est-à-dire la reconstitution de l’œuvre d’origine en assemblant un maximum de pièces d’origine et d’éléments existants (en veillant à ce que les interventions des artisans se laissent deviner).

 

Exporter le savoir-faire des sculpteurs cambodgiens

 

Le savoir faire, l’habileté des sculpteurs cambodgiens, qui remonte à des temps très anciens (que l’on songe aux bas-reliefs d’Angkor Wat, du Baphuon, ..) les Artisans d’Angkor veillent à les maintenir, à les valoriser : nous avons des ateliers de formation et nous distinguons 4 niveaux : – étudiants; – apprentis; – compagnons; – et maîtres sculpteurs. Au total environ 40 « maitres ».

 

La réputation des sculpteurs cambodgiens, et le manque de bons tailleurs de pierre en quantité de lieux dans le monde nous donne des ambitions nouvelles pour nos 94 tailleurs de pierre confirmés : intervenir à l’étranger sur des chantiers qui en sont demandeurs. Nous pensons par exemple à des cathédrales en Angleterre … Il y a là d’immenses perspectives ! L’idée fait son chemin, des pourparlers sont en cours.

 

… et le rôle social de l’entreprise (RSE)

 

Un autre domaine où Artisans d’Angkor maintient et développe les objectifs de ses créateurs : son rôle social.. Nos employés ont divers avantages comme: une retraite, des garderies pour les enfants, une assurance, un médecin et des soins gratuits… toutes les entreprises ne peuvent pas en dire autant,. Nous travaillons beaucoup avec les syndicats, en interne, -nous avons plus de 400 syndiqués dans notre personnel– et nous avons beaucoup de discussions constructives au niveau national, par exemple avec la Confédération Cambodgienne des Travailleurs (CCWM).

 

C’est là un domaine où nous souhaitons être en flèche, cités en exemple !

 

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