Home Accueil GAVROCHE – ROMAN : A Singapour, la musique n’adoucit pas les mœurs…

GAVROCHE – ROMAN : A Singapour, la musique n’adoucit pas les mœurs…

Journaliste : Alain Guilldou Date de publication : 07/02/2022
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Singapour hopital

 

HASHTAG SINGAPOUR

 

Nouvelle d’Alain Guilldou auteur, entre autres, de C’est arrivé à Singapour (éditions Gope, 2022).

 

L’AUTEUR

 

Après une carrière d’enseignant, Alain Guilldou a été responsable de la communication du Bureau d’Enquêtes et d’Analyses (BEA), ce qui l’a amené à tisser des liens avec de nombreux pays du monde, en particulier ceux d’Extrême-Orient. Il continue d’enseigner à Singapour, la ville-État qui lui a inspiré plusieurs nouvelles dont celle-ci.

 

L’INTRIGUE

 

M. Tong, violoniste mondialement admiré, est très attaché à son Stradivarius et à sa belle demeure de Singapour. Lors de ses tournées dans différents pays, Mme Tong en profite pour retrouver sa passion de jeunesse : chanter les Beatles dans un cabaret démodé. La tension latente dans le couple prend un tournant dramatique lorsque Mme Tong apprend le comportement inadmissible de son mari auprès de certaines femmes. Elle décide de lui donner une leçon d’une façon très personnelle précisément au moment où il est victime d’événements pour le moins inexplicables et qui risquent de lui faire perdre la raison. Mais qu’est-ce que la raison dans cette histoire ?

 

RÉSUMÉ ÉPISODE 4

 

Alors que M. Tong fait constater à Katherine, son épouse, les dégâts qui se sont produits dans SA pièce, sur un écran de surveillance, il aperçoit deux limousines noires à l’entrée de sa maison. Au même moment, il ressent une piqûre à la cuisse et s’effondre. Mme Tong se met à chantonner la chanson des Beatles.

 

On fait également la connaissance de Lao Lee, un vieillard à qui Mme Tong rend souvent visite dans une maison isolée au nord de Singapour. Ils aiment parler ensemble. Cette fois, Mme Tong ne le trouve pas en bonne santé.

 

ÉPISODE 5 : MAIS OÙ DONC EST M. TONG ?

 

Une pièce close, sans fenêtre. Une pendule murale. Deux chaises de plastique inconfortables contre un mur. Un lit médicalisé avec des barrières. Une table de nuit chargée de boîtes de médicaments. Un portique où étaient suspendues des poches de liquides mystérieux. Un long tube débouchant sur un cathéter planté dans une main aux doigts écartés. Des électrodes collées sur la poitrine du patient, reliées à un appareil inquiétant. En quart de cercle, sur la gauche du lit, plusieurs écrans étaient sillonnés de courbes qui allaient et venaient, créant un ensemble plus incompréhensible qu’un tableau de bord de MiG-21 aux yeux d’un pilote d’ULM.

 

A droite du lit, un calendrier à spirales. Sa partie haute était constituée d’une photo de forêt en automne comme Singapour n’en avait pas. Sa partie basse était divisée en trente cases. Chacune pour l’un des jours de novembre.

 

Chiam Chok Tong tenta vainement de se relever dans son lit. Le moindre mouvement lui infligeait une vive douleur. Ses jambes étaient paralysées, son bras droit plâtré de l’épaule jusqu’à la moitié de la main.

 

Sa tête retomba sur l’oreiller.

 

Quand l’infirmière entra, en blouse blanche, sans badge, un frisson parcourut le musicien. La femme était d’une corpulence impressionnante, un vrai modèle pour Botero. Elle portait le masque du Roi de la nuit de Game of Thrones et garda obstinément le silence.

 

Elle souleva le drap du lit, abaissa d’autorité le pantalon de pyjama du malade, lui écarta les jambes, prit le pénis entre ses doigts gantés de latex et l’enfourna dans un urinal de plastique. Ses yeux rencontrèrent ceux de M. Tong. Elle dressa un index, ce qui pouvait aussi bien signifier « Ne bouge pas ! » que « Je te donne une minute pour pisser ! ».

 

M. Tong fut incapable d’uriner dans ces conditions. Le masque terrifiant valait vasectomie pour un violeur patenté. L’infirmière retira l’urinal sans un mot, constata qu’il était vide, haussa les épaules, remonta énergiquement le pantalon du pyjama et redressa le malade qui ne lui pesait pas davantage qu’un mannequin de plumes. Du sac isotherme qu’elle avait apporté avec elle, elle sortit une poche de nutriment. Elle la malaxa à la manière d’une pâte à pizza et en glissa l’embout entre les lèvres du malade dont le premier réflexe fut de la refuser.

 

— T’as intérêt à bouffer ce que je te donne, c’est sans résidus, comme ça tu ne vas pas te chier dessus, lança l’infirmière en accompagnant sa mise en garde d’une claque du plat de la main en plein front du malade, qui obtempéra sur le champ.

 

Il toussa en ingurgitant une sorte de potage sans goût identifiable, tandis que la soignante continuait de presser la poche pour en faire sortir le contenu en accéléré.

 

Le « repas » terminé, du revers de sa manche de blouse, la femme essuya violemment la bouche du patient, puis elle se détourna de lui, extirpa un feutre rouge de sa poche et alla biffer une case sur le calendrier de novembre. Le 7, le 8 ou le 9, M. Tong ne distingua pas très bien, si ce n’est qu’il s’agissait d’un jour vers le début du mois, ce qui était cohérent avec les récents souvenirs qu’il tentait de rassembler.

 

Déjà l’infirmière avait tourné les talons. Au moment de sortir, elle se ravisa et avertit :

 

— On t’a implanté un moniteur ECG, alors ne fais pas le zouave à vouloir te lever et arracher les branchements.

 

M. Tong regarda son garde-chiourme d’un air désespéré.

 

— C’est quoi ça ?

 

Derrière les lèvres immobiles de son masque, l’infirmière expliqua sur le ton d’un étudiant en médecine qui récite son cours :

 

— C’est pour vérifier que l’influx prend bien naissance dans ton nœud sinusal et que sa distribution dans ton cœur se fait selon la bonne séquence.

 

Puis elle sortit en claquant la porte, qu’elle ferma à clé, laissant le musicien aphone.

 

A suivre…
Hashtag Singapour est une nouvelle d’Alain Guilldou auteur, entre autres, de C’est arrivé à Singapour, un recueil de nouvelles publiées aux éditions Gope.

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