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GAVROCHE – ROMAN : «L’impératrice rouge», épisode 8 : Embrouilles à Pékin

Journaliste : Patrice Montagu-Williams
La source : Gavroche
Date de publication : 01/06/2021
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Nous avançons dans l’intrigue tissée de main de maître par notre romancier Patrice Montagu Williams. Nous voici au cœur de ce roman-feuilleton «l’impératrice rouge» alors que l’agent très spécial Ly, de la DGSE, atteint les rives de la Chao Praya avant d’embarquer pour le triangle d’or…Mais d’abord, une escale à Pékin.

 

Un roman inédit de Patrice Montagu-Williams

 

L’intrigue

 

Les saisies de drogue atteignent un niveau record dans le 13ème arrondissement de Paris. Cette drogue proviendrait du fameux Triangle d’or, cette zone frontalière située entre la Thaïlande, la Birmanie et le Laos.

 

Quel est le rôle exact de la Chine et de ses services secrets dans cette affaire ? Et qui est exactement cette Impératrice Rouge, somptueuse et tragique femme vampire, qui serait le chef d’orchestre occulte de ce trafic ?

 

L’agent très spécial Ly, de la DGSE, est envoyé en Thaïlande pour régler le problème, par tous les moyens. Persuadé, comme le dit Sartre, qu’on ne peut vaincre le mal que par un autre mal, il vivra une histoire de passion, de folie et de trahison.

 

Rappel de l’épisode précédent : Derniers jours à Paris pour Ly.

 

Au cours d’un dîner au « Rosebud », mythique bar américain de Montparnasse, il annonce à Eva qu’il va devoir s’absenter quelques temps. Ce soir-là, elle lui avoue qu’elle attend un enfant de lui qu’elle gardera, quoiqu’il se passe.

 

Épisode 8 : Embrouilles à Pékin.

 

La voiture, une grosse berline noire à hayon Baojun RC-5, se gare devant le 14, rue Dongchang’an, un immeuble grisâtre et imposant à l’architecture stalinienne où se trouve le siège du Guoanbu, le Ministère de la sécurité d’état. Placés sous la responsabilité directe du Conseil des affaires de l’État de la République Populaire de Chine, les services secrets emploient près de sept mille fonctionnaires, auxquels s’ajoutent cinquante mille agents illégaux, les fameux « chen diyu », les « poissons d’eau profonde ». Avec le Gonganbu, le ministère de la sécurité publique, le Diaochabu, le service de renseignements du Comité central du parti, et les départements D2 et D3 de l’Armée Populaire de Libération, le Guoanbu constitue le réseau de renseignements le plus important du monde. Tous s’efforcent de mettre en œuvre le précepte du légendaire stratège chinois du VIe siècle avant J-C, Sun Tzu : « Ayez des espions partout, soyez instruits, ne négligez rien de ce que vous pouvez apprendre ».

 

La vérité n’est qu’un choix politique

 

En dépit des affirmations répétées de la mairie de Pékin, la pollution ne baisse pas dans la ville et Liang est enveloppé d’un épais brouillard toxique qui le fait tousser quand il s’extrait du véhicule, tandis que la sentinelle, qui était en faction devant le perron, s’est précipitée pour lui tenir la porte ouverte, tout en portant la main à la visière de son képi.

 

Vivre dans un pays où l’information est sous contrôle absolu et où les faits doivent se plier aux directives du Parti a un coût : la vérité devient politique, donc relative et fluctuante, et il faut savoir en permanence s’adapter, être constamment sur ses gardes, ne faire confiance à personne. Le régime n’aura pas besoin de nous implanter des puces électroniques sous la peau pour nous surveiller, comme essayent de le faire croire les Occidentaux : il a compris, depuis longtemps, que l’auto-censure était bien plus subtile et efficace que la censure, se dit Liang, en s’engouffrant dans l’ascenseur qui mène à la salle de réunion où il est attendu.

 

Trois petits verres

 

Autour de la table, sur laquelle sont posés, sur un plateau, une bouteille de « baiju », cet alcool blanc chinois très fort, et trois petits verres qui serviront à fêter la fin de la réunion si elle se conclut comme il convient, sont déjà assis deux hommes. Liang ne connait que leurs prénoms et ignore les postes qu’ils occupent exactement. C’est cela, la force du Parti : on ne sait jamais qui l’on a réellement en face de soi ! On l’a simplement informé que, l’un, Jie, travaillait au département de la sécurité extérieure des affaires étrangères et que, l’autre, Li, était membre du Bureau Politique du Comité central du Parti.

 

C’est l’homme du Comité central qui prend la parole d’autorité.

 

— Camarades ! Je dois vous rappeler, avant de commencer, quelle est la position officielle de notre pays sur la scène mondiale. Comme l’a défini notre Président, nous souhaitons édifier un ordre international qui repose sur nos valeurs et cesser de nous référer à celles que nous impose l’Occident. Ceci nous amène aux problèmes rencontrés en mer de Chine, qui sont à l’origine de cette réunion. Cette mer a, de tous temps, été la nôtre, en dépit des revendications de plusieurs pays et du jugement partial rendu, en 2016, par la cour permanente d’arbitrage de La Haye. Cela nous a conduit, après la multiplication d’incidents graves, impliquant, notamment, la marine et l’aviation américaine, sur lesquels je ne reviendrai pas, à aller jusqu’à tirer plusieurs missiles balistiques de longue portée à titre d’avertissement, puis à placer les îles Paracels et Spratleys, qui recouvrent l’ensemble des territoires disputés de la mer de Chine du Sud et sur lesquelles nous avions déjà construit des pistes d’atterrissage pour nos chasseurs, sous la tutelle administrative de deux nouveaux districts du nom de Xisha et Nansha, eux-mêmes rattachés à la ville de Sansha, qui se trouve sur l’île de Hainan.

 

Dans ce contexte très difficile, il nous faut disposer d’alliés, et, à défaut, neutraliser nos ennemis potentiels. La France est de plus en plus présente dans la région. Certes, elle ne constitue pas, en soi, un danger sur le plan militaire, mais sa position, notamment au sein de l’ASEAN, n’est pas négligeable, en particulier sur le plan diplomatique. Enfin, il s’agit d’une nation qui a toujours été facile à infiltrer dans laquelle il est possible de manipuler les institutions et les hommes et de faire passer un discours prochinois, même si, victime d’une propagande insidieuse, l’image de la Chine s’est dégradée ces dernières années. D’où l’action menée récemment par nos services, à Paris, dont le but était d’obtenir le soutien ou, au moins, la neutralité des Français en faisant pression sur eux. Cette pression doit continuer. Je laisse à présent la parole au Camarade Liang, du Guoanbu.

 

L’Impératrice Rouge

 

— Je suis heureux de vous confirmer, Camarades, commence l’homme des services secrets, que nous avons sécurisé nos sources d’approvisionnement et allons augmenter nos livraisons, pour répondre à la demande formulée par le Comité central. Nous avons confié la responsabilité de cette mission à un agent dont nous sommes absolument sûr et qui a fait ses preuves en plusieurs occasions. Il s’agit d’une femme, l’agent Wu. Elle est née à Guiyang, dans le Guizhou, et connaît bien les Miao, présents depuis longtemps dans cette province montagneuse. Or, ces Miao ont démontré, par le passé, avec les Français, puis avec les Américains, leur savoir-faire dans la culture et l’acheminement d’opium. La Thaïlande est idéalement placée, au centre du Triangle d’or. C’est à partir du nord de ce pays, dans la région où se trouvent ce que les Thaïs appellent « Les tribus des collines », que se fait le traitement, le conditionnement puis l’expédition, via l’aéroport de Chiang Rai. La marchandise, elle, vient de l’Etat Shan, au Myanmar, de l’autre côté de la frontière. Quant à l’importation et à la distribution de la drogue en France, nous pouvons toujours compter sur la communauté chinoise de Paris, originaire du Vietnam et de Wenzhou, que certains éléments de « Sam Gor », une organisation que les Occidentaux ont appelé « The Company », ont pu pénétrer. Et ceci malgré l’arrestation récente du chef de ce cartel.

 

— Où est implanté l’agent Wu, demande l’homme du Comité Central ?

 

— Vous comprendrez, Camarade, que je ne puisse pas répondre à cette question. Sachez simplement que personne ne sait d’où elle opère. La Thaïlande étant un pays à la fois superstitieux et corrompu, nous avons fait en sorte de brouiller les pistes et ceci de deux façons : tout d’abord en laissant croire aux autorités locales qu’elle opérait depuis la frontière avec le Myanmar, et, ensuite, en faisant d’elle une sorte de personnage de légende qui disposerait de pouvoirs surnaturels contre lequel il serait vain de vouloir lutter.

 

— Avez-vous donné un nom à ce personnage de légende, intervient Jie, l’homme du département sécurité extérieure des Affaires étrangères, qui n’avait pas prononcé un mot jusque-là ?

 

— Nous avons décidé de l’appeler « Hóng huánghòu », l’Impératrice Rouge !

 

— Excellent ! Buvons à la santé de cette Impératrice Rouge, Camarades, dit l’homme du Comité Central, avant de remplir les trois verres posés devant lui, puis de lever le sien et de faire cul-sec.

 

A suivre…

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