Home Accueil LAOS – FRANCE : Emprisonné au Laos et molesté ? Le témoignage d’un jeune français mis à mal par les faits

LAOS – FRANCE : Emprisonné au Laos et molesté ? Le témoignage d’un jeune français mis à mal par les faits

Date de publication : 16/08/2023
8

Tanguy Jacob

 

Gavroche scanne régulièrement pour ses lecteurs la presse française, et publie des extraits d’articles ou témoignages concernant la Thaïlande ou les autres « pays du sourire », dont le Laos. Nous partons du principe que ces articles, déjà publiés, méritent d’être portés à la connaissance de notre public régional. C’est ce que nous avons fait, ces derniers jours, en publiant des extraits du témoignage d’un jeune français affirmant avoir été arrêté, emprisonné, molesté puis délesté de 600 dollars par des policiers en civil au Laos. Son texte a d’abord été publié sur le site d’informations locales actu.fr, repris d’un journal du Jura.

 

La force de Gavroche est heureusement d’avoir un solide lectorat local ! Or dès publication de cet article, les remarques de lecteurs ont afflué, questionnant la crédibilité de ce témoignage, et sa véracité. Par chance, l’une de nos amies, résidente à Vientiane et partenaire de Gavroche, s’est emparée du sujet. Voici sa contre-enquête. Dans l’attente de plus amples informations du jeune français présumé arrêté et enlevé, que nous ne sommes pas parvenus à joindre malgré plusieurs tentatives.

 

Arrêté, emprisonné, molesté au Laos : le « témoignage » pour le moins étrange d’un jeune jurassien

 

A Vientiane, les conversations vont bon train, concernant la détention d’un français au Laos, dans des circonstances rocambolesques. Les faits ne seraient pas récents : mars 2023, d’après la présumée victime interrogée par l’Actu.fr. Relayé par le très populaire Gavroche, journal francophone incontournable en Asie du Sud-Est, l’information surprend à Vientiane, les expatriés comme les résidents nationaux.

 

Arrêté par des policiers en civil

 

Tanguy Jacob, 22 ans, déclare avoir été arrêté par des civils (sans doute policiers) dans la rue, sans raisons apparentes, alors qu’il était avec ses amis. Poussé dans une voiture, il aurait été emmené en prison sans autre forme de procès, la cheville attachée à un pilori.

 

Durant ses 24 heures de détention, il décrit une cellule plongée dans le silence et l’obscurité, l’alternance toutes les six heures de l’entrave à la cheville, les coups de crosse dans le ventre, les menaces à l’AKA47, et les travaux forcés l’après midi. Aux camarades du détenu, les gardiens de prisons auraient réclamé 600 dollars américains pour sa libération, et mis en garde contre une intervention de l’ambassade de France, faute de quoi leur ami « disparaîtrait ». Après un jour et une nuit en captivité, le jeune jurassien affirme avoir été libéré suite au paiement de la somme exigée par ses gardiens.

 

Des incohérences flagrantes.

 

Contactée par téléphone, l’ambassade de France au Laos affirme n’avoir jamais entendu parler de cette histoire. « Qu’un français soit en garde à vue pendant 24h, on pourrait ne pas nous en informer, nous répond le service consulaire, mais en prison, les autorités laotiennes sont tenues par la Convention de Genève de nous prévenir, et l’ont toujours fait ».

 

Plusieurs visiteurs de prisons  étrangers interrogés au Laos affirment pour leur part n’avoir jamais vu de pilori ou de cellules plongées dans l’obscurité. Inédite encore, l’arrestation d’un étranger par des civils, conduit directement en prison. Delphine, expatriée française, assiste régulièrement les prévenus étrangers en sa qualité d’interprète. « la première étape c’est la garde à vue, décrit elle, puis, pour les étrangers, la détention au centre d’immigration, dans un premier temps plus ou moins long, avant éventuellement de rejoindre la prison pour étrangers. L’ambassade du prévenu est informée dès la fin de la garde à vue si celle ci est suivie d’une détention ». des propos confirmés par les autorités consulaires françaises.

 

Une Kalachnikov, vraiment ?

 

Les familiers des procédures judiciaires au Laos tout comme les résidents, nationaux ou étrangers, ne manquent pas de relever un certain nombre d’interrogations : Comment ce jeune français de 22 ans a t il identifié de manière certaine un AKA47 ? Et pourquoi pas un fusil M16 par exemple ? Des gardiens de prison qui déclarent « s’en ficher de l’Ambassade de France, dans un pays communiste », un qualificatif rarement employé en lao comme en langue étrangère : ici on parle plutôt du Parti. Mieux : on n’en parle pas du tout.

 

Tout comme cette détention assez courte somme toute, mais durant laquelle le jeune français dit avoir subi les brimades des matons, et le changement de pied au pilori toute les six heures. Autant de détails relatés, mais aucun sur le moment et les circonstances de son arrestation. Lui a t-on confisqué ses papiers d’identité ? Son portefeuille ? Son téléphone ? Autre incohérence : si l’interpellation a lieu comme il le raconte en présence de ses camarades, pourquoi doute t-il du fait que ceux-ci tentent de le retrouver ?

 

Sur les réseaux sociaux, un autre voyage….

 

Sur les réseaux sociaux du jeune homme et de ses amis, on le voit effectivement en voyage au Laos au printemps 2023, mais aucune allusion n’est faite concernant ses mésaventures. Pas même un commentaire de follower, comme si l’évènement n’avait jamais eu lieu. En revanche, sont publiés beaucoup de photos de jeunes faisant la fête,
alcool, cigarettes, rien de répréhensible certes, mais pas l’ombre d’un traumatisme.

 

À la lecture de l’article de l’actu.fr, on s’étonne alors du seul témoignage du jeune homme, non étayé par ceux des compagnons de voyage et de la famille.

 

Joint par téléphone, l’auteur de l’article n’a pas souhaité répondre à nos questions, tout comme Tanguy Jacob, qui ne donnera pas suite à notre demande d’interview.

 

À Vientiane, cette histoire surprend, agace parfois, mais pour la majorité des personnes interrogées, ça sent le canular. Nicolas, français d’origine laotienne, travaille dans l’hôtellerie. Il fait du bénévolat pour une association d’entraide afin d’assister les français en détresse, et est visiteur de prison. Ce récit ubuesque ne le convainc pas. « Personne ne se fait arrêter pour rien au Laos, surtout pas un étranger » rappelle t-il. « a t-il provoqué une bagarre dans un bar sous l’effet de l’alcool, pas payé ses consommations ou pris des substances illicites ? À mon avis il s’est fait arrêté par le chef du village qui lui aura remonté les bretelles, peut être délesté d’une amende surtout si il y a eu des dégâts à payer, mais en aucun cas ce jeune n’a été en prison au Laos. Et vexé il se venge en voulant salir la police par ce témoignage absurde ».

 

Rien de tel au Laos, selon les familiers du pays

 

Une théorie partagée par beaucoup de monde en ville, mais après tout : nous n’en savons
rien. Une certitude finalement : la procédure décrite par Tanguy Jacob ainsi que son
expérience carcérale, ne correspond à rien d’existant ici au Laos.

 

Ce fait divers a retenu votre attention ? Nos colonnes vous sont ouvertes !

 

Chaque semaine, recevez Gavroche Hebdo. Inscrivez vous en cliquant ici.

 

 

8 Commentaires

  1. Bonjour Jean Jacques Goldman

    Je supposais juste que Tanguy l’Aventure avait été pris en flagrant délit par la police et a refusé de payer l’amende. J’aurais dû écrire ” le scénario probable” plutôt que “habituel”. Je ne connais rien à l’herbe qui est interdite au Laos et, paraît-il, mauvaise pour la santé, mais si cette information peut vous être utile, j’ai entendu dire qu’elle était toujours meilleure et plus verte ailleurs.
    Pour répondre aussi à d’autres commentateurs : je ne comprends pas ce qu’on reproche à Gavroche. S’il ne signalait pas l’existence de cette étrange affaire, je parie qu’on dénoncerait cette omerta, et quand ce journal donne aussi la parole à ceux qui n’y croient pas, certains estiment qu’il est illégitime de mettre en doute cette histoire sans preuves. Je pense que Gavroche est au contraire dans son rôle en laissant s’exprimer librement tout le monde.
    Quant à ceux qui trouvent cette polémique stérile, ils ne devraient pas, en toute logique, s’en mêler.

  2. Paulin , pourrait-on savoir quelle “herbe” est la meilleure ? Dans quel coin de Vang Vien se la procurer et si possible une adresse ou un N° de téléphone ? Payer certes mais combien et qui payer (ce n’est pas très clair) ? ; le vendeur, le revendeur, la police ? Merci pour vos infos qui éclairciraient la saga et y mettrait peut-être fin et me donnerait quelque information pour mon prochain voyage. Votre scénario me rappelle un voyage au maroc, il y a 30 ans, entre Tétouan et Fes : La route était bordée, dans la région de Ketama, de fournisseurs fort achalandés et de la végétation la meilleure ; 3 km plus loin un barrage de police reprenait la marchandise éventuelle qui revenait à son point de départ. Le bénéfice pouvait se révéler lucratif, la somme concédée pour l’achat et la somme extorquée, sous la menace de suites -lesquelles – mais à l’abri … du soleil … La carte bancaire n’était pas acceptée …

  3. Je fais partie des expatriés au Laos qui trouvent ce témoignage difficile à croire.
    Pour les raisons évoquées dans votre article et pour d’autres. Effectivement on voit mal un policier laotien expliquant que son pays est communiste (de surcroît comme si c’était censé terrifier un touriste). L’histoire de ce français est à la fois truffée d’invraisemblances (avec des détails dignes d’un vieux SAS) et criblée de lacunes: dans quelle ville ça se passe, en quelle langue a-t-il ces discussions sur les régimes politiques, pourquoi est-il “kidnappé ” devant tout le monde et pas ses amis, ne pas contacter l’ambassade ensuite? etc.
    Dans tous les récits similaires doit apparaitre le mot ” passeport” ( confisqué, qu’on veut récupérer…) et “famille” , ” parents”…
    Le scénario habituel est plutôt: un jeune fume de l’herbe, disons à Vang Vieng, en public (comme la photo du bracelet avec les couleurs du drapeau jamaïcain le laisse supposer).
    Il refuse de payer sur le champ et aggrave son cas en faisant du grabuge. Enfin il clame son innocence quand il met son ami dentiste à contribution. Laissons-lui le bénéfice du doute en prime mais si nous sommes envoyés un jour en “Enfer”. Espérons que ce sera le même. Nous convaincrons un autre de payer à notre place et nous sortirons dès le lendemain.

  4. Faisant partie du lectorat local érigé en procureur et en tribunal dans cet affaire obscure que Gavroche n’aide pas à éclaircir, au contraire, ne serait-il pas nécessaire de publier, pour donner un peu de lumière dans cette obscurité, les rapports d’Amnesty International sur les prisons au Laos ainsi que sur les mêmes questions, les communiqués et rapports de Humans Rights Watch et les rapports du comité des droits de l’Homme des Nations Unies. PS: je note, pour alimenter la “saga estivale” et ajouter à la confusion, que les 600 dollars, un chiffre pourtant bien rond ( pourquoi 1000 le serait davantage ?) sont désormais devenus, dans tout ce naratif évolutif, une caution et non une amende et encore moins une somme extorquée. Le propre d’une caution c’est d’être restituée lorsque les obligations qu’elle est sensée garantir ont été respectées. Des obligations en forme de “remontée de bretelles” peut-on lire … La saga ne semble pas prête de s’arrêter tant elle est de nature à déchaîner les phantasmes et les craintes et aussi les peurs – surtout des expatriés locaux- dans un pays ou la transparence n’est pas la devise. C’est en tout cas fort instructif sur Gavroche, ses nombreux relais “en ville” et ses nombreux lecteurs. Un retour analytique s’imposera en fin de saga …

  5. Le bonjour à tous,

    Un détail m’a aussi étonné, C’est le montant de la caution de 600 dollars (dans l’article de la Voix du Jura, nous lisons 600 euros). Pourquoi 600 dollars et pas 1000 dollars voire 10 000 dollars. Bref une nombre plus rond. En kip, cela donne 11,6 millions pour 600 dollars ou 12,5 millions pour 600 euros . La aussi ces nombres ne sont pas ronds. Et pour un kidnapping d’un étranger, la somme me semble par hypothèse bien faible…

    A bientôt

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Les plus lus