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LU AILLEURS: Le Japon et son nouvel Empereur Naruhito, ce qu’il faut savoir

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 01/05/2019
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Profusion d’articles ces jours-ci sur l’abdication de l’Empereur du Japon Akihito et l’accession sur le trône du Chrysanthème de son successeur, Naruhito, dont le couronnement aura lieu en octobre. Nous reproduisons ici un article du «Journal du dimanche» qui résume bien les enjeux de ce changement d’ère impériale pour l’archipel.

 

Avec l’avènement d’un nouvel empereur, le Japon va changer d’ère.

 

Cela ne va rien changer dans l’immédiat pour les citoyens, mais, dans l’histoire du pays, toute nouvelle ère est chargée de symboles liés aux décisions politiques.

 

C’est automatique au Japon : avec l’avènement d’un nouvel empereur, débute une nouvelle ère.

 

Mardi, l’ère Heisei va donc se clore avec l’abdication d’Akihito.

 

Le fils de ce dernier, le prince Naruhito, deviendra officiellement empereur mercredi et, avec lui, le pays du “soleil levant” entrera dans l’ère Reiwa.

 

C’est avant tout un changement majeur de rythme pour les Japonais : s’ils utilisent le calendrier grégorien depuis 1868 et l’ère Meiji, tous leurs documents publics et officiels suivent la chronologie impériale.

 

Mercredi, les journaux seront donc datés du premier jour de l’an 1 de l’ère Reiwa. Comme le note Radio France Internationale, certains redoutent d’ailleurs un bug similaire à celui craint par le passage à l’an 2000.

 

Les aspects concrets s’arrêtent là.

 

Reste la symbolique, qui a toujours beaucoup d’importance dans la vie politique japonaise.

 

Ce que cache le nom de la nouvelle ère

 

Reiwa est composé de deux signes, «Rei» et «Wa», signifiant «calme ordonné» et «paix».

 

Ce nom propre pourrait ainsi se traduire en français par «harmonie ordonnée».

 

Le gouvernement japonais, dans un communiqué en anglais, a préféré le traduire par l’expression «belle harmonie».

 

Quand les cœurs sont en harmonie, la culture peut fleurir

 

Interrogé sur le sujet, le Premier ministre japonais Shinzo Abe a cité deux vers de poésie pour coller au mieux au sens de «Reiwa» : «Quand les cœurs sont en harmonie, la culture peut fleurir.»

 

Le nouvel empereur, lui, ne s’est pas exprimé sur le sujet.

 

Et pour cause, il n’a pas eu voix au chapitre.

 

En 1989, à la mort d’Hirohito, l’empereur qui a mené le Japon à la Seconde guerre mondiale et qui a perdu tous ses pouvoirs exécutifs en 1947, le Premier ministre Noboru Takeshita a opéré une petite révolution de palais : il a privé le nouvel empereur, Akihito, de la possibilité de choisir le nom de sa nouvelle ère.

 

Depuis plusieurs mois, Shinzo Abe a donc missionné un comité d’experts et, si l’empereur Akihito et son successeur Naruhito ont été consultés, ils avaient interdiction d’émettre un avis public.

 

Le 1er avril, le nom a été dévoilé en grande pompe aux Japonais à l’occasion d’une conférence de presse.

 

Le discours politique derrière les symboles

 

Shinzo Abe a voulu charger en symboles cette étape protocolaire.

 

D’abord, au sujet du nom de «Reiwa».

 

Traditionnellement, le nom d’une nouvelle ère est tirée de la littérature chinoise – l’écriture japonaise a elle-même repris les bases du chinois impérial.

 

Or, «Reiwa» est une expression issue d’un poème du Man-yoshu, la première anthologie littéraire japonaise datée de l’an 760.

 

Shinzo Abe a voulu souligner l’indépendance culturelle de son pays vis-à-vis de son voisin.

 

Rien d’étonnant quand on observe ses positions diplomatiques : il appelle régulièrement à renforcer les défenses militaires de son pays face à la Chine et est en conflit ouvert avec Pékin sur le sort de plusieurs îles situées en mer de Chine orientale.

 

Le printemps vient après l’hiver sévère, ce nom, Reiwa, veut marquer le début d’une période qui déborde d’espoir.

 

Par ailleurs, Shinzo Abe entend célébrer l’avènement du «printemps» avec le début de l’ère Reiwa, comme il l’a expliqué à la presse : «Le printemps vient après l’hiver sévère, ce nom, Reiwa, veut marquer le début d’une période qui déborde d’espoir.»

 

Ce n’est pas une référence à Game of Thrones – série d’ailleurs peu suivie au Japon.

 

En matière de politique économique, Shinzo Abe est aujourd’hui à la croisée des chemins.

 

Pour sortir son pays de la crise, il a appliqué de 2012 à 2017 des thérapies de choc, dévaluant massivement le yen (la monnaie japonaise) et doublant le taux de TVA.

 

S’il a été réélu en 2017 et est devenu en 2018 le Premier ministre à la plus grande longévité, il connaît une défiance grandissante et sa cote de popularité a chuté à 31% quand celle-ci atteignait des sommets (entre 63% et 72%) en 2012-2013.

 

Depuis un an, plusieurs scandales viennent entacher son mandat.

 

Il est soupçonné de favoritisme dans l’attribution à une ville d’une faculté vétérinaire et une enquête est ouverte pour le financement présumé illégal d’une de ses campagnes électorales.

 

La constitution de 1947

 

De plus, sa volonté de rompre avec la Constitution du Japon de 1947 qui empêche toute stratégie de défense militaire créé un vif débat au sein de l’archipel, où des militants révisionnistes et pacifistes s’affrontent régulièrement.

 

Et si le changement venait de Naruhito?

 

Face à lui, le prince Naruhito, bientôt empereur, pourrait avoir une carte à jouer.

 

Officiellement, il n’a aucun pouvoir.

 

Mais il peut parler.

 

Et Naruhito ne s’en prive pas.

 

Si Shinzo Abe espère un printemps dans les sondages le concernant, le nouvel empereur milite d’abord pour changer sa propre institution : il veut ainsi limiter le nombre de cérémonies impériales et entend représenter le Japon à l’étranger à la manière de la famille royale anglaise.

 

Il veut également une modification de la loi de succession afin de permettre à une femme, en l’occurrence sa fille, d’accéder au trône à sa place.

 

Depuis quelques années, le prince s’est aussi invité dans le débat public en martelant l’idée de «regarder avec humilité» le passé.

 

En 2015, il a ainsi eu cette phrase forte : il a appelé les générations qui ont vécu la Seconde guerre mondiale à «transmettre correctement à celles qui ne l’ont pas connue les expériences de l’histoire tragique du Japon».

 

L’usage du terme «correctement», comme le souligne Le Monde, est «une discrète prise de distance des tendances révisionnistes, frôlant le négationnisme, de Shinzo Abe».

 

Gael Vaillant / Journal du dimanche

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