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Pattaya : Vous avez dit « Docteur Fish » ?

Journaliste : Bernard Le Boss
La source : Gavroche
Date de publication : 12/11/2012
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A Pattaya, c’est un peu comme à Paris dans un célèbre grand magasin, il s’y passe toujours quelque chose. La nouveauté en 2011, c’est l’arrivée des « Doctor Fish » venus directement de Turquie par avion-cargo non réfrigéré, car ces animaux aiment les eaux chaudes, et doivent rester vivants.

 

Appartenant à la famille des carpes, ces petits poissons de 8 à 9 cm ne sont pas destinés à un restaurant de sushis, ni au plaisir de l’éphémère, au contraire ils doivent vivre le plus longtemps possible.
C’est donc avec un service de première classe qu’ils voyagent, avec à leurs soins, les plus attentionnées des délicieuses hôtesses de la seule compagnie au monde à offrir de splendides orchidées à ses passagers privilégiés. Je doute toutefois que dans un avion-cargo, mis à part un oxygène de qualité et une bonne température, il y ait eu la moindre fleur pour ces globe-trotters si spéciaux.

 

Le sud ottoman est célèbre pour ses sources thermales. Les eaux richement minéralisées de la région de Pamukkale sont délétères pour la faune aquatique. Mystérieusement, nos curieux poissons s’y complaisent et semblent très friands des peaux mortes des touristes qui viennent patauger dans ce milieu nocif à la vie.
Un dermatologue d’Ankara a alors l’idée d’utiliser ces vertébrés gloutons pour soigner certaines maladies de peau. L’effet est saisissant sur les eczémas et les dermatoses ; bien vite, du monde entier, les malades affluent dans cette région miraculeuse de la Turquie profonde.

 

De la famille des Cyprinidés, ces Garra rufa (c’est leur nom scientifique) ont vite été qualifiés de « Poissons Docteurs ». Ils secrètent une enzyme, le dithranol anthroline, qui a une action desquamante sur le derme, et ainsi la propriété d’agir efficacement sur le psoriasis.

 

DES POISSONS QUI PRENNENT LEUR PIED !

 

Des aquariophiles avisés et malins ont tenté et réussi l’élevage de ces auxiliaires de santé en respectant à la lettre leurs conditions de vie dans les eaux turques. Il faut une température comprise entre 25°C et 37°C, et, bien évidemment, une bonne oxygénation car les poissons pullulent dans chaque bain. Il n’est donc plus besoin de se rendre en Turquie pour ce genre un peu spécial de cure thermale. Des dizaines de micros entreprises sont ainsi apparues à Pattaya et partout dans le royaume, chacune d’elle comptant entre deux et vingt aquariums dans lesquels des centaines de petits poissons attendent impatiemment de prendre leur pied en savourant le vôtre. La séance dure vingt minutes et coûte environ 150 bahts.

 

Il faut d’abord se laver les jambes, sans savon, pour ne pas intoxiquer les Garra rufa, et c’est une charmante et souriante hôtesse qui se charge de cette opération de la plus haute importance. Il ne peut être question d’introduire des germes létaux dans le milieu de vie de ces charmants vertébrés sans risquer de provoquer une hécatombe fatale. Qui aurait pu deviner qu’un simple pied pût devenir une arme de destruction massive ?

 

Ainsi immaculé des extrémités, on s’installe ensuite sur un banc et on trempe ses jambes dans l’eau jusqu’à mi-cuisse. D’abord intimidés par ces corps étrangers pas forcément ragoûtants, quelques spadassins téméraires viennent découvrir le nouvel et étrange environnement. Certains goûtent du bout de la langue quelques lambeaux de peau, alors que la meute, rassurée par les sentinelles, se rapproche furtivement et prudemment de vos deux membres inférieurs. Si on reste immobile, alors c’est vite la curée et, bien sûr, l’effet de succion provoque des chatouilles. On pense aussitôt au supplice de la chèvre dans le lm François 1er.

 

Fernandel se débat férocement, voulant arracher ses liens en se contorsionnant, fou de rire, alors qu’une langue râpeuse et caprine savoure le gros sel que l’on a appliqué sous ses pieds.
Ces dizaines de petits poissons, qui littéralement vous broutent les mollets et les doigts de pied, font penser à une bande de piranhas affamés, bien qu’ils ne fassent qu’effleurer le derme, et qu’heureusement ils ne mangent que les peaux mortes. L’eau du pédiluve reste limpide sans la moindre parcelle d’hémoglobine. Le régime de ces étranges poissons est seulement détritivore.

 

UN MASSAGE AQUATIQUE ET SANS DEMOISELLE

 

L’effet de ces petits ogres sur la peau fait penser au passage d’un léger courant électrique. C’est un peu l’impression que l’on a quand on veut, avec la langue, tester l’efficacité et la rémanence d’une vieille pile plate de 4,5 volts.

 

Cela picote et l’effet est d’autant plus intense que les poissons sont à l’unisson dans leurs légères morsures. Il suffit alors d’agiter ses petons pour faire fuir la horde sauvage et faire comprendre à ces satrapes qu’ils ne sont pas devant l’appétissant cheeseburger d’un fast food quoique l’odeur puisse, chez certains sujets et malgré les ablutions, évoquer quelque fromage aux forts effluves butyriques. Au bout d’un bon quart d’heure, on commence à s’accommoder de toutes ces petites tracasseries : légères morsures, tendres chatouilles, contacts furtifs, petites électrocutions.

 

Bien vite, on ressent une sensation de bien être, de grande relaxation, et les désagréments du début font place à une sorte d’extase, de nirvana, d’hypnose légère, ou de demi-sommeil. On est dans un état second, on n’a plus envie que cela s’arrête. Il se crée une espèce de dépendance, comme sous l’effet d’une drogue nouvelle et étrange, et on prend vraiment son pied alors que des centaines de poissons prennent aussi le leur en grignotant les vôtres.

 

A Pattaya, on pratique depuis longtemps toutes sortes de massage : l’amical, plus connu sous le nom de body body, et le médical, dont les variantes sont nombreuses, comme le massage à l’huile, au talc, traditionnel, ayurvédique, et j’en passe. Ces nouveaux pédiluves avec leurs étranges poissons docteurs s’apparentent à une nouvelle sorte de massage, aquatique et sans demoiselle, avec en bonus l’économie de la nourriture, puisque les poissons dégustent votre chair, et cette délicieuse chère ne coûte vraiment pas cher à l’éleveur. A Pattaya, il faut prendre le temps d’aller voir ces drôles de carpes, et « Carpe diem » comme disait Horace.

 

BERNARD LE BOSS

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