Les électeurs philippins sont appelés aux urnes ce lundi 12 mai pour élire plus de 18 000 représentants, des sénateurs aux conseillers municipaux, dans ce qui s’annonce comme l’un des scrutins les plus polarisés de l’histoire récente du pays. Loin d’un simple renouvellement démocratique, cette élection de mi-mandat prend des allures de référendum sur l’avenir politique des deux clans dominants : celui du président Ferdinand Marcos Jr. et celui de la vice-présidente Sara Duterte.
Jusqu’à récemment alliés au sein du bloc « UniTeam », les deux dirigeants, élus ensemble en 2022, se livrent désormais une bataille frontale. Chacun soutient sa propre liste sénatoriale, transformant le scrutin en un affrontement par procuration. Une fracture devenue irréversible depuis mars 2024, lorsque Sara Duterte a pris part à une manifestation réclamant la démission de Marcos Jr. Trois mois plus tard, elle quittait son poste de ministre de l’Éducation, claquant définitivement la porte du gouvernement.
La tension est montée d’un cran en février dernier, lorsque la Chambre des représentants — largement acquise au président — a voté la mise en accusation de la vice-présidente pour corruption présumée. Peu après, un autre événement est venu bouleverser l’opinion publique : l’arrestation de l’ancien président Rodrigo Duterte, père de Sara, pour crimes contre l’humanité dans le cadre de sa violente « guerre contre la drogue ». Une arrestation opérée à la demande de la Cour pénale internationale, qui a ravivé les clivages au sein de la population.
Un électorat massif et diversifié
Au 23 janvier, la Commission électorale recensait plus de 68,4 millions d’électeurs inscrits, dont une majorité de femmes (51 %). Les jeunes de 18 à 25 ans représentent près d’un cinquième du corps électoral, tandis que les seniors de plus de 60 ans constituent 16,8 % des votants. La diversité des profils est notable : près de 500 000 personnes en situation de handicap et plus de 950 000 membres des peuples autochtones pourront participer au vote.
Autre nouveauté de taille : pour la première fois, les électeurs philippins de l’étranger peuvent voter en ligne. Depuis le 13 avril, environ 1,2 million d’électeurs expatriés sont invités à voter par internet ou dans l’un des 16 postes diplomatiques habilités. Au 3 mai, plus de 134 000 d’entre eux s’étaient déjà enregistrés. Cette innovation, saluée par les autorités électorales, vise à élargir la participation.
Un appel au calme et à la responsabilité
À la veille du scrutin, le président Marcos Jr. a adressé un message solennel à la nation, appelant ses compatriotes à voter dans le calme et le respect. « Utilisons notre droit et accomplissons notre devoir en tant que citoyens philippins », a-t-il déclaré. « Nos opinions peuvent différer, mais cela fait partie de l’esprit de la démocratie. L’avenir se joue dans les urnes, pas dans la rue, ni dans la violence. »
Dans un climat de crispation politique, ce scrutin s’annonce déterminant pour l’équilibre des pouvoirs. Il pourrait redessiner les alliances, mais aussi affermir ou affaiblir les dynasties qui dominent la scène politique philippine depuis des décennies. Une chose est certaine : le vote de ce 12 mai marquera un tournant décisif pour la démocratie du pays.
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