Une chronique siamoise et sociétale de Patrick Chesneau
Qui ne le voit au premier coup d’œil ? Cette image a beau circuler abondamment sur tous les réseaux sociaux, elle n’est pas crédible. On assiste tout simplement à une méprise culturelle. Le but est noble. L’intention, louable. Elle vise à promouvoir la paix, l’entente, la concorde, la jovialité plutôt que la guerre, l’animosité, la rivalité et la haine. Faudrait-il encore qu’elle dépeigne une scène plausible ?
Deux petites filles issues l’une et l’autre de la grande civilisation du Sud-Est asiatique ne se serreraient pas la main. Presque instinctivement (si cela peut s’appliquer aux cultures, coutumes et modes de vie qui sont une construction humaine, anthropologique), les fillettes se salueraient par un wai. Le salut traditionnel, les mains jointes à hauteur de poitrine, sans contact physique. Spontanément.
Ce geste qui dit à la fois bonjour, bienvenue et enchanté est commun aux peuples de Thaïlande et du Cambodge. C’est un mode de communication partagé. Presque inné côté siamois et côté khmer.
Certes, la poignée de main existe. Elle revêt alors une signification particulière, soulignant le caractère officiel et symbolique d’une rencontre protocolaire.
Ce fut le cas à Putrajaya, en Malaisie, lorsque deux Premiers ministres venus, l’un de Bangkok et l’autre de Phnom Penh, ont signé un accord de cessez-le-feu mettant fin, sur le papier, à cinq jours d’affrontements armés.
Mais, entre deux très jeunes filles qui veulent se témoigner [de l’]amitié, le wai est une évidence, un réflexe né de l’éducation reçue en famille et à l’école. Un habitus social.
Patrick Chesneau
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J’y apporte ma petite touche rapide en tant que “vieux” et touriste assidu et régulier. Cette photo, malgré son aspect de fraternité ou de réconciliation, cher à tout être civilisé, ne relève pas l’authenticité. J’aurais préféré une main jointe sur la poitrine doublé d’un sourire. Quand à l’IA et à leurs multiples robots, c’est très loin d’être encore crédible. J’aurais préféré un vulgaire dessin ou la quintessence d’une vraie photo.
Il y aura toujours un commentateur sans nom pour défendre l’auteur de ces tableaux nostalgiques. C’est touchant, ces petites complicités entre compères improvisés. À moins que… ?
Bon, je vais arrêter de me faire du cinéma toute seule dans ma tête, j’ai un gâteau qui crame.
Pour les vieux messieurs : https://www.gavroche-thailande.com/thailande-chronique-la-nuit-bangkokoise-cette-friandise/
Votre gâteau est bien “cramé” comme vous dites mais pas seulement lui .. Dans l’attente de lire vos futures “chroniques “fouillées” débarassées de leurs pré-supposés délirants. Gavroche, à n’en pas douter, accueillera vos enquêtes et analyses singulièrement sur ces obsédents “vieux messieurs” dont , à vous lire, vous semblez être experte … ça risque d’être du “gâteau” ….
Les études post-coloniales peuvent conduire à des erreurs de lecture, à moins que ce ne soit une “myopie idéologique“. À la lecture de la chronique, un(e) décolonialiste lira : ”Le waï est une évidence, un réflexe né de l’éducation”. Inutile d’aller plus loin, on a récolté la “semence”, l’objet du “délit”.
Un lecteur non atteint de myopie et éventuellement ”vieux monsieur” (une dame ? Non ! À la lecture décolonialiste, il faut ajouter la pointe “néo-féministe”) ”resté trop longtemps – ici – “ ira plus loin dans la lecture et pourra lire : ”Le waï est une évidence, un [réflexe] né de l’éducation reçue en [famille], à l’école”. Et pour enfoncer le clou bourdieusien, un “habitus” social.
Tronquer la phrase accréditerait l’idée que la pratique du “waï” serait la marque d’une éducation, la seule, la “bonne”. La suite de la phrase permet-elle cette interprétation ?
Mais surtout, qu’est-ce qui vous autorise à suggérer une forme de censure sur le contenu du journal ? : “Ce billet a-t-il VRAIMENT sa place dans vos pages”, est-il dit en forme d’accusation au tribunal d’une quelconque censure.
Et qu’appelez-vous ”article fouillé” ? Certainement pas par des “vieux messieurs” “restés trop longtemps ici”…
Le mardi, je suis tombée sur une phrase qui m’a fait tiquer dans un groupe Facebook : « Pour sceller la paix, quoi de mieux qu’une bonne poignée de mains à l’occidentale ? » C’est un genre de rhétorique qu’on connaît bien en études postcoloniales, qui transforme un geste situé en norme universelle. On appelle ça de l’ethnocentrisme structurel.
Le jeudi, dans Gavroche, le même auteur déclare que « le wai est une évidence, un réflexe né de l’éducation ». J’avoue que ça m’a un peu dérangée. C’est comme si les gestes asiatiques devenaient juste des réflexes. Comme s’il n’y avait plus qu’une habitude automatique, sans conscience.
Je vous cacherai pas que les commentaires réguliers de certains vieux messieurs installés ici depuis trop longtemps me tombent un peu sur le cœur, mais j’aime bien Gavroche, je le lis souvent. Je me demande si ce genre de billet a vraiment sa place dans vos pages. Ce n’est pas ce que j’appellerais un article fouillé. Et, pour être honnête, ça n’apporte pas grand-chose.