Près de 100,000 « chemises rouges » étaient positionnées hier soir devant le Palais du gouvernement pour réclamer la démission de l’actuelle coalition au pouvoir emmenée par le démocrate Abhisit Vejjajiva. Si le nombre de participants était élevé, le succès reste relatif pour les organisateurs qui espéraient donner le coup fatal lors de ce « grand jour » où plus de 300,000 personnes étaient attendues.
Soixante bahts la casquette « Red of the world », 100 bahts le tee-shirt« Truth today », 150 bahts le massage: c’est dans une ambiance de marché gigantesque – des tentes, ça et là, installées sur les trottoirs – que s’est déroulée la manifestation. Jack, de Yala, est venu avec ses amis: « Je ne suis pas intéressé par la politique mais regardez, je porte un tee-shirt rouge, je vends des brochettes de poulet et c’est ma vente de l’année! ». C’est dans une ambiance décontractée et quelque peu « marchande » que les partisans de l’opposition se sont retrouvés hier soir pour manifester leur mécontentement à l’égard du gouvernement et de certains membres du Conseil privé du roi, dont le général Prem Tinsulalonda, cible de la manifestation. Loin des discours rageurs habituels, les leaders se sont cette fois-ci livrés à une sorte de meeting électoral alternant brèves allocutions et concerts de musique traditionnelle. Un moyen de maintenir l’attention de la foule venue de toutes les provinces du royaume. C’est dans une ambiance de fête que certains dansaient et que d’autres chantaient.
Côté coulisse, la détermination était néanmoins bien présente. « Nous resterons ici jusqu’à ce que nous ayons obtenu gain de cause ! » lâche un supporter. Pour Thanaphong Sarika, Bangkokois de 19 ans, l’ancien Premier ministre à sa place au gouvernement: « Je voudrais que Monsieur Thaksin soit le Premier ministre car il a fait beaucoup de choses pour le pays et pour les gens, comme le projet de soigner tous les malades avec 30 bahts. » Selon Kullaya Phenphun, d’Ayutthaya, les objectifs de la manifestation sont triples: « Nous voulons que Prem (Tinsulalonda) démissionne, que l’Assemblée Nationale soit dissolue, et que de nouvelles élections soient organisées. Tant que ces conditions ne seront pas réunies, nous continuerons à manifester! », s’exclame la manifestante.
«Prem, c’est un peu le Richelieu de Thaïlande»
Comme de coutume lors des manifestations de ces derniers mois, la police s’est montrée très discrète tout au long de la journée. Quant à l’armée, si les troupes semblaient absentes, certains affirment avoir aperçu de nombreux hélicoptères dans les airs, « venus constater l’ampleur du mouvement ».« Depuis l’avenue Rama V jusqu’au palais du gouvernement, les rues ne sont qu’une immense marrée rouge », s’enthousiasme Sean Boomprakong, analyste politique, proche des rouges de l’Alliance Démocratique contre la Dictature (DAAD).
Thaksin, qui s’est exprimé aux alentours de 20h30 lors d’une nouvelle vidéo conférence, a approuvé cette initiative: “Ce combat n’est pas pour moi. Il est dédié à notre pays, notre peuple, et les générations futures. Nous voulons une Thaïlande où la liberté, l’égalité et la fraternité sont respectées” a-t-il déclaré en anglais (1).
La soirée a donc clôturé une journée mouvementée, avec notamment, le déplacement du cortège vers la maison du président du Conseil Privé du roi, Prem Tinasulanonda, accusé par Thaksin d’avoir pris une part active au coup d’Etat de 2006. Le conseiller est par ailleurs également accusé de ne pas prendre la mesure exacte de sa fonction au sein de l’appareil d’Etat et de jouer de son influence auprès du gouvernement: «Prem veut jouer à la fois un rôle de conseiller du roi et de premier ministre» s’insurge un manifestant. Sean Boompracong ajoute: «Prem est, en quelque sorte, le Richelieu de Thaïlande».
Angélique Berhault et Olivier Simon
