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THAÏLANDE – CORONAVIRUS, Les déchets plastiques, grands gagnants du confinement

Journaliste : Alexandra Colombier
La source : Gavroche
Date de publication : 31/05/2020
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Nous l’avons tous constaté: le confinement a été une période reine pour les achats de nourriture rapportés chez soi…dans des sacs plastiques bien peu compatibles avec la défense de l’environnement. Oui, de ce point de vue, le confinement a rimé avec pollution même si, pour l’atmosphère, l’arrêt des usines s’est avéré très bénéfique. Et si l’on évitait désormais les sacs plastiques à usage unique ?

 

Une enquête d’Alexandra Colombier

 

En janvier 2020 la Thaïlande interdit le plastique à usage unique, une très bonne nouvelle ! Mais c’était sans compter la crise sanitaire mondiale que nous connaissons aujourd’hui avec la Covid-19, qui a vu le grand retour du tout plastique. Un problème qui pourrait durer longtemps, très longtemps.

 

Une interdiction de courte durée puisque la pandémie de coronavirus a changé les nouvelles habitudes des thaïlandais. Avec la fermeture des centres commerciaux, des restaurants, la mise en vigueur des règles d’hygiène et l’inquiétude qui résulte de la crise sanitaire, la population a de nouveau recourt au plastique à outrance. D’après l’Institut Thaïlandais de l’Environnement (TEI), la quantité moyenne de déchets plastiques est passée de 2 120 tonnes par jour en 2019 à environ 3 440 tonnes par jour entre janvier et avril 2020. La hausse au cours du seul mois d’avril a été de près de 62%.

 

Fléau omniprésent

 

Le plastique, un fléau omniprésent dans la vie de tous les jours : emballages à usage unique, contenants de toutes sortes, ustensiles et accessoires présents dans tous les aspects de la vie humaine, le plastique est partout.

 

Cependant une prise de conscience générale se met en place un peu partout dans le monde, mais ça c’était dans le monde d’avant…

 

Une prise de conscience récente

 

La Thaïlande fait partie des pays les plus pollueurs en termes de plastique. Selon une étude de 2017 par l’ONG Ocean Conservancy, cinq pays d’Asie (Chine, Indonésie, Philippines, Vietnam et Thaïlande) sont responsables de plus de la moitié des tonnes de plastique rejetées tous les ans dans les océans – pollueurs par eux-mêmes, mais également pollueurs contre leur gré : l’Asie du Sud-Est étant connue pour être la poubelle de l’Occident.

 

Le plastique est devenu l’ennemi public numéro 1 pour de nombreux pays du monde et la Thaïlande en fait partie depuis peu.

 

C’est un sujet largement débattu depuis quelques années en Asie du Sud-Est, notamment depuis le détonateur chinois qui décide d’interdire les importations de 24 types de déchets non recyclables en janvier 2018. La Thaïlande semble également prendre conscience de l’urgence et d’une remise en question de cette utilisation abusive du plastique.

 

Vitesse supérieure

 

En effet, en janvier 2020 le gouvernement thaïlandais décide de passer à la vitesse supérieure en interdisant les sacs plastiques dans les principales enseignes du pays.

 

Cette interdiction est l’une des actions du programme pour la lutte contre la pollution plastique en Thaïlande. Un plan sur 20 ans – couvrant la période 2018-2030 – est mis en place par le Ministère des Ressources Naturelles et de l’Environnement, en charge de l’application du programme de Gestion des Déchets Plastiques. L’objectif est de faire disparaitre la majorité des produits plastiques à usage unique.

 

Le grand retour du plastique à usage unique

 

Problème: les nouveaux modes de consommation que la Thaïlande tente de mettre en place ont été totalement bouleversés par la crise du Covid-19 alors qu’ils étaient encore à l’état embryonnaire. Le plastique fait son grand retour : augmentation des commandes de produits préemballés, utilisation massive de gants et masques jetables, explosion des bouteilles individuelles, retour des produits sur-emballés et installation de vitres en plexiglas dans les commerces et services.

 

L’un des secteurs qui accentuent largement ce fait est la restauration. Ébranlés par la crise, les restaurants ont dû s’adapter, souvent dans l’urgence. La plupart ont choisi de développer un menu de vente à emporter et/ou livraison à domicile via Grab, Food Panda, Line Man ou indépendamment de ces applications de restauration à domicile.

 

Selon Siwat Luangsomboon, directeur général adjoint du Kasikorn Research Center, le secteur de la livraison des produits alimentaires a augmenté de 33% en un peu plus d’un mois pour atteindre environ 4,5 milliards de bahts (environ 127 millions d’euros).

 

Le service de livraison Line Man, propriété de l’application de chat japonaise Line Corp, a vu le nombre de commandes augmenter de 300% depuis le début de la quarantaine à Bangkok.

 

Grab, une autre application basée à Singapour, annonce une croissance de 400% de ses activités de livraison de nourriture dans la semaine après le début de la quarantaine.

 

Foodpanda Thailand déclare avoir vu ses commandes augmenter de 50% en mars par rapport à février, avec une hausse de 10% en avril.

 

Rien de bon pour l’après

 

Le comportement des consommateurs et l’urgence pour les commerces de survivre accentuent défavorablement l’utilisation du plastique. Une seule livraison peut contenir une quantité aberrante de plastique tels que des récipients, des sachets d’assaisonnement, des porte-boissons, des couverts et souvent des petits plus marketing. Exit l’interdiction du plastique à usage unique. Son utilisation est aujourd’hui plus que la norme, c’est une condition de confiance dans le produit.

 

Et cela ne présage rien de bon pour l’après. Comme le remarque Wijarn Simachaya, président de l’Institut Thaïlandais de l’Environnement : « les progrès que nous avons réalisés dans la campagne contre le plastique à usage unique sont revenus à la case départ. »

 

Des conséquences sur le long terme

 

La Thaïlande est encore loin d’un mode de vie zéro déchet ou faible en teneur plastique – cela reste limité à un petit groupe de personnes. Le plastique étant largement utilisé par les populations plus démunies, car le plastique reste un produit bon marché – ces dernières années des campagnes anti plastiques ont tout de même réussi à sensibiliser une partie de la population thaïlandaise aux problèmes environnementaux. Mais cette prise de conscience déjà fragile risque d’être amplement ébranlée et on peut s’inquiéter de ce phénomène sur le long terme.

 

Crise environnementale

 

Le plastique est depuis la crise du Covid-19 vanté pour ses “effets barrière” (que ce soit en Thaïlande ou dans le reste du monde) et des vieux automatismes qui voudraient que le plastique à usage unique soit plus pratique et hygiénique réapparaissent.

 

Face à cette crise environnementale, le Ministère des Ressources Naturelles et de l’Environnement et le Réseau des Entreprises Responsables de Thaïlande (TRBN) ont lancé, en avril 2020, le projet Song Plastic Klap Ban (« renvoyer le plastique à la maison ») qui encourage les ménages à trier leurs déchets et visent également à une meilleure gestion des déchets établissant des points de dépôt avec les partenaires du projet. Les magasins et supermarchés le long de Sukhumvit Road (tels que On Nut Tesco Lotus ou Gourmet Market dans le centre commercial Em Quartier) serviront de lieux de dépôt pour les déchets plastiques. Ils seront ensuite transportés vers un centre de recyclage.

 

Selon le Département de la lutte contre la pollution, seulement 25% du plastique est recyclé tandis que le reste est principalement du plastique à usage unique et se retrouve souvent dans des décharges ou dans des cours d’eau. Ce pourcentage risque d’être revu à la hausse dans les prochaines années.

 

Il y a un besoin évident d’une prise de conscience collective et rapide.

 

La Thaïlande commence aujourd’hui à assouplir la quarantaine et certains commerces, mieux préparés, proposent des solutions biodégradables. Mais il est encore prématuré de dire si le niveau de déchets plastiques va baisser dans les mois à venir.

 

Si la pandémie s’atténue, l’usage du plastique ne s’atténue que très peu et devient un dommage collatéral de la crise sanitaire.

 

Pour rappel la durée de vie d’un déchet plastique dans la nature est d’environ 450 ans.

 

Alexandra Colombier

 

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