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THAILANDE – SOCIETE: Etudes supérieures : choisir la Thaïlande, une bonne idée ?

Journaliste : Holden Raynaud, Régis Levy, Kwanthida Jearramas
La source : Gavroche
Date de publication : 28/05/2018
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Faire ses études supérieures en Thaïlande n’est pas une évidence. Seuls quelques dizaines d’étudiants français traversent le globe chaque année une fois le bac en poche pour y poursuivre leurs études. Alors, pourquoi venir faire ses études supérieures au Pays du Sourire ? Quelle est l’offre proposée ? Quels débouchés ? Gavroche a enquêté.

 

Louise, 22 ans, est en deuxième année de licence en art et communication à la Bangkok University, l’une des universités privées les plus réputées de la capitale. Contrairement à la plupart de ses camarades, une fois son bac en poche, elle n’a pas souhaité rejoindre la France, préférant rester près de sa famille installée en Thaïlande depuis une dizaine d’années. Un choix qu’elle ne regrette pas et qu’elle partage avec trois autres étudiants français de son université.

 

Pour Xaynaly, Française d’origine laotienne, qui a obtenu son bac S au prestigieux lycée Carnot à Paris, le choix s’est imposé. Après la séparation de ses parents, elle a suivi sa mère à Bangkok où elle a poursuivi des études en physiologie médicale, d’abord à l’université Mahidol, puis à la faculté de l’hôpital Siriraj. Son master en poche, elle espère intégrer aujourd’hui une multinationale française présente en Thaïlande.

 

Laurent, chef d’entreprise belge de 32 ans, a quant à lui réalisé un semestre d’échange à l’université Chulalongkorn lorsqu’il étudiait à Solvay, une école de commerce rattachée à l’université libre de Bruxelles. Attiré par l’Asie, il s’est installé en Thaïlande après ses études et a monté son entreprise d’électronique, tout en donnant des cours de marketing publicitaire dans les sections internationales de différentes universités thaïlandaises.

 

Tous les trois sont unanimes : on ne vient pas en Thaïlande uniquement pour ses études, car la qualité des cursus proposés et la valorisation des diplômes au-delà des frontières du royaume ne peut le justifier. Il y a ainsi toujours une autre raison – personnelle, familiale, professionnelle – qui justifie ce choix.

 

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« Toutes les demandes que nous avons reçues concernaient des étudiants qui suivaient leurs parents », constate Stéphane Roy, attaché de Coopération scientifique et universitaire à l’ambassade de France à Bangkok, qui pointe par ailleurs le « manque d’attractivité » du pays. « Pour être honnête : la qualité de l’enseignement thaïlandais à l’heure actuelle n’est pas au rendez-vous, même dans les grandes universités. D’autant plus que, contrairement au système universitaire français, les études en Thaïlande sont payantes. »

 

Malgré ce constat pessimiste, l’évolution des chiffres le montre : l’internationalisation est en marche. Si en 2007 la Thaïlande remettait environ 135 diplômes en langue anglaise, elle en a délivré près de dix fois plus en 2017. Et de plus en plus d’universités proposent aujourd’hui des programmes tournés vers l’international – Thammasat, Mahidol, Kasetsart ou encore la Bangkok University pour ne citer que les principales.

 

Pour l’attaché universitaire de l’ambassade de France, deux raisons à cela : « Les programmes internationaux sont sources de revenus non négligeables et la Thaïlande est confrontée à un déclin démographique. Si ses universités veulent survivre, il faut qu’elles se réinventent et attirent du monde de l’extérieur. »

 

Une phase de transformation qui prend du temps. Élaboration de programmes, adaptation des structures, recrutement des professeurs pour ces nouveaux cursus 100% anglais : le royaume accumule du retard. Seulement 20 000 étrangers suivraient aujourd’hui des études supérieures en Thaïlande (150 000 à Singapour et 320 000 en France), un quart d’entre eux provenant des pays voisins (Cambodge, Birmanie, Laos, Vietnam).

 

Les Français représentent moins de 1% du total, et quelques dizaines seulement si l’on ne prend pas en compte les étudiants en échange universitaire. Quel parcours choisir ? En Thaïlande, les études internationales sont regroupées dans des sections généralement appelées « International College », rattachées aux universités, où étudiants thaïlandais et étrangers suivent un cursus en anglais.

 

S’il y a un élément à savoir avant de venir étudier en Thaïlande, c’est le choix du campus.Il est déterminant et les niveaux peuvent fortement varier selon les universités. Xaynaly, l’étudiante du lycée Carnot venue faire sa licence et son master en Thaïlande, s’est aidée des nombreux classements internationaux existants pour « chercher les universités qui offraient les meilleures formations pour les étrangers ».

 

Pour Laurent, qui a fait un semestre en échange, le choix fut simple du fait des accords entre son école en Belgique et l’université d’accueil en Thaïlande. « J’ai intégré l’université Chulalongkorn, partenaire de mon école. Je m’étais renseigné et connaissais la qualité de leur enseignement. L’université était très bien notée dans les classements officiels à l’époque. »

 

D’autres critères permettent de bien choisir sa formation : le nombre d’étudiants étrangers, les critères de sélection, l’ancienneté du programme et la nationalité des professeurs, entre autres. Quant aux cursus proposés, ils sont vastes – ingénieur, commerce, médecine, communication… – et couvrent globalement les mêmes champs d’études qu’en France.

 

Le fonctionnement des universités est quant à lui basé sur le système anglo-saxon et est à ce titre très différent du système français par exemple. Ainsi, la licence dure quatre ans (contre trois en France), auxquels il faut ajouter quatre ans pour le master. Chaque année d’études est divisée en trois trimestres.

 

Et il est courant pour les étudiants thaïlandais de quitter l’université après la licence pour une première expérience professionnelle, avant de faire un master. Ce qui a surpris Laurent : « Lors de mon semestre d’échange, mes camarades, qui étaient presque tous thaïlandais, étaient de trois ou quatre ans plus âgés que moi.»

 

Il est préférable de faire ses études supérieures en Thaïlande si l’on veut y travailler ensuite.

 

Une autre conséquence de cet enseignement anglo-saxon est la proximité. « Il y a beaucoup plus d’interactions avec les autres étudiants ou professeurs que ce que j’ai connu en Europe », admet l’ancien étudiant belge en Thaïlande. Si les étudiants en provenance de l’Hexagone ou de lycées français à l’étranger ont éprouvé peu de difficultés pour réussir leurs examens, ce constat est à nuancer pour le master, que très peu d’étrangers poursuivent.

 

« Le Master, c’était plutôt difficile car l’on sentait beaucoup plus la différence culturelle. Les étudiants étaient presque tous thaïlandais », explique Xaynaly, l’ancienne étudiante française en physiologie médicale. Le contexte agréable des études et le cadre plaisant sont pourtant – et à l’unanimité – une source de satisfaction pour les étudiants, même si certains ont parfois besoin d’un peu de temps pour s’adapter.

 

Côté diplômes, le bac français est un sésame nécessaire pour s’inscrire à un cursus thaïlandais, mais pas suffisant. Il doit être complété par un test d’anglais agréé internationalement (TOEFL, SAT…), en fonction des formations. Et dans quelques cas, comme à Thammasat par exemple, l’université d’accueil fera elle-même passer un test d’anglais et de compétences dans la matière souhaitée afin de déterminer le niveau où l’étudiant sera inscrit.

 

Enfin, le coût des études est assez élevé dans les sections internationales des universités thaïlandaises, comparé aux cursus classiques. Une remarque qui est d’ailleurs la même pour les universités françaises. Il faut ainsi compter de 50 000 à 80 000 bahts par trimestre, soit 150 000 à 240 000 bahts par an.

 

Mais certaines universités publiques proposent toutefois des tarifs plus abordables, comme a pu le constater Xaynaly : « Pour ma licence à Mahidol, il fallait régler 80 000 bahts par trimestre, sur une durée de 4 ans. Mais pour mon master à la faculté de Médecine de l’hôpital Siriraj (rattachée à l’université Mahidol, ndlr), nous étions plus proches de 6000 à 7000 bahts par trimestre ».

 

Etudier, et après ?

 

Le principal défaut que présentent aujourd’hui les cursus internationaux thaïlandais est justement qu’ils manquent de reconnaissance au niveau international. Encore à la traîne au niveau des classements mondiaux, Mahidol, la première, n’apparaît qu’à la 500ème des récents « World University Rankings ».

 

« Bangkok University est classée 4397e sur le plan de l’excellence et 2967e sur le plan de l’impact, constate Louise. C’est plus évident concernant Chulalongkorn, Thammasat, Silpakorn ou Mahidol, qui forment l’élite des universités thaïlandaises. Je sais que certaines universités de province comme la Chiang Mai University ou l’université de Khon Kaen ont également très bonne réputation. Mais il m’est difficile pour l’instant d’évaluer la valeur à l’étranger du diplôme que je prépare, ou de savoir si je devrais allonger la durée de mes études. »

 

Attirer et recruter des étudiants étrangers est un long processus, et les programmes internationaux, du moins au début, souffrent souvent d’une « sélection très large et de niveaux disparates », comme le souligne Laurent qui a assisté aux premières années du programme international de la Bura-phai University, à Chonburi.

 

Les étudiants français ayant obtenu leur diplôme universitaire en Thaïlande le reconnaissent : leur valeur en Europe est encore très faible. Xaynaly en a fait l’expérience après son master. « J’ai voulu rester en Thaïlande et me rapprocher de la France, en postulant à des VIE, mais cela n’a pas été concluant jusqu’à présent, car je pense que les recruteurs étaient en France et ne connaissaient pas mon diplôme », regrette-t-elle.

 

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Etre diplômé d’une université thaïlandaise semble ainsi cantonner le jeune actif à exercer en Thaïlande, ou en Asie du Sud-Est. « Si l’on veut se spécialiser sur l’Asie, oui, c’est une excellente idée. Mais si l’on veut un grand diplôme, et reconnu, alors ce n’est pas une bonne option », insiste Laurent.

 

Une note d’espoir : la différence dans les méthodes d’enseignement peut s’avérer salutaire pour ceux qui ont du mal avec les méthodes pratiquées en France, comme en témoigne l’ancien élève de Solvay. « Je connais des personnes brillantes qui ont un problème avec l’autorité et la concentration et qui ont raté leurs études en Europe alors qu’elles auraient pu les réussir ici, où la méthode est différente, pense-t-il. Même si le niveau d’exigence aux examens est moins élevé, les cours sont de bon niveau et on peut beaucoup plus échanger qu’en France. Pour certains, ce mode d’enseignement correspond bien mieux à leur profil et ils pourraient s’épanouir ici. »

 

Partant de loin, l’enseignement supérieur thaïlandais a encore un long chemin à parcourir pour se rendre visible sur la scène internationale et attractive sur le marché très concurrentiel de l’éducation. Un des raccourcis possibles pour y parvenir réside dans les partenariats bilatéraux, comme certaines universités l’ont compris. L’Essec, une des plus prestigieuses écoles de commerce françaises, est notamment partenaire avec Mahidol pour des échanges d’étudiants. A terme, la création d’un double diplôme entre les deux établissements serait un coup de pouce pour la reconnaissance du cursus thaïlandais, même si rien n’est actuellement envisagé.

 

Autre piste, les établissements étrangers qui ont ouvert des antennes en Thaïlande, comme la Stamford International University, ramification de l’université anglaise du même nom. Une manière intelligente de combiner études en Thaïlande et reconnaissance du diplôme en profitant du rayonnement et de la renommée de l’institution anglophone.

 

Xaynaly, elle, estime qu’« il est préférable de faire ses études supérieures en Thaïlande si l’on veut y travailler ensuite. Sinon, je ne le conseille pas. En tout cas pas encore. » Pour elle, la solution est trouvée : les profils comme le sien sont très recherchés par les sociétés françaises implantées localement, et qui privilégient des jeunes diplômés pouvant faire le pont entre deux cultures.

 

La jeune femme a elle-même postulé pour rentrer chez BioMerieux. Laurent, lui, a fait un autre choix et a monté son entreprise spécialisée dans l’électronique à Chonburi. Ses principaux clients sont français. L’ancien élève de Chulalongkorn où il a passé un semestre, donne également des cours dans plusieurs universités du royaume. Tout cela n’aurait pas été possible sans son immersion préalable en tant qu’étudiant.

 

Faire ses études en Thaïlande, c’est donc avant tout avoir une histoire avec le pays. Ou le souhaiter. Et, très souvent, cette histoire se poursuit au-delà des études. Combiné à l’esprit d’ouverture à la double culture des étudiants internationaux, le jeune diplômé aura un avantage indéniable sur le marché du travail local, voire régional. « L’Asie, c’est l’avenir », conclut Laurent.

 

Holden Raynaud (avec Régis Levy et Kwanthida Jearramas) (http://www.gavroche-thailande.com)

 

Cet article a été publié dans le Gavroche d’avril dernier, n° 282, disponible ici

 

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