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THAÏLANDE – SOCIÉTÉ : Le culte des aînés

Journaliste : Orianne Bosson
La source : Gavroche
Date de publication : 06/08/2020
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Il est discret et silencieux, se déplace à pas feutrés dans sa vieille échoppe presque vide. Il restera assis presque toute la journée, lira quelques journaux, haranguera les habituelles connaissances qui passeront devant sa porte. Peut être son vieil ami le rejoindra pour une partie de dames. Egrainant ainsi ses journées, il n’attend rien, il est là, puits de savoir et de sagesse. Les enfants rentreront bientôt de leur tumultueuse vie de travail et ses petits-enfants se chamailleront au retour de l’école. Il est âgé, les autres l’écoutent et le respectent.

 

C’est ainsi que les choses se font en Thaïlande. La famille se doit de prendre en charge les aînés. Dès leur plus jeune âge, les enfants sont éduqués au culte des anciens. Tout dans la société démontre l’importance de la hiérarchisation. Le « waï » s’exprime en fonction du respect que l’on doit aux plus âgés, ainsi que les préfixes nominatifs « nong » et « pi ».

 

Ici, la vieillesse est valorisée par la sagesse, le chemin de l’existence parcourue, le don de vie fait aux enfants et la transmission du savoir. Quelle différence avec notre civilisation occidentale où vieillesse rime avec obsolescence ! En Thaïlande, il est encore tabou de parler de maison de retraite.

 

Elles sont peu nombreuses et les hospices s’adressent aux sans familles, aux abandonnés, aux malchanceux des mauvais karmas. Tant qu’il peut, l’aîné joue un rôle important au sein de la famille. Les femmes âgées s’occupent des jeunes enfants et des tâches ménagères. Les hommes contribuent à maintenir les liens sociaux avec la communauté.

 

Mais voilà que l’air va plus vite que la musique. L’OMS, la Banque Mondiale, les observateurs sociaux allument les warning. En peu de temps, la Thaïlande est devenu un pays vieillissant. La baisse de la fécondité et l’augmentation de l’espérance de vie ont modifié la courbe démographique. Près de 14% de la population a plus de 60 ans en 2017, une tranche qui montera à 20% en 2025 et 30% d’ici à 2050. Au milieu des années 60, l’espérance de vie d’un homme était de 52 ans, elle est de 70 ans aujourd’hui et compte tenu des progrès, elle ne cesse de s’allonger.

 

Alors que le vieillissement de la population est un énorme défi pour la Thaïlande, les enfants restent la principale source de revenus des personnes âgées. La pression sur les familles pourrait devenir insoutenable. Depuis 2011, un fonds de pension a été mis en place, qui contribue au versement de pensions de retraite aux travailleurs affiliés au système de sécurité sociale et aux plans d’épargne.

 

Du point de vue occidental, nous percevons rapidement les limites du système proposé. Ce plan A ne tiendrait que si le nombre des cotisants augmentait de façon significative. Compte tenu de la forte baisse de fécondité, seul un fort afflux de travailleurs immigrés affiliés au système de cotisation permettrait d’inverser la tendance. Mais le mode de pensée asiatique a un plan B : « vieillir en restant actif ».

 

Dans les pays occidentaux, on repousse l’âge de la retraite et l’individu se soumet au système social, qui cloisonne ses capacités et sa volonté à travailler encore, peut être différemment, mais encore.

 

En Thaïlande, l’Eldorado de la retraite, la récompense d’années de travail ne marque pas les esprits habitués au « Ici maintenant ». Mise en place tardivement, la pension de vieillesse n’est pas considérée comme un dû.

 

Le gouvernement lance des campagnes de remise en forme, de gymnastique, d’hygiène de vie, facilite l’accès aux soins pour les séniors. On les implique plus encore dans la vie économique, sociale, civique. Pour que les gens restent actifs en prenant de l’âge, il faut repenser leur place et leur rôle dans la société. Tant que le système intergénérationnel fonctionne, il est encore temps de mettre en place une nouvelle approche de la vieillesse. On doit avoir l’âge de ses artères et se tenir actif, efficace et rentable. L’éternelle jeunesse est bien entendu un mythe et plus qu’à son corps, il faudra que les nouveaux séniors s’attèlent à ne pas perdre la tête, en s’adaptant à leurs nouvelles places dans une société sans cesse en évolution. Les anciens suppléeront alors au manque de jeunes actifs. Ils resteront le lien entre le présent et le passé, mémoire de l’évolution. Ce sont les invités de marque du défi de l’avenir de ces pays émergents mais vieillissants.

 

Oriane Bosson

 

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