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THAÏLANDE – TOURISME: Phuket Town le trésor réhabilité

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 22/04/2020
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La ville de Phuket est la capitale administrative de l’île située au « far west » du Siam, que l’on appelait jadis Jung Ceylon. Ici, pas de plage idyllique aux eaux turquoises, pas de nuits tonitruantes habitées de créatures spectaculaires : Phuket-Town se veut discrète, presque secrète. Elle garde en son cœur l’histoire des grandes batailles et des migrations de l’Asie du Sud-Est et un riche passé architectural qu’elle dévoile aujourd’hui aux visiteurs.

 

Il a fallu du temps pour oublier les douleurs, les peines, les disputes les misères, le travail dur et acharné. Il a fallu du temps pour être fier de la grande saga des Chinois et de la péninsule malaise. Mais peu à peu la ville est sortie de l’ombre, les portes s’ouvrent, les façades se colorent, les maisons se traversent pour accéder aux jardins ombragés et aux fontaines Feng shui. Le vieux quartier chinois s’offre aux touristes, se visite en plein jour à l’ombre des arcades de Thalang road. Il ne s’agit pas d’une ville d’opérette, les vieilles familles sont toujours là. Les spéculateurs ont pourtant tout essayé pour s’approprier le quartier. Les habitants n’ont pas cédé. Les anciens se sont accrochés, vénérant les ancêtres, cultivant leurs nouvelles racines. Ils rassemblent les descendants des Hokkien, des Teo Chew, des Cantonais des Hakka. Ce mélange de la culture chinoise et malaise a créé la société Pernakan ou Baba. C’est en s’imprégnant de l’histoire de la conquête de Phuket qu’il faut visiter la capitale de l’île.

 

Au 18ème siècle, le sud de la Chine est affamé, les inondations et les sécheresses se succèdent et le puissant pouvoir central terrorise les populations. Sous prétexte de préserver le culte des anciens, une loi condamne à mort tout Chinois qui fuirait son pays. Cette loi est abolie en 1727. Les routes des épices et de la soie sont ouvertes à la navigation des grandes puissances européennes. Dans les ports du sud chinois, les bateaux de transport embarquent les coolies, travailleurs infatigables. Leurs conditions de vie à bord sont précaires et la paie est maigre. Mais la rudesse de leur vie en Chine et l’espoir d’un ailleurs meilleur font qu’ils tentent la grande aventure du « nan Yang ».

 

Bientôt, cette main d’œuvre nombreuse devient incontournable à bord des cargos. Les coolies débarquent dans les grandes zones des comptoirs anglais, français et portugais. Ils s’organisent dans la péninsule malaise, passage obligé entre l’Asie et le reste du monde. On les retrouve à Malacca, Singapour et Penang (1794). Chacun tente sa chance et cherche fortune. Au début, les hommes sont partis seuls et travaillent dur avec l’espoir de rentrer riches au pays. Mais ils sont devenus des agents importants du développement de la péninsule. Ils reproduisent une société hiérarchisée et cloisonnée, les familles se retrouvent ou se créent. Et le vieux précepte tient encore : « Les dragons se marient avec les dragons, les phénix se marient avec les phénix et les bossus avec les bossus ».

 

An deux générations, le chinois est devenu siamois.

 

L’esprit de conquête ne quitte pas ces nouvelles populations. Le bossu veut devenir phénix et le phénix, dragon. Dans les fumeries d’opium de Penang, dans les entreponts des jonques, autour des parties de Mah Jong, un bruit court. Là bas, sur une petite île à l’ouest de l’ouest, se trouve un nouvel eldorado. Les frères chinois de Junk Ceylon ont besoin de travailleurs. L’étain est exploité depuis le 15ème siècle sur l’île, mais un important gisement vient d’être découvert à Kathu. Nous sommes à la fin du 18ème siècle. Les gros bateaux de transport d’étain s’ancrent dans la baie de Sapan Hin et le commerce s’organise à Phuket town.

 

La zone maritime est mouvementée, les enjeux économiques sont importants au point que les Birmans essaient d’envahir l’île. en 1819, les anglais créent Singapour. La région est sécurisée par la marine anglaise. De grandes familles chinoises de Penang s’installent alors à Phuket town. Les triades organisent l’émigration de Chine. Une majorité de Hokkien venant de la province chinoise du Fujian s’installent sur l’île. Les Chinois rachètent une partie des droits de négoce auprès de la Cour royale du Siam. L’argent de l’étain sème la discorde. La contre-bande fait rage et les règlements de compte au sein même de la communauté ne sont pas rares.

 

La conquête

 

Pendant que les clans se partagent l’exploitation minière du sol de l’île, la ville de Phuket s’organise. Les échoppes en bois se montent, les rues se créent. Il faut alimenter ce nouveau monde en nourriture, en fournitures diverses pour la construction et les exploitations minières. Il faut aussi créer les lieux de cultes, les écoles, les dispensaires. En 1890, le roi Chulalongkorn visite Phuket. il y dénombrera 685 échoppes, 318 en briques et 367 en bois. Le plus grand commerce de matériaux de construction est tenu par le clan Tan Towkay, dans la rue Dibuk. Les grandes familles Tanthai, Tanthawanit et Tantowkay deviennent les plus puissantes de Phuket, se partageant les exploitations minières et les réseaux d’approvisionnement. Rien d’autre que l’étain n’est produit sur place. Riz, fruits, légumes et matériaux sont importés.

 

Dans une petite rue adjacente, soi romanee, prolifèrent les établissements de plaisirs défendus : bordels, bistrots de jeux, fumeries d’opium… En 1869, sept tonnes d’opium sont officiellement importées à Phuket. Les prostituées viennent de Chine, d’Europe et du reste de la péninsule malaise. Des sommes d’argent astronomiques changent de mains en jeux et paris divers. La situation de la ville sur le plan sanitaire est catastrophique. Les habitations sont insalubres, les rues ne sont pas pavées, des routes en terre battue desservent les mines dans des nuages de poussière. Pendant la saison des pluies, les inondations sont légion, les détritus flottent, les évacuations et les systèmes de récupération des déchets n’existent pas, les odeurs sont pestilentielles. Les épidémies se développent, et les maladies vénériennes infectent une grande majorité de la population. C’est le grand far west tropical, les revolvers en moins mais l’humidité et le poison en plus !

 

Au début du 20ème siècle, les grandes familles quittent le cœur de Phuket town pour bâtir de spacieuses maisons dans le style sino-portugais et font appel à de célèbres architectes de Penang. Les temples sanctuaires de la religion traditionnelle chinoise sont construits et décorés et abritent l’empereur du ciel et sa cour, on observe le culte des ancêtres en même temps que Bouddha et toutes sortes de divinités. La situation de l’île commence à se stabiliser, les constructions en dur remplacent les échoppes en bois.

 

L’âge d’or

 

En 1933, Phuket devient une province à part entière. Les bâtiments officiels sont érigés, comme la Phuket Provincial Court, l’un des plus anciens. En outre, les magnats de l’hévéa exploitent les derniers espaces libres de l’île. C’est l’âge d’or de Phuket. Mais les gisements à terre s’amenuisent vite. En 1907, les premières barges exploitent le minerai de l’océan. Le sol de l’île reste bouleversé par les exploitations minières. Finalement, la demande en étain se raréfie, les barges ne sont pas renouvelées et la dernière exploitation fermera en 1992.

 

Les enfants des riches familles sont partis tenter leur chance à la capitale. Phuket la vieille s’endort. La ville devient le centre administratif, social et politique de l’île. Mais la perle d’Andaman, n’a pas dit son dernier mot. Après l’or gris de l’étain, l’or vert des hévéas et palmiers à huile, l’île cède à l’or bleu de ses côtes ensoleillées. Les stigmates miniers sont transformés en lacs bordés d’hôtels luxueux. Les capitaux de Bangkok affluent. Les villages de pêcheurs se transforment en villes à l’architecture incontrôlée. Patong l’endiablée vend son « sea, sex, and sun » dans le monde entier. Les infrastructures se développent de façon effrénée. rien n’arrête la manne touristique. Ni le tsunami, ni la grippe aviaire, ni les inondations. La machine est lancée et Phuket town s’affaire ailleurs sans compromettre son cœur et ses secrets.

 

Mais sans bruit et sans heurt la vieille ville s’organise, les jeunes se réapproprient l’histoire.Les petits cafés concerts ouvrent leurs portes dans le très typique soï romanee. La nuit la jeunesse dorée de Phuket se distrait en écoutant des groupes de jazz thaïlandais. Thalang road se fait aussi plus souriante, les façades ouvragées et les immeubles sont réhabilités, des guest-houses de charme offrent un accueil de qualité. Les petits restaurants de la rue proposent des plats hokkien, des boissons traditionnelles comme le thé de chrysanthème ou de roselle d’hibiscus. La vieille herboristerie chinoise recèle ses plantes rares, disparues ou oubliées. Vous pourrez prendre un café dans un salon-bibliothèque. Les galeries exposent des œuvres originales d’artistes locaux. Dans la Phang-nga road, on a rénové le vieil On-On Hotel construit en 1927 et dans lequel ont été tournées quelques scènes du film La Plage. Les grosses bâtisses sont disséminées et englouties par la ville nouvelle. Vous pourrez admirer la magnifique demeure du gouverneur qui a servi au tournage de The killing fields, où elle figurait l’ambassade américaine de Phnom Penh. L’édifice a complètement été rénové par les propriétaires du restaurant Blue Elephant et vous pouvez vous y restaurer dans une ambiance atypique ou y suivre les célèbres cours de cuisine thaïe. Au gré de votre promenade, vous découvrirez quelques trésors cachés, mémoire de ces temps anciens. Tous ne sont pas rénovés mais ils restent les imperturbables marques de cette épopée. L’association « Baba » fait un merveilleux travail de conservation des traditions et de promotion de ce site exceptionnel. Les manifestations se multiplient tout au long de l’année. rien, toutefois, n’est factice. Sur Thalang road vous trouverez toujours la boutique du quincailler, celle du vendeur de nids d’hirondelles, le bijoutier chinois et l’office du médecin traditionnel. La ville de Phuket Town a demandé à appartenir au patrimoine de l’Unesco.

 

Oriane Bosson

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