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ASIE – FRANCE : Oui, l’Australie nous a bien donné un coup dans le dos !

Journaliste : Yves Carmona
La source : Gavroche
Date de publication : 19/09/2021
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Notre ami et chroniqueur Yves Carmona, ancien Ambassadeur de France au Laos et au Népal, ne mâche pas ses mots pour dénoncer l’annulation du contrat passé par l’Australie pour une trentaine de sous-marins. Enfin un diplomate qui dit les choses clairement. Rien de tel que Gavroche pour comprendre les lois de la géopolitique en Asie.

 

Une analyse d’Yves Carmona, ancien Ambassadeur de France au Laos et au Népal

 

Qui a peur des kangourous ?

 

Le sujet est brûlant dans l’actualité. Il a aussi des racines profondes qui méritent qu’on s’y attarde. D’abord, on ne peut faire une lecture géopolitique de l’affaire sans regarder ses conséquences sur l’emploi.

 

Une centaine d’ouvriers, les plus précaires, seront affectés. Les autres, CDI, seront affectés à d’autres projets au sein d’une entreprise qui n’en manque pas.

 

Ensuite, il est nécessaire d’avoir de cet accord une lecture juridique. Un accord commercial a été rompu, il faut donc relire le General Agreement on Tariffs and Trade (GATT). L’art 21b permet de considérer que les sous-marins affectent la sécurité des pays concernés En matière commerciale, il pourra être facilement invoqué pour couvrir la négociation qui va être engagée à la suite de la rupture du contrat.

 

D’autre part, les signataires du Traité sur la Non Prolifération (NPT) sont juridiquement engagés à le respecter. Parmi eux, la Chine n’est bien sûr pas la dernière à critiquer la décision qui vient d’être prise. Elle accuse les États-Unis, en introduisant du nucléaire en Australie, d’alimenter la prolifération que cherche à restreindre le NPT signé par 191 pays.

 

Plusieurs décisions internationales ont appelé à limiter l’utilisation des matières fissiles : résolution 1987 du Conseil de sécurité de l’ONU en septembre 2009, communiqué du sommet de 2012 sur la sécurité nucléaire, conclusions de la dernière conférence d’examen du TNP en 2010.

 

On vient en rappelant ces textes de passer à une lecture géopolitique. A qui profite le « crime »?

 

Au gouvernement australien actuel mais déjà l’opposition critique la méthode employée. Vu la durée des contrats d’armement, tout peut encore changer. Le Royaume Uni : le gouvernement de Boris Johnson présente l’affaire comme un succès, l’opposition pose des questions.

 

Grand gagnant, avec plus de manières que Trump, les États-Unis poursuivent avant tout ce qu’ils considèrent comme l’intérêt national.

 

L’Australie et les États-Unis ont manqué d’élégance pour changer leur fusil d’épaule et cela suscite la fureur des autorités. Les ambassadeurs de France à Canberra et à Washington vont avoir du travail à recoller les morceaux, c’est déjà arrivé avec le dynamitage du Rainbow Warrior et les essais nucléaires français dans le Pacifique d’un côté, la farouche opposition à l’invasion illégale de l’Irak de l’autre.

 

COMMENTAIRES

 

Gardons la tête froide et regardons ce que nous considérons comme la réalité.

 

1/ l’Australie a manqué d’élégance pour changer son fusil d’épaule et cela ne surprendra pas ceux qui la connaissent.

 

2/ le Royaume-Uni aurait pu faire une bonne affaire mais il est empêtré dans le Brexit et ses suites. On ne le voit pas redorer son blason avec une nouvelle éruption de colère à ses portes. Il apparaît – et il est – de longue date sujet des États-Unis.

 

3/ ce sont donc apparemment les États-Unis qui vont tirer les marrons du feu. Ont-ils jamais fait autre chose que de penser d’abord à eux ?

 

L’auteur de ces lignes a le même souvenir : les États-Unis ne poursuivent que l’intérêt national et si on remonte dans leur histoire, moins longue que celle de la plupart des nations, ils ne se sont intéressés qu’à eux-mêmes, allant jusqu’à la guerre civile comme la guerre de Sécession. Les guerres extérieures ont été menées dans leur intérêt, qu’il s’agisse de l’annexion de Cuba et des Philippines en 1898 ou des guerres d’Indochine.

 

Devront-ils désormais débarquer les matières fissiles à la limite des eaux internationales ? Ou inciter les pays de la région comme la Corée du Sud et le Japon qui en ont le niveau technologique à se doter de l’arme nucléaire ? Le sous-marin de DCNS n’en avait pas la capacité.

 

La victoire de Pékin

 

Alors, personne n’a vraiment gagné dans cette affaire ? Bien si, une fois de plus Pékin qui voit les Occidentaux se diviser encore comme ils viennent de le faire sur l’Afghanistan et en particulier les États-Unis accusés, après avoir semé la pagaille à Kaboul, de penser uniquement à leur propre intérêt en Océanie.

 

Et la France ? Comme me le disait un ami qui me montrait au début des années 90 la rutilante flotte japonaise, ce n’est pas la France qui viendra au secours du Japon s’il est victime d’une attaque nucléaire nord-coréenne, on a bien besoin du parapluie nucléaire américain pour nous en protéger.

 

En 2021, le Roi est nu. A suivre les Américains sans réserve ou sans les moyens de faire autrement, on se condamne à ne pas exister. Les autorités prétendent que la France a un territoire pacifico-océanien, mais elle le défend à la surface avec un navire qui fait principalement de la représentation et un porte avions qui va en radoub pendant 18 mois.

 

Comme l’écrit un excellent ancien ambassadeur dont Gavroche avait lu les mémoires , « la diplomatie n’est pas un dîner de gala ». Cette fois, le diner est sacrément gâché et pèsera sur les estomacs français…

2 Commentaires

  1. D’autant plus que la France n’est pas une Nation débutante dans la construction et la mise au point des sous-marins nucléaires d’attaque.
    Un simple addendum au contrat original, tout en se foutant des traités de non-prolifération comme le font si bien les américains du nord quand ça les arrangent, aurait pu sans aucun doute régler le problème stratégique de l'(A)australie.
    Il y a deux nouveaux sous-marins de cette catégorie en construction actuellement à Cherbourg, tout comme les avions de chez Dassault pour la Grèce, on aurait pu leur en proposer un en location ou à la vente.
    Si cela n’a pas été envisagé, c’est qu’il y a un problème quelque part.

    Les (A)anglo-saxons, où qu’est leur continent d’origine, non jamais brillé par leur “fair play”, et historiquement, ne se sont jamais cachés qu’ils n’aimaient pas la France.
    Le coup, n’est pas tout à fait dans le milieu du dos, mais un peu plus bas il me semble, là ou ça fait mal ou plaisir c’est selon.
    J’espère que la France n’y prendra pas trop de plaisir pour satisfaire la culture “woke” anglo-saxonne.

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