Chaque semaine, notre ami Richard Werly, conseiller éditorial de la rédaction de Gavroche, partage sa vision de la France sur le site d’actualités helvétique Blick. Vous pouvez vous abonner ou consulter sa lettre d’information Republick.
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Vous connaissez sans doute la « Java des bombes atomiques » de Boris Vian, chantée aussi par Serge Reggiani. « Voilà des mois et des années / Que j’essaye d’augmenter la portée de ma bombe / Et je n’me suis pas rendu compte que la seule chose qui compte / C’est l’endroit où ce qu’elle tombe ».
Et bien franchement, tout est dit. A l’heure de Donald Trump et de ses menaces, la bombe A redevient l’ultime garantie de puissance. Or la France a la bombe, voulue par le Général de Gaule, depuis le 24 août 1968. Elle lui coûte aujourd’hui environ cinq milliards d’euros par an. Il parait même, à en croire les militaires tricolores, que la dissuasion « Made in France » est bien plus performante que la « Made in Britain ». Motif : la bombe française est indépendante. Pas d’arrimage américain. Un seul bouton et boum : le président français peut tenir à distance les ennemis de la République.
Je vous parle de la bombe A parce qu’elle est en arrière-plan de toutes les discussions sur l’Europe de la Défense. Dans son essai « Un monde sans l’Amérique » (Ed. Odile Jacob), le spécialiste des relations internationales François Heisbourg évoque un possible partage de la dissuasion française. La Bombe A deviendrait une bombe E pour européenne. Heisbourg pense que la Pologne et l’Allemagne seraient prêtes à payer pour cela. Bonne nouvelle, car côté budget, la France est HS. Plus de marge de manœuvre. Un déficit programmé de 5,4% en 2025.
Merci mon Général pour la bombe A. Et avis aux amateurs : la facture nucléaire est prête.
Bonne lecture, sans faire la Java !
(Pour débattre: richard.werly@ringier.ch)
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Toutes ces élucubrations relatives au statut de la dissuasion nucléaire française relèvent de la paranoïa, L’idée a germé dans le cerveau d’un militaire maniaque qui avait commande un régiment de chars et qui avait lu Chateaubriand (« l’horreur des traités de 1815, la rive gauche du Rhin, la solidarité franco-russe »).
En réalité, la politique d’une nation est commandée par la nature et la culture, autrement dit par l’histoire et la géographie. De ce point de vue, notre France éternelle est situe en Europe, en Occident (« Si vous respectez vos évêques, votre royaume d’en trouvera bien – 481 ») et elle est sur l »Atlantique, et elle a fait l’indépendance des États-Unis (George Washington). En conséquence sa politique est européenne, occidentale et atlantique. Cette politique commence par l’entente avec l’Angleterre (traite du 3 janvier 1815), face à la menace russo-prussienne; elle se renouvelle avec l’Entente Cordiale de 1904, et se prolonge avec l’amitié franco-américaine (cf. Conférence d’Algésiras – 1906) En 1917, ce sont les Etats-Unis qui assurent la victoire des Allies, dans le cadre du commandement intégré institue à Doullens, mars 1918. En 1940, la France envoie un message pathétique à Roosevelt (« for the record »). La France ne se rétablit qu’avec les accords économiques Weygand-Murphy et le débarquement Allié en novembre 1942. C’est lorsqu’elle pense que « l’antagonisme russo-américain lui offre des chances d’action exceptionnelles » qu’elle se destine à être broyée, ce qui fut fait à Dien Bien Phu (1954), Suez, 1956, Sakhiet et le contentieux franco-tunisien. Alors la dissuasion française, à l’heure des missiles russes hypersoniques, vous comprenez, ça vaut pour le comptoir du bar des Sports.
Certes, mais quel rapport ces articles ont-ils avec la ligne éditoriale et le périmètre géographique de couverture de Gavroche Thaïlande?
Puk Kalasin Merci beaucoup pour votre intérêt ! Notre ligne éditoriale, bien qu’elle se concentre principalement sur la Thaïlande et l’Asie du Sud-Est, aborde également des sujets concernant l’Asie du Sud-Est en Europe. Chaque semaine, nous publions aussi un éditorial rédigé par notre ami et coordinateur éditorial, Richard Werly, qui partage sa vision de la France vue de l’étranger. De nombreux lecteurs s’interrogent sur la France, et cet éditorial est conçu pour répondre à leurs préoccupations et éveiller leur intérêt.
j’ajouterai, si vous le permettez, que le périmètre géographique que doit envisager Gavroche, ce qu’il fait, peut être entendu comme celui de la Thaïlande au sens géographique strict, délimitée par ses frontières, il peut aussi être entendu au sens de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) ou de l’Asie de l’Est ou du Nord et du Nord-ouest ou de l’Asie qu’il est malaisé de définir géographiquement : la partie asiatique de la Turquie ? La France n’est-elle pas la partie occidentale de l’Asie ? Et comment ignorer la place que l’Asie, dans ses acceptions géographiques différentes possibles, joue un rôle majeur dans la compréhension des rapports géopolitiques mondiaux auxquels l’Europe et la France, et même la Suisse, n’échappent pas.
La question du statut de la dissuasion nucléaire française et de son emploi (bien que faite pour ne pas être employée en première intention puisque défensive) est un aspect de la question de la politique européenne de défense et de sécurité commune lorsqu’il apparait, dans le contexte géopolitique renouvelé actuel, comme au cœur de approfondissement de l’UE. Le Président Macron, depuis le discours de la Sorbonne, entend être le leader cet objectif, rabâché comme un dogme, autrefois réservé au cabri : l’Europe, l’Europe ! Mieux et Plus !
Les paramètres devenus anciens de l’emploi de la dissuasion nucléaire française en Europe apparaissent comme devant être revus parce que inadaptés. Depuis le retrait du Royaume-Uni de l’UE, autre puissance nucléaire, et face aux nouvelles menaces moins diffuses que l’impérialisme russe fait peser sur la sécurité européenne, les paramètres anciens apparaissent comme obsolètes.
Dans le cadre des nouvelles données géostratégiques européennes, le périmètre de la protection nucléaire française a été redéfini ou est en voie de l’être. Une menace d’emploi de l’arme nucléaire caractérisée contre la Pologne ou l’Allemagne serait sans doute considéré comme une atteinte aux intérêts vitaux de la France en tant que membre de l’UE. D’où la question de la mutualisation de l’emploi de l’arme atomique française.
Au delà de l’entretien et du perfectionnement des dispositifs et des budgets considérables qu’ils entrainent, de plus dans un contexte budgétaire défavorable, qui est certes un volet du dossier, mais est-ce l’essentiel ? Cet aspect de la question est-il de nature à déterminer les directions à prendre ? D’autres aspects et non des moindres dépendent de l’articulation entre une force atomique française et de sa mutualisation possible et peut-être souhaitée et le dispositif plus large de l’OTAN qui concerne une trentaine d’États. La Présidence Trump risque d’être décisive.
La mutualisation ne règle pas la question de la décision de recourir à l’arme nucléaire qui ne peut reposer que sur une seule volonté. On imagine mal, dans les temps requis, quelques minutes, pour qu’une agression extérieure parvienne sur le territoire européen, la réunion d’un aréopage, une discussion et un vote.
Quels dispositifs envisager ? Une rotation dans la prise de décision, comme au Conseil Européen ? A moins de confier celle-ci à la Présidence helvétique … qu’une menace nucléaire directe ne concernerait peut être que d’assez loin, chaque suisse ayant, dans son jardin, son abri anti-atomique des plus cosy et bien garni … Et comme le dit notre éditorialiste inspiré par la chanson française , « la seule chose qui compte, c’est l’endroit ou elle tombe » … et depuis les fameuses déclarations du professeur Pellerin, la frontière est un obstacle qu’aucun nuage radioactif ne peut franchir. …
La question de la mutualisation de l’arme nucléaire est connexe de celle de la mutualisation , souvent soulevée du l’attribubution du siège de membre permanent du conseil de sécurité à l’entité européénne, une position favorablement envisagée par l’Allemagne et peut-être la Pologne.. Le Président Français et les Français seraient-ils prêts pour une telle révolution ? Et De Gaulle dans sa tombe ?