Cinq épisodes, déjà pour notre polar «La fille qui aimait les nuages» ! Vous les avez ratés ? Retrouvez les ici intégralement, pour une lecture complète de ce roman écrit spécialement pour Gavroche et pour ses lecteurs par Patrice Montagu-Williams, auteur de «La porte de Jade» (Ed. Balland), à l’époque salué par la critique et par «Le Monde». «La fille qui aimait les nuages» plonge dans les arcanes du Parti communiste Vietnamien. Tout n’est que vérités cachées, illusions tragiques, verrouillage par la sécurité d’État. Au milieu de tout cela: la délicieuse Ai Van, fille du dignitaire communiste Anh Hùng et dépositaire de ses plus lourds secrets…
Résumé de l’histoire et de l’épisode 4: Ambitions contrariées, poids de l’histoire, puissance impérialiste de la Chine, ce polar, marqué par la géopolitique d’une région en pleine effervescence, «La fille qui aimait les nuages» raconte le destin d’un homme puissant au passé trouble et celui de sa famille.
A la tête d’une importante délégation du parti communiste vietnamien et en raison de la menace que fait peser la Chine sur la région, Anh Hùng, un membre important du Bureau Politique, est venu en France négocier un contrat d’achat de matériel pour la marine de son pays. Sa femme, Mai, et sa fille, Ai Vân, ont quartier libre pour visiter Paris. Accompagnées par un inspecteur de la police française, elles tombent amoureuses de la capitale. Anh Hùng, lui, souhaite pouvoir rencontrer seul à seul un homme des services de renseignements français qu’il a rencontré à Hanoï et qui a promis de l’aider.
Épisode 5:
En passant sous le drapeau suspendu au-dessus de l’entrée de l’ambassade, une étoile à cinq branches sur fond rouge, Huyên se souvient de ce qu’on lui avait rabâché à l’école : l’étoile représente l’unité du Vietnam et ses branches l’union des ouvriers, des paysans, des soldats, des intellectuels et de la jeunesse travaillant tous ensemble à la construction du socialisme. Quant au fond rouge, il symbolise le sang versé pour l’indépendance du pays.
Il ne connaît pas les deux hommes qu’il va voir, vieille tactique du Parti qui ne donne jamais sa confiance totalement à personne et qui adore diviser pour mieux régner. Il sait seulement que ce sont des agents du ministère de la Sécurité Publique arrivés quelques jours avant la délégation.
— Mon nom est Anh Minh, dit celui qui a l’air d’être le chef, sans se lever de la table autour de laquelle ils sont assis. Et voici Chang, mon adjoint. Assieds-toi, camarade. Alors, cette première réunion avec les Français ?
Huyên, lui non plus, n’a confiance en personne, alors il décide d’attendre d’en savoir un peu plus avant de parler.
Anh Minh sourit. Il a compris.
— Je vais t’aider. Tu sais pourquoi nous t’avons confié cette mission ? Parce que nous nous méfions de Anh Hùng, celui qu’on appelle au Bureau Politique Le Crapaud, avec lequel tu as voyagé. Et aussi parce que tu es un homme intelligent. Tu es, en plus, totalement fidèle au Parti. Tu l’as prouvé par le passé. Ta mission consiste à nous rapporter tout ce qui se dit et même ce qui ne se dit pas mais que tu crois avoir compris.
Mer de Chine
Huyên hoche la tête. Après quelques secondes de concentration, il se met à parler avec calme, sans chercher ses mots.
On avait d’abord détaillé la situation, explique-t-il. La Chine avait récemment repris son ingérence dans la Mer Orientale, en contradiction directe avec la promesse récente du ministre chinois de la Défense. Un navire d’étude géologique était entré dans la zone économique exclusive du Vietnam, accompagné d’escorteurs. Le Département d’État américain s’était, d’ailleurs, déclaré profondément préoccupé par les interventions croissantes dans les zones pétrolières et gazières de la Mer Orientale de la Chine en violation complète de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer.
L’histoire des Scorpène
Puis les ingénieurs de Naval Group, un groupe d’état spécialisé dans l’industrie navale de défense, avaient présenté le Scorpène, un sous-marin d’attaque de nouvelle génération qui intéressait la marine, comme l’avaient confirmé plusieurs missions militaires vietnamiennes préparatoires : sa version compacte était en effet parfaitement adaptée à la surveillance des eaux territoriales en raison de l’utilisation d’un système de propulsion anaérobie, c’est-à-dire pouvant fonctionner plusieurs jours sans utiliser de l’air extérieur, qui la rendait particulièrement discrète. Le Brésil, l’Inde et la Malaisie avaient déjà commandé plusieurs exemplaires de ce sous-marin.
— C’est à peu près tout, camarade, conclut Huyên.
— Bien, tranche Anh Minh. N’oublie jamais : pour nous, tu l’as compris, l’ennemi, c’est la Chine. Notre pays s’est construit avant tout en résistant aux invasions chinoises ! Les Français, les Américains, n’ont été que de courtes parenthèses dans notre histoire millénaire. Ils n’ont servi qu’à faire diversion. Ce qui s’est passé en 1979 entre la Chine et nous et que l’on a appelé la troisième guerre du Vietnam, n’était qu’un round d’échauffement : la véritable guerre est à venir, et elle sera terrible ! Heureusement, cette fois, les Occidentaux seront de notre côté…
Un roman de Patrice Montagu-Williams