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GAVROCHE: ROMAN: Dans nos archives «La fille qui aimait les nuages» l’épisode 4

Journaliste : Patrice Montagu-Williams
La source : Gavroche
Date de publication : 21/05/2020
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Sur les traces de Ai Vân, la séduisante fille d’un haut cadre du parti communiste vietnamien, que la police secrète du régime de Hanoï suit pourtant pas à pas ? Nous sommes à Paris, au cœur de la communauté asiatique. Et soudain, tout bascule. Maitre du polar et des émotions fortes, Patrice Montagu-Williams cerne l’âme vietnamienne et les tréfonds de l’histoire récente de ce pays-dragon. Qu’adviendra-t-il de Anh Hung, le père de la jeune femme ? Retrouvez ici l’épisode 4 de notre roman feuilleton exclusif «La fille qui aimait les nuages».

 

Résumé des épisodes précédents: Anh Hùng, l’un des plus importants personnages du parti communiste vietnamien au pouvoir, part à la tête d’une délégation à Paris. Sa femme, mai, l’accompagne. Sa fille Ai Vân, à leurs cotés, est la prunelle de ses yeux. Une jeune femme sur les épaules de laquelle pèsent tant de secrets..

 

Épisode 4

 

Elles s’attendaient à voir un flic, mais c’est un homme qui leur est apparu dans le hall de l’hôtel, jeune et plutôt séduisant.

 

Il les a mises à l’aise tout de suite. Il était manifestement d’origine vietnamienne mais ne ressemblait en rien aux policiers de chez elles qui ne sont pas là pour faire régner la loi et l’ordre mais juste pour faire appliquer les consignes du Parti.

 

— Haï, du Service de Protection des Personnes de la Police nationale. Vous voudrez bien m’excuser de vous parler en français : j’y suis plus à l’aise qu’en vietnamien, en dépit de mes origines. Je suis né à Saïgon – pardon, à Ho Chi Minh ville – mais j’en suis parti à l’âge d’un an, avec ma mère. Je suis ce que vous appelez un Viêt kiêu, un Vietnamien de l’étranger. À votre disposition pour vous emmener visiter Paris. Par où voulez-vous commencer ?

 

— Il y a tellement de choses à voir ici, inspecteur, répond Mai. C’est la première fois que nous venons en France, ma fille et moi, vous savez ?

 

Bureau politique

 

Il savait. Le dossier qu’on lui avait remis précisait aussi qu’elles étaient la femme et la fille de l’un des membres les plus influents du Bureau Politique du Parti venu à Paris à la tête d’une délégation négocier un très important contrat d’armement. Il fallait absolument que le séjour des deux femmes se passe sans problème.

 

Ai Vân ne dit rien. Elle regarde cet homme qu’elle n’arrive pas à considérer tout à fait comme un parfait inconnu alors qu’elle le connaît depuis cinq minutes à peine.

 

— Et si nous commencions par Montmartre, inspecteur, suggère Mai ? Un de mes lointains cousins y tient un restaurant et je l’ai prévenu de notre venue à Paris.

 

Vieux quartier

 

Ai Vân aimait Hanoï, la ville où elle était née et où elle étudiait. Elle aimait ce mélange d’influences d’Asie du Sud-Est, de Chine et de France que l’on retrouvait dans l’architecture de la ville. Elle aimait son vieux quartier aux rues étroites et les nombreux petits temples éparpillés un peu partout, notamment celui dédié à Bach Ma, le légendaire cheval blanc. Mais, Paris, c’était un autre monde, une terre de légendes. Et, pour elle, la légende, ce n’était pas Oncle Ho et la guerre de libération nationale. C’était Fitzgerald faisant lire à Hemingway le manuscrit de Gatsby, le magnifique à la terrasse de La Closerie des Lilas, c’était Sartre écrivant Les Mouches au premier étage du Flore, c’était Miles Davis descendant la rue Saint-Benoît, enlacé à Juliette Gréco, avant d’aller jouer au Club Saint-Germain.

 

Alors quand, après avoir déjeuné chez le cousin, au Dan Bau, un tout petit restaurant d’une dizaine de tables situé rue des Trois-Frères, Haï les emmène au Bateau Lavoir, place du Tertre, au Moulin de la Galette puis au Sacré-Cœur d’où elles contemplent tout Paris étalé à leurs pieds, les deux femmes, radieuses, ne savent plus où donner de la tête.

 

—Restons encore un peu, inspecteur, supplie Ai Vân. Le soleil ne s’est pas couché.

 

—À Montmartre, le soleil ne se couche jamais, répondit Haï en riant. Venez, avant de vous ramener à l’hôtel, je veux encore vous montrer quelque chose ajoute le flic, qui les conduit devant Le Mur des « je t’aime », square Jehan-Rictus, place des Abbesses : trois cent onze « je t’aime » en deux cent cinquante langues sont gravés sur des carreaux de lave émaillée.

 

Silencieuse, anesthésiée

 

Assise sur un banc, face au mur, Ai Vân est silencieuse, comme anesthésiée. Elle a compris ce qu’avaient voulu dire les artistes : un mur peut faire autre chose que séparer les hommes. Seule sa respiration saccadée témoigne de ce qu’elle ressent. Puis elle se tourne vers le flic.

 

—Vous avez gagné inspecteur, dit-elle en le regardant dans les yeux. À moins que la drogue de Paris ne se soit déjà mise à couler dans mes veines : je ne sais plus qui je suis !

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