Home Accueil GAVROCHE – ROMAN: Dans nos archives «La fille qui aimait les nuages», épisode 10

GAVROCHE – ROMAN: Dans nos archives «La fille qui aimait les nuages», épisode 10

Journaliste : Patrice Montagu-Williams
La source : Gavroche
Date de publication : 08/06/2020
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Cette fois, le drame est enclenché. En voyage officiel à Paris, le dignitaire vietnamien Anh Hùng, chef d’une délégation du Parti communiste venu en France négocier un important contrat d’armement, a perdu la trace de sa fille. Son couple explose. Sa femme se mure dans le silence et la colère. Sa mémoire le torture. D’une plume magistrale, plongée dans l’encre noir de l’Asie des meilleurs polars, Patrice Montagu-Williams nous tient en haleine avec son roman feuilleton, écrit spécialement pour Gavroche.

 

Résumé de l’histoire et de l’épisode 9: Mai, sa femme, et Ai Vân, sa fille, ont accompagné à Paris Anh Hùng, le chef de la délégation du Parti communiste vietnamien venu en France négocier un important contrat d’armement. Ai Vân, « la fille qui aime les nuages », ne veut pas rentrer au Vietnam. De son côté, Anh Hùng a l’intention de demander l’asile politique aux Français. Sa femme, qui n’était pas au courant, l’accuse de vouloir trahir son pays au moment où la Chine, ennemi héréditaire du Vietnam, se fait de plus en plus menaçante.

 

Épisode 10 – Par Patrice Montagu-Williams

 

Elle a besoin de prendre l’air. Elle étouffe. Elle sent que son existence est en train de basculer dans un précipice dont elle n’aperçoit pas le fond. Alors, elle prend l’ascenseur et descend dans le hall de l’hôtel, laissant Anh Hùng seul dans la suite.

 

Il est encore tôt quand elle s’assied à une table du Bar Botaniste, au niveau du lobby, qui vient d’ouvrir. Elle commande un café.

 

Mai pense à sa vie à Hanoï, qu’elle avait fini par aimer, surtout depuis que le pays s’était ouvert vers le monde, après l’époque terrible de la reconstruction.

 

Théâtre populaire

 

Elle aimait se rendre chaque fin de semaine dans les rues qui avoisinaient le marché de Đồng Xuân et assister aux scènes de chèo, le théâtre populaire, tout en goûtant des plats traditionnels, comme le Phở, de la soupe de pâte de riz, ou le Bun Cha, des vermicelles au porc grillé. Elle aimait se rendre sur les bords du lac Hoan Kiem, le « lac de l’épée restituée », où l’on pouvait apercevoir des tortues nager. Mais, ce qu’elle adorait par-dessus tout, c’était tromper la surveillance de l’agent chargé de leur sécurité et grimper, sans qu’il ait le temps de réagir, sur une xe ôm, l’une de ces motos- taxis que l’on trouvait à tous les coins de rue, pour aller assister au coucher du soleil, à la pagode Trấn Quốc, le plus vieux temple bouddhiste de la ville.

 

Si vulnérable

 

Perdue dans ses pensées, Mai ne l’a pas vu se glisser à sa table. Il faut dire qu’Huyên sait se faire silencieux comme un chat de Temminck quand il le faut. Et puis, c’est un malin : avant de l’approcher, il a passé cinq bonnes minutes à l’observer et il a compris que cette femme n’était pas dans son état normal. Et il sait que c’est quand les repères du quotidien ont disparu que les gens sont les plus vulnérables.

 

En levant les yeux, elle l’aperçoit, surprise.

 

— Nous allons retrouver ta fille, camarade, lui affirme l’agent. Tu peux en être certaine.
Elle hoche la tête sans rien répondre. Sa longue expérience des interrogatoires fait dire à Huyên qu’elle cache autre chose.

 

— Tu peux me parler en confiance, Mai. Je vous ai accompagné depuis Hanoï non pas pour vous surveiller, comme tu l’as sans doute pensé, mais pour vous protéger et vous aider.

 

Et alors, elle lui dit tout. Elle a besoin de se confier à quelqu’un : ce qu’elle a sur le cœur est trop lourd à porter.

 

Elle lui avoue que sa fille n’est pas rentrée, car elle a décidé de rester en France et que son mari veut demander l’asile politique. Elle ajoute que, de toute façon, il avait planifié ça depuis longtemps et que les Français sont d’accord…

 

Huyên se lève aussitôt. Il a l’air grave.

 

Personne ne restera…

 

— Personne ne restera en France, camarade. Je te le promets. Tu imagines un peu un membre du Bureau Politique, qui vient justement de négocier un contrat d’armement capital pour la défense du pays, déserter avec sa famille alors que, peut-être, une guerre se prépare contre l’ennemi héréditaire ?

 

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