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INDOCHINE – ARCHÉOLOGIE: Luang Prabang, un autre lieu de fouilles pour Henri Mansuy

Journaliste : Didier Mansuy
La source : Gavroche
Date de publication : 06/11/2020
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L’archéologie de l’ex Indochine française et des pays qui la composent (Cambodge, Vietnam, Laos) est une mine d’informations sur les populations d’aujourd’hui. Une partie de leur creuset culturel provient de ses origines décryptées par l’archéologue Henri Mansuy dont nous poursuivons le périple, qui eut lieu dans les années 20.

 

Henri Mansuy fut chargé de la mission géologique du Haut-Laos en 1908-1909, dans la région de Luang Prabang. Ont alors été recueillis 108 instruments en pierre et 6 de bronze[1] permettant de caractériser l’outillage lithique ancien de cette partie de l’Indochine[2]. Tous les objets (pierre, bronze et céramiques) de cette mission, collectés par Henri Mansuy et monsieur Saramon[3], ont été donnés à l’Ecole française d’Extrême-Orient à Hanoï[4]. L’étude des crânes de la grotte de Pho-Binh-Gia a été réalisée par le docteur René Verneau[5].

 

Ils peuvent être classés tel que suit :

 

– 1- haches présentant deux faces d’égale convexité, à bords non équarris et dont le tranchant est obtenu par un polissage égal sur les deux faces et ne formant pas un biseau nettement séparé de ces faces, types européens (rarement recueilli) ;

 

– 2 – haches à bords équarris ; tranchant non en biseau séparé, mais se confondant insensiblement avec les faces (fréquent Extrême-Orient) ;

 

– 3 – erminettes incurvées, à bords équarris ; tranchant résultant d’un polissage sur chaque face, mais ce polissage est inégal et plus étendu du côté convexe ;

 

– 4 – erminettes droites ou incurvées, à bords équarris, avec un seul tranchant en biseau (instrument alors le plus abondant de la préhistoire lithique indochinoise) ;

 

– 5 – haches épaulées, dont le talon est taillé en soie ou tenon d’emmanchement, faces très inégalement convexes ; tranchant obtenu par un biseau, du côté le plus convexe ; un polissage gradué du côté le moins convexe ;

 

– 6 – haches épaulées, à faces convexes et dont le tranchant se confond avec les faces ;

 

– 7 – haches épaulées avec tranchant obtenu par un double biseau ;

 

– 8 – haches épaulées à faces plates ; tranchant obtenu par un biseau (5, 6, 7 et 8 les plus caractéristiques de l’industrie de la pierre polie en Extrême-Orient) ;

 

– 9 – haches à double épaulement ou à épaulement étagé, dont la soie présente, à la base, une saillie anguleuse ;

 

– 10 – erminettes ou ciseaux avec soie d’emmanchement et tranchant en biseau (rare) ;

 

– 11 – ciseaux équarris à double tranchant ;

 

– 12 – instruments divers.

 

L’industrie du bronze est représentée par trois hachettes à douilles, une petite pointe de flèche à douille, un instrument ayant l’aspect d’un petit ciseau à douille et par un hameçon. Les découvertes d’objets préhistoriques en bronze en Indochine sont plus rares dans le sud de la péninsule que dans le nord. Sur cette industrie du bronze, le docteur Verneau déclara : « L’abondance des objets en bronze dans le nord-ouest, leur rareté relative dans l’est et dans le sud-est porte à croire que les importateurs de l’industrie métallurgique ont pénétré par l’angle nord-ouest dans le péninsule indochinoise »[6].

 

Fragments de céramiques

 

Les fragments de céramiques découverts dans le gouffre de Ban Don Tio, sur la rive gauche du Mékong, à quelque kilomètres de Luang-Prabang[7], sont couverts d’une ornementation au trait, qui montre, malgré le petit nombre de tessons, une grande diversité de composition ainsi qu’une originalité qui font pressentir un art décoratif, appliqué à la poterie, déjà très évolué. Actuellement le musée situé en face sur l’autre rive du fleuve côté thaïlandais permet de visualiser des outils proches (à Chian Saen).

 

Large part de fantaisie

 

Les instruments sont souvent très différents les uns des autres, en fonction sans doute pour une large part de la fantaisie et de l’habileté de l’ouvrier. Il convient de noter particulièrement :

 

– un bel instrument de belles proportions géométriques, d’un fini parfait, poli sur toutes ses faces, à tranchants de largueur inégale ;

 

– les autres sont pour la plupart en phtanite, sorte de silex noirâtre abondant dans les calcaires carbonifères.

 

Dès qu’une comparaison attentive des haches à douilles indochinoises avec des haches à douilles européennes est faite, il est possible de reconnaître aussitôt que ces instruments n’ont de commun que le mode d’emmanchement, mais qu’ils différent grandement par tous les autres caractères, par tous les détails de leur fabrication. Les haches extrême-orientales se séparent nettement des haches européennes (du morgien et du larnaudien du Danemark, du robenhausien) par toutes leurs proportions, par leur contour, par leur fragilité, par leur simplicité et leur aspect archaïque.

 

L’Europe, pas si loin

 

Les couteaux, les poignards et les épées de la période du bronze en Europe, si semblables dans leurs principaux caractères, qu’ils proviennent de l’Europe occidentale, Suisse, Bavière, Bohême ou Scandinavie, n’avaient aucun représentant connu dans l’inventaire de l’industrie préhistorique du bronze d’Extrême-Orient. Il semble probable qu’aucune parenté ou filiation ne rattache les industries préhistoriques du bronze en Europe et en Extrême-Orient méridional et que ces deux industries sont complètement indépendantes. Ce qui contraste avec une similitude d’une partie de l’outillage de pierre de deux régions.

 

Industrie néolithique indochinoise

 

Si l’industrie de la pierre, en Cochinchine, au Cambodge, au Laos, au Tonkin et dans la Chine méridionale, montre des affinités, par la similitude de certains instruments, avec l’industrie néolithique européenne, cette similitude résulte de besoins identiques. Elle est spontanée et n’est aucunement attribuable à des relations ethniques, même progressives, à ces époques reculées, entre des populations aussi distantes. L’industrie néolithique indochinoise se sépare nettement, incontestablement avec celle d’Europe et d’autres régions. Il n’y a aucune industrie primitive de la pierre polie, sauf à Pho-Binh-Gia. Dans l’Inde, les alluvions anciennes de la vallée de la Narbadah, des environs de Madras, de l’Assam et du sud-est du Bengal ont donné des instruments amygdaloïdes de type chelléen[8]. Aucune découverte de ce genre n’est connue en Indochine[9]

 

 

Didier Mansuy

 

Notes pour mieux comprendre:

 

[1] D’après Henri Mansuy, Volume VII. Fasc. I. Contribution à l’étude de la Préhistoire de l’Indochine. I, L’industrie de la pierre et du bronze dans la région de Luang-Prabang (Haut-Laos), 1920. « Tous les objets recueillis par nous-mêmes et par M. Saramon, au Laos, ont été déposés dans les collections de l’Ecole française d’Extrême-Orient. Par le docteur Yersin, les révérends pères Jeannin et Guerlach et le docteur Verneau » (in Pavie Vol. III p. 28. pl. VI).
[2] M. Massie, membre de la mission Pavie, durant les années 1888-1889, avait fait une ample moisson d’instruments aux environs de Luang Prabang. La description des pièces typiques les plus remarquables a été donnée, par l’auteur même de ces découvertes et par Pierre Lefèvre-Pontalis, dans la publication des résultats de la mission Pavie : A. Pavie, mission Pavie en Indochine 1879-1895. Etudes diverses III. Recherches sur l’Histoire Naturelle de l’Indochine orientale, etc. et Massie, Catalogue des objets des âges de la pierre et du bronze recueillis dans la région de Luang Prabang, p. 10, – Lefèvre-Pontalis. (Note sans titre, suite et développement de la note précédente de Massie, p.16.)
[3] Topographe de la mission.
[4] Dépôt à Ecole française d’Extrême-Orient à Hanoï.
[5] R. Verneau, Les crânes humains du gisement préhistorique de Pho-Binh-Gia (Tonkin), L’Anthropologie, T. XX, p.p. 545-559, 1909.
[6] René Verneau, in Pavie III, p.39.
[7] Page 8 du Bulletin du Service Géologique volume VII. Fascicule I. en 1920. Il semblerait que ce site se trouve juste en face de Chiang Saen en Thaïlande, non loin du Triangle d’or. Le musée local renferme beaucoup d’outils lithiques et de poteries. Par contre le chiffre de 7 kilomètres (donné dans le texte) semble erroné ou bien il y a eu une coquille lors de l’impression du document.
[8] H. B. Medlicott and W. T. Blanford. – The geology of India, p.p. 387, 441, pl. XXI, fig. I., 1879.
[9] A cette époque.

 

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