Home Histoire et Patrimoine INDOCHINE – HISTOIRE: Henri Mansuy et l’Exposition Coloniale de Paris en 1931

INDOCHINE – HISTOIRE: Henri Mansuy et l’Exposition Coloniale de Paris en 1931

Journaliste : Didier Mansuy
La source : Gavroche
Date de publication : 15/03/2021
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Gavroche remonte régulièrement le temps indochinois, jusqu’à la préhistoire, grâce aux travaux d’Henri Mansuy que nous découvrons par chapitres et explorations. Cette semaine, focus sur la présentation des travaux de ce préhistorien lors de l’exposition coloniale de Paris[1], en 1931.

 

Henri Mansuy réalisa ce travail comme un résumé des connaissances et des travaux qu’il avait réalisés en Préhistoire dans l’Extrême-Orient méridional de 1901 à 1931.

 

Les premières découvertes isolées, en préhistoire de l’Indochine, suivies par des recherches méthodiques, remontent à 1870[2]. Elles ont révélé la grande importance et l’originalité d’une industrie de la pierre ayant précédé de peu l’usage des métaux cuivreux et du bronze, et ayant persisté longtemps. Ces découvertes se rapportent toutes à une dernière période de la pierre polie et à un mobilier néolithique très achevé.

 

Néolithique indochinois

 

Le Néolithique indochinois le plus récent se compose d’instruments en roches polies sur leur étendue : haches, gouges, ciseaux, de contour rectangulaire ou trapézoïdal, présentant un tranchant obtenu par un biseau sur l’une des faces, ou par doubles biseaux, résultant parfois de courbes ménagées. Les haches lorsque leur tranchant était ébréché, recevaient de nouveaux polissages, tant que le fragment restant demeurait utilisable. Les ciseaux sont plus étroits, plus tenus. L’une des extrémités des gouges est incurvée, creusée en gouttière. Les haches de forme rectangulaire sont accompagnées d’instruments similaires, dits haches à talon, à soie ou à épaulement, dont le côté opposé au tranchant se rétrécit brusquement en un tenon d’emmanchement qui rencontre le corps de l’outil à angle droit. Les haches à tenon se trouvent dans toutes les parties de l’Indochine et dans les pays voisins.

 

Les parures en phtanite ou en calcaire (anneaux, bracelets, bagues) datent de la même époque.

 

La céramique du Néolithique supérieur indochinois, en pâte grossière et à dégraissant de charbon et de quartz, a pris diverses formes : vases subsphériques, bols, vases à large ouverture et pourvus d’un pied, dans les niveaux inférieurs non-remaniès de Somrong-Sen. Les nombreux tessons sont remarquables par la diversité de leur ornementation. Les particularités de la décoration de la poterie ancienne, en Extrême-Orient méridional, la rendent originale et n’autorisent aucun rapprochement avec des styles européens ou du reste de l’Asie.

 

Paléolithique et Néolithique

 

L’observation des instruments recueillis à Pho-Binh-Gia (1906), Khéo-Phay (1922-1923) et Dong-Thuôc, laisse supposer une évolution industrielle locale avec peut-être un passage rapide sans transitions graduées entre le Paléolithique et le Néolithique le plus ancien. Cette dynamique ne suit pas la séquence typologique établie pour les temps préhistoriques européens et ceux d’autres régions. Les affinités dans la facture de nombreux instruments du Bacsonien avec l’outillage paléolithique de l’Ancien Monde le rattachent cependant au Néolithique avec seulement un polissage partiel comme dans certains sites (Kéo-Phay).

 

Le gisement de Somrong-Sen (Cambodge) constitue un jalon remarquable d’une abondante industrie lithique néolithique avec également les premières manifestations de l’industrie du bronze en Indochine.

 

En résumé, les instruments en pierre des niveaux inférieurs des dépôts de cavernes, dans l’Est du Tonkin, se répartissent en deux catégories distinctes :

 

– les uns simplement taillés, pointes et racloirs, présentant la plus étroite ressemblance avec les instruments paléolithiques des temps chelléens et acheuléens de l’Europe occidentale ;

 

– les autres, obtenus de galets non retouchés ou à peine régularisés par de grossières retouches, ont une extrémité polie en un tranchant plus ou moins acéré et étendu.

 

Vingt gisements

 

Ces deux types d’instrument sont rencontrés le plus souvent mélangés, au contact les uns des autres.

 

Henri Mansuy rappelle que Madeleine Colani[3] découvrit vingt gisements dans la région de Hoa-Binh (Rivière-Noire) et visita plus de quarante grottes. Dans les niveaux moyens et supérieurs, en général, l’industrie de la région de Hoa-Binh, s’assimile de plus en plus à celle du Bac-Son. Madeleine Colani[4] catalogua trois périodes au sens large : une période archaïque, une période intermédiaire, une période moins ancienne.

 

« Paléolithique supérieur, néolithique le plus inférieur, Bacsonien. Nos dépôts supérieurs ne contiennent presque pas de pièces polies, ils ne peuvent nullement être comparés à ceux qui dans le Bac-Son appartiennent à une période plus récente que Kéo-Phay et Giouc-Giao, à ceux de Lang-Cuom, par exemple. Non seulement l’évolution de l’industrie tonkinoise est différente de celle d’Europe, mais elle n’est pas la même dans deux régions distantes d’une centaine de kilomètres, fait curieux et très important. »[5]

 

Bacsonien et Hoabinhien

 

Les gisements préhistoriques les plus anciens, au Tonkin, sont répartis en deux groupes. L’un au N.N.E de la vallée du Fleuve-Rouge : le Bacsonien, du nom du massif calcaire de Bac-Son, où se situent les cavernes explorées. Le second au S.S.E du Fleuve-Rouge : le Hoabinhien, du nom de la localité de Hoa-Binh, sur la Rivière-Noire, auquel il est possible de rattacher les gisements de même âge de Phu-Nho-Quân, près de Ninh-Binh. Les deux noms différents : Bacsonien, Hoabinhien, donnés pour deux régions voisines riches en gisements préhistoriques ont leur raison d’être. En effet, « l’industrie lithique hoabinhienne renferme des types qui se retrouvent dans le Bac-Son, des types qui vraisemblablement appartiennent au paléolithique de Ceylan et enfin des types européens »[6].

 

Des planches de l’article pour l’Exposition coloniale internationale de 1931, figures 1, 2, 3, 4 et 5 et de l’article dans le livre de Georges Maspero, Un Empire colonial français, donnent les représentations de ces objets et crânes.

 

A partir des résultats de ses recherches, Henri Mansuy donna un résumé précis et substantiel en y intégrant ses hésitations ou ses contradictions. Celles-ci sont inhérentes à des découvertes scientifiques. Au fils du temps, ses travaux ont permis de présenter l’histoire d’une humanité préhistorique plus ancienne que celle connue jusqu’alors pour la partie septentrionale de l’Indochine.

 

Notes

[1] D’après Henri Mansuy, Exposition Coloniale Internationale, Paris 1931, Indochine française. Section des sciences. La Préhistoire en Indochine. Résumé de l’état de nos connaissances sur la préhistoire et l’ethnologie des races anciennes de l’Extrême-Orient méridional, 1931.
[2] Victor Roque qui en 1875 découvrit la riche station de Somrong-Sen, au Cambodge. Les découvertes de haches polies dans les régions de Bien-Hoa et Tay-Ninh en Cochinchine par Holbé. Les collections recueillies par le docteur Yersin au pays Bahnar. Les récoltes du P. Guerlach sur les territoires voisins. Les nombreux matériaux préhistoriques rapportés par Pavie, Massie, Lefèvre-Pontalis au cours de la mission Pavie de 1888 à 1895. Au Tonkin, peu après l’occupation, Rivière à Tuyen-Quang explore quelques gisements néolithiques. D’Argence, dans l’Est du Tonkin, recueille nombre d’objets sporadiques.
[3] Madeleine Colani, L’âge de la pierre dans la province de Hoa-Binh (Tonkin), Mem. Serv. géol. de l’Indochine, Vol. XIV, Fasc. I, 1927.
[4] Selon Madeleine Colani, page 12 § 2, du texte de Henri Mansuy de 1931.
[5] Madeleine Colani.
[6] Extrait de Henri Mansuy.

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