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INDONESIE Raja Ampat : l’île Maurice version Asie

Journaliste : Olivia Corre
La source : Gavroche
Date de publication : 15/08/2016
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Ce groupe d’îles situé à l’extrême nord de l’Indonésie, en territoire papou, est sûrement l’un des derniers paradis sur terre. Très peu de touristes osent s’y aventurer. Pourtant, les fonds marins présentent des richesses inégalables dans le monde. Mais pour combien de temps ?

 

Des poissons multicolores partout, une mer turquoise digne des seychelles et une population locale aussi détendue que les frères Marley : les Raja Ampat ont un petit goût de bout du monde. Un paradis pour voyageurs en mal d’authenticité situé sur la côte nord-ouest de la Nouvelle-Guinée.

 

Cet archipel compte près de 610 îles et autant d’îlots, repartis sur 46 000 km carrés, dont très peu sont habités car bien trop montagneux. Résultat ? Des vues spectaculaires façon Baie d’along, sans le côté « autoroute », et, en guise de fond d’écran, de très épars bungalows sur pilotis surplombant la mer. Tout, donc, pour faire d’un voyageur le plus heureux des hommes.

 

Sélectionné pour un possible futur classement au patrimoine mondial de l’Unesco, le site souffre pourtant déjà du développement touristique voulu par le gouvernement indonésien. Comme les îles du sud saturent, telles Bali ou Komodo, deux hauts lieux du tourisme de masse, le ministère du Tourisme a décidé de jouer la carte Raja Ampat.

 

Une agence a été ouverte à Bali en 2003 pour promouvoir les atouts du site auprès des touristes et, depuis 2010, les campagnes à destination des médias et des agences de voyage du monde entier se multiplient. « Le dernier paradis sur terre », annonce la brochure de l’Office de tourisme.

 

Il faut dire que la région a un potentiel prometteur. Plus de 750 km de plages de sable fin et une biodiversité marine exceptionnelle : pas moins de 1 400 espèces de poissons tropicaux, 57 espèces de crevettes, 13 espèces des mammifères marins, 5 espèces de tortues marines protégées et 600 espèces de coraux durs peuplent son littoral.

 

Selon une étude établie en 2002 par Conservation international (CI), l’archipel constitue « probablement la plus importante biodiversité marine au monde ». Environ 75% des espèces mondiales y seraient regroupées.

 

Bref, un vrai rêve de gosse pour les férus de plongée. Les Raja Ampat caracolent en tête des référencements sur les sites internet spécialisés dans la plongée. Et il n’existe pas un seul amateur du genre qui n’ait jamais entendu parler de la beauté de ses fonds.

 

Mais la région, historiquement très pauvre, ne disposait pas jusqu’à présent des atouts suffisants pour répondre aux besoins des voyageurs des temps modernes. L’an dernier, seuls 4 515 d’entre eux ont tenté l’aventure.

 

DÉSERT TOURISTIQUE

 

Un vol direct relie dorénavant Bali et Jakarta à Sorong, ville d’où partent les bateaux pour l’archipel. Une fois au port, il faut encore compter deux bonnes heures de traversée pour atteindre Waisai, l’île la plus importante, avant de faire appel à un pêcheur pour rejoindre l’îlot de son choix.

 

L’ensemble des îles compte très peu de resorts de classe internationale, dotés chacun d’une dizaine de bungalows au maximum, proposés à des prix exorbitants et sur réservation préalable sur leur site, souvent sur la base de forfaits hébergement plongée d’une semaine.

 

Les voyageurs peuvent toujours trouver de simples cabanons au bord de l’eau ou rester chez l’habitant. Une solution qui ne convient pas forcément au tourisme haut de gamme. Pour rendre son projet de développement viable, les autorités régionales ont décidé de prendre le taureau par les cornes.

 

Un grand plan de construction de routes et d’amélioration des réseaux de télécommunications est en cours. Mais pas seulement. Depuis fin 2012, trois aéroports déservent les trois plus grandes îles de l’archipel, Waigeo, Misool et Waisai. « Les vols depuis Jakarta ne seront pas directs, mais cela permettra aux voyageurs d’éviter les deux heures de ferry depuis Sorong, se réjouit Yudsi Lamatenggo, ministre régional du Tourisme. On espère ainsi faire venir de nombreux touristes. Nous pensons également ouvrir d’autres bureaux dans le nord du pays et à Singapour, pour compléter les actions déjà menées par l’agence de Bali. »

 

VERS UN TOURISME DE MASSE ?

 

Certains s’inquiètent de ce virage touristique. « S’ils veulent recréer ici le modèle de Bali, les touristes s’en iront un par un », affirme Jimmy Praet, le manager de Papua Diving. En 2012, entre 5000 et 6000 voyageurs se sont rendu à Raja Ampa. « Aujourd’hui, certains sites de plongée majeurs, comme celui qu’on appelle le Passage, réputé pour la richesse de ses coraux, sont en danger, explique Jimmy Praet. « J’imagine qu’ils vont saccager le site, alors autant en profiter tant qu’on peut », profère un plongeur.

 

Face à cette nouvelle activité sur Raja Ampat, le discours officiel se veut rassurant. Pas question de parler ici de tourisme de masse. « C’est la qualité des touristes plus que la quantité que nous recherchons », assure de son côté Hari Untoro Dradjat, premier conseiller au Ministère du Tourisme.

 

Comme pour montrer patte blanche, les officiels évoquent une nouvelle réglementation adoptée en juillet 2011, censée limiter le nombre de resorts et de bateaux de croisière. Sept parcs marins ont également été créés, préservant 45% des récifs et des mangroves de l’archipel.

 

« Même si le nombre actuel de touristes demeure très faible, il y a déjà des signes de sur fréquentation », déplore de son côté Mark Erdmann, le conseiller de l’organisation Conservation International en Indonésie. Si, jusqu’à tout récemment, l’isolement des Raja Ampat et leur faible population parvenaient à maintenir la bonne santé des récifs, ce n’est plus le cas. « Je viens ici régulièrement depuis dix ans et je ne reconnais plus du tout certains endroits, que ce soit sous l’eau ou sur terre. L’écosystème souffre déjà sévèrement », raconte Alain Sirco, un touriste français.

 

« Les gros clubs de plongée nous mettent tout sur le dos en nous accusant de pêche abusive. Mais les locaux ne sortent pas plus de poissons qu’avant, sauf pour nourrir leurs plongeurs en haute saison, rétorque Robben Sauyai, un pêcheur du cru qui balade parfois les touristes. Et leurs coups de palmes font bien plus de mal à l’environnement que nous », assène-t-il. Les trois clubs de plongée les plus importants disent, eux, tenter de préserver l’endroit en informant les habitants et leur clientèle de l’importance de préserver le site.

 

S’ajoute aussi aux dégâts du développement touristique ceux relatifs aux grands chantiers d’exploitation des ressources naturelles. Exploration pétrolière, gazière et forestière sont entrées dans la danse des Raja Ampat. Le gouvernement refuse toujours catégoriquement de cesser l’exploitation minière dans la région, bien qu’une carrière de nickel située au Nord de l’archipel déclenche régulièrement la colère des écologistes.

 

Selon eux, son impact sur la biodiversité du site tournerait aujourd’hui à la catastrophe naturelle. « C’est avec les mines qu’on fait de l’argent, pas avec le tourisme », répond Hari Untoro Dradjat. Ici, la notion de minimisation de l’empreinte du développement sur l’écosystème demeure toujours . A ce jour, l’aide provient principalement d’une équipe de 200 personnes, membres des ONG internationales et locales de conservation présentes sur place. Travaillant de concert avec les autorités locales et nationales, deux ONG, Conservation international (CI) et The Nature Conservancy (TNC) se chargent de faciliter la gestion des fonds marins protégés. L’association WWF est également très présente sur le terrain. Ensemble, ces organisations non gouvernementales mettent l’accent sur une approche globale du site, pour ne pas voir s’envoler définitivement cette perle naturelle. Mais la partie n’est pas encore gagnée.

 

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