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Insécurité routière : un constat alarmant

Journaliste : Jérôme Becquet
La source : Gavroche
Date de publication : 16/12/2012
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A quoi servent les sens interdits, limitations de vitesse et feux rouges ? Sur la route, la loi du plus fort est généralement la plus répandue. Selon l’ONG Handicap International Belgique, les accidents de la circulation coûtent au pays l’équivalent de 248 millions de dollars par an.

 

Au Cambodge comme ailleurs, la route tue. Peutêtre est-ce tout simplement plus visible. Il suffit pour s’en convaincre de jeter unoeil aux photos, parfois sanglantes, publiées en première page des quotidiens locaux. Selon les données collectées par le Road Crash and Victim Information System (RCVIS), au Cambodge, les accidents de la route ont tué 1 717 personnes en 2009, soit 4,7 par jour en moyenne, auxquelles s’ajoutent plus de 20 000 blessés. Si la vitesse est à l’origine de la moitié des collisions, l’abus d’alcool joue dans près de 20% des cas.

 

Face à ce fléau, le ministère de l’Intérieur vient de prendre l’initiative de renforcer les contrôles de police visant à traquer les conducteurs en état d’ivresse. Le code de la route cambodgien prévoit des amendes de 6 000 à 25 000 riels (de 1,5 à 6 dollars), pour les conducteurs contrôlés positifs. Avec entre 0,25 et 0,39 mg d’alcool par litre d’air expiré, ils encourent en plus la perte de trois points sur leur permis de conduire. Au-delà de 0,40 mg, ils perdent six points. Luy Chhin, chef du Bureau de la police routière au ministère de l’Intérieur, a indiqué qu’une centaine de policiers ont été formés pour se familiariser avec le maniement des éthylotests. Les policiers se déploieront en soirée, de 19 à 22 heures. Des messages de prévention vont être diffusés dans les médias pour sensibiliser les automobilistes aux dangers de l’alcool au volant et au guidon. Dans les villes et le long des routes, les panneaux publicitaires vantant des boissons alcoolisées continuent de fleurir.

 

Education et répression

 

Le code de la route cambodgien, promulgué fin 2006, est entré en vigueur en 2007. Si nul n’est censé l’ignorer, il apparaît pourtant que son application tarde à être effective. En dépit de certaines avancées, sur l’utilisation de la ceinture, le port du casque (obligatoire depuis janvier 2009), plutôt dans les zones urbaines, ainsi que l’usage des clignotants par exemple, ses dispositions sont la plupart du temps ignorées par les usagers de la route. Pourtant tous possèdent officiellement un permis de conduire, obtenu après avoir pris des cours de conduite. « Tout cela est nouveau pour les Cambodgiens », déclare le général Him Yan, directeur du Département de l’ordre public au ministère de l’Intérieur. Il explique que, pour faire respecter le code de la route, il est nécessaire de passer par deux phases : « l’éducation et la répression ». Pour le moment, les automobilistes ne semblent pas impressionnés par les contrôles opérés par les forces de l’ordre. Les policiers euxmêmes ne semblent pas spécialement faire du zèle. Mais l’Etat a-t-il la capacité d’agir autrement ? « Le manque de moyens fait partie des freins à l’application du code, reconnaît le général. Nous n’avons pas de matériel comme dans les pays développés, telles que des jumelles pour contrôler la vitesse ou les plaques d’immatriculation. Et pas assez d’hommes, alors que le pays compte de plus en plus de véhicules. »

 

A cela s’ajoute le problème de la corruption, encouragée par le fait que les amendes sont négociables et qu’elles se règlent en liquide, de la main à la main. Et le manque d’exemplarité des élites qui bénéficient de passe-droits, leur permettant de s’affranchir systématiquement des règles en vigueur. Si de 2008 à 2009 le taux d’accidents mortels dans le royaume a baissé de 15,1 à 12,3 pour 10 000 véhicules immatriculés, « en valeur absolue, le nombre de décès pour 100 000 habitants a continué d’augmenter », relève Handicap International Belgique (HIB). L’ONG, très impliquée dans le combat visant à rendre les routes plus sûres, note encore que le nombre d’accidents et de décès est encore « alarmant ». D’autant que le nombre de voitures ne cesse de croître au fur et à mesure que le pays se développe. Dans le même temps, le rythme d’installation de panneaux de signalisation sur les voies de circulation ne suit pas.

 

HIB avance à l’appui de sa démonstration une augmentation des accidents de la route de 217%, et un doublement du nombre de décès, au cours des cinq dernières années. Près de 90% des victimes d’accidents de la route sont des deux-roues motorisés, des piétons, et des cyclistes. Plus grave, une étude menée toujours par HIB, avec l’appui technique de l’Institut de la mobilité de l’université de Hasselt, en Belgique, estime que la facture globale de ces accidents de la route s’élève à 248 millions de dollars pour le royaume, soit une augmentation de l’ordre de 135 millions de dollars par rapport à 2003.

 

Port du casque, frapper plus fort

 

Il est 18 heures et l’air se rafraîchit sur le boulevard Sihanouk, au moment où toute la ville semble s’être donné rendez-vous à moto pour baguenauder le long de l’artère fleurie. La police est rentrée au poste, et l’obligation de porter un casque s’en est allée avec elle… Pourtant, depuis l’application de la loi sur le port du casque, au 1er janvier 2009, il est bien moins fréquent de voir un conducteur sans cette protection cruciale. « Nous avons commencé nos campagnes de sensibilisation en 2005, explique Socheata Sann, responsable du Programme sur la sécurité routière pour HIB. Avec des supports simples, comme des affiches, des prospectus, des spots télévisés, nous avons progressivement fait comprendre l’importance du casque à la population. » Une campagne payante, lorsqu’on s’aperçoit que le taux de blessures à la tête est passé de 86 à 76% entre 2008 et 2009. Une étape essentielle dans la mentalité des conducteurs. Pourtant, à y regarder de plus prês, les casques revêtus par les utilisateurs ont parfois des vertus protectrices discutables.

 

Casques de chantier, de l’armée, pour faire du roller-skate… Il y a de tout. « En 2009, nous avons envoyé dix casques dans un centre de tests aux Etats-Unis, raconte Socheata Sann. Cinq d’entre eux répondaient aux critères de qualité minimum imposés par le centre. La marque Index, produite en Thaïlande, par exemple, en fait partie, et un casque coûtera entre 13 et 15 dollars. L’absence de standards de sécurité au Cambodge est une question sur laquelle nous travaillons, mais pour l’instant, nous conseillons de privilégier les protections affichant des normes de sécurité – casques thaïlandais et vietnamiens. »

 

Toujours est-il que seul le conducteur est tenu de porter un casque. Quid des autres passagers, qui sont parfois trois sur la même monture ? « C’était une décision du gouvernement de faire accepter la loi en douceur auprès des conducteurs, fait valoir Socheata Sann. Récemment, le ministère des Travaux publics et du Transport, en partenariat avec celui de l’Intérieur, a étudié un projet d’amendement à la loi, incluant le port obligatoire du casque pour tout le monde. »

 

Le Royaume, dernier de l’Asean

 

L’hécatombe routière est loin d’être limitée au seul Cambodge. Un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a tiré la sonnette d’alarme en rappelant que, chaque année, près de 1,7 million d’êtres humains perdent la vie dans un accident de la route et que le nombre de blessés avoisine les 50 millions. Toutes les six secondes, quelqu’un est tué ou blessé dans un accident de la route. Le coût de ces accidents a été estimé par le Conseil économique et social des Nations-unies à quelque 500 milliards de dollars en 2006. « Ils constituent actuellement la onzième cause de décès, à égalité avec le paludisme, et, selon les prévisions, ils représenteront à l’horizon 2020 la troisième cause mondiale de morbidité, devant le VIH ou la tuberculose », poursuit le rapport. L’assemblée générale de l’institution avait appelé à réagir face à ce qu’elle appelait « une crise mondiale de la sécurité routière ».

 

Dans la région, le royaume fait figure de mauvais élève. En 2008, le général Ouk Kim Lek, commissaire adjoint au Commissariat général de la police nationale, a rappelé qu’« avec 27 403 accidents de la circulation recensés en 2007, le Cambodge détient un triste record, celui du plus fort taux de tous les pays de l’Association des nations d’Asie du Sud-est ».

 

Le rapport 2009 du RCVIS mettait en lumière que, lors des périodes de congés, le nombre de tués sur les routes représentait 12% du nombre total de décès. Au cours des trois jours de Pchum Ben (fête des ancêtres), en 2009, 50 personnes ont perdu la vie dans des accidents, soit 22% de plus qu’en 2008. La période du Nouvel an khmer reste la plus meurtrière, avec près de 90 tués en 2009.

 

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