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Le photographe Jean-Marie Périer nous replonge au coeur des années Yéyé

Journaliste : Olivia Corre
La source : Gavroche
Date de publication : 25/12/2012
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Jean-Marie Périer, le photographe français exposé jusqu’au 30 juin devant le Zen Super Store en guise de clôture du festival “La Fête, a plus d’une corde à son arc”. Car, loin des portraits de mode trônant sur l’esplanade du Central World, se cache aussi un artiste au coeur rock’n’roll. Entre portrait des Rolling Stones, publicité et réalisation de films, son coeur balance…

 

Avec lui, rien ne sert de jouer de la flûte de Pan à la mode péruvienne.

 

L’animal ne mange pas de ce pain-là. Né à Neuilly en 1940, Jean-Marie Périer n’aime pas les compromis.

 

Installé en Aveyron depuis 15 ans au motif de « ne plus pouvoir voir les Parisiens en peinture », il partage désormais sa vie entre la petite bourgade de Causse villeneuve et Paris. Dans sa maison, ni piscine tape à l’oeil, ni présence exclusivement estivale. Jean-Marie Périer y passe vingt jours et dix dans l’agitation parisienne, juste pour « des questions de travail ».

 

S’il a choisi cette vie, c’est parce qu’il ne parvenait plus à trouver sa place au milieu « des paillettes et du faste » de la capitale. « Paris est bourré de gens opposés à tout. Tout le contraire d’ici où l’on se satisfait de ce que l’on est. » Hors de question, alors, d’aller s’enfermer dans le lubéron ou les alpilles. « Va voir dans l’Aveyron, c’est pas mal », lui conseille à l’époque Jacques Dutronc, son ami de toujours. Ni une ni deux, l’homme y déniche une maison en pleine cambrousse, loin de toute âme qui vive. « En Aveyron, je suis bien et je ne sais pas pourquoi ; ce qui est peut-être la meilleure des raisons d’être là ».

 

Amateur de vraie cuisine du terroir et de bonnes bouteilles, il est ici comme un coq en pâte. L’ennui ? « Connais pas ». Marché, cuisine, photos, écriture : voilà son marathon rural. S’il bannit aujourd’hui les artifices de l’univers parisien « faits de contreplaqué », il ne renie pourtant pas tout en bloc. « Je pense à éditer une série de portraits mêlant personnages célèbres et gens d’ici », dit-il, comme pour faire le lien avec sa vie « yéyé d’avant » et celle plus « plan plan » qui est aujourd’hui la sienne.

 

La yéyé attitude

 

« À l’époque de Salut les copains, tous étaient jeunes et beaux, et des gars comme les Beatles ou Mick Jagger ne demandaient jamais à voir leurs photos, explique le photographe, un brin nostalgique des années yé-yé. Maintenant, tout est surfait et le naturel n’a plus sa place dans ce monde. Il y a trop d’agressivité, trop de ricanements et trop d’obsession de réussite sociale ».
Il faut dire qu’en la matière, il en connait un rayon. Dès 1956, il collabore avec Daniel Filipacchi. Puis, après 28 mois de service militaire en algérie, Filipacchi l’engage, en 1962, pour assurer le lancement d’un nouveau mensuel intitulé Salut les copains, créé à la suite du succès de l’émission du même nom diffusée sur Europe 1. « Cela le propulse alors comme photographe spécialiste de tous les musiciens de la nouvelle vague française, mais aussi des Rolling Stones, de James Brown, de Chuck Berry, ou des Beatles », raconte Sophie Escougnou, à l’origine de l’exposition. On dit alors de Jean-Marie qu’il est un peu farfelu, rêveur et débridé. Dénué de tout réalisme, ses clichés laissent à l’époque transparaitre une imagination débordante. Il aime mettre en scène les jeunes chanteurs populaires des années 60 de façon décalée. « Il s’autorise des mises en scène folles et très colorées. On retrouve dans ces images des envies de spectacles », continue Sophie Escougnou.
« Pendant 12 ans, j’ai pu tout faire. On n’avait ni problème de budget, ni intermédiaire. On était tous jeunes et personne n’avait d’image à gérer. Aujourd’hui, nous sommes bien loin de tout ça », déplore le photographe. Durant cette période, il se lie aussi d’amitié avec Françoise Hardy, dont il réalise de nombreux portraits aujourd’hui devenus cultes. « Les années soixante restent les plus belles années de ma vie, continue-t-il. Il y avait une liberté incroyable. Je crois qu’il n’y a pas un photographe aujourd’hui qui ait la chance de laisser autant cours à son imagination qu’en ce temps-là. »

 

Un artiste aux multiples facettes

 

Mais, en 1975, il commence sérieusement à en avoir sa claque de tout ça. rapidement, il fait sa valise pour le pays de l’Oncle Sam, où il réalisera pas moins de 600 spots publicitaires pour des marques comme Canada Dry, Coca Cola, Ford, Nestlé, Bic, ou Camel. Mais, sa danseuse à lui, son amour de toujours, demeure la réalisation de longs métrages cinématographiques. Entre le tournage d’antoine et Sébastien et de Sale rêveur, il partage alors son temps entre New York et Paris, où il réalise trois clips de prévention sur les méfaits des substances illicites. « La Drogue, c’est de la merde », disait Michel Platini en 1986 dans l’un d’eux. Durant la même période, il réalise aussi Téléphone public, un documentaire consacré au groupe de rock français Téléphone, relatant leur tournée de 1979. « Je me sens le plus libre dans la photo, le plus exalté dans le cinéma et le plus à l’aise dans la pub. Toutes ces disciplines me permettent d’être apte au bonheur », pense-t-il. En 1990, il choisit de revenir défnitivement dans l’Hexagone et, par la même occasion, à la photo.

 

Retour aux sources

 

Sa soeur Anne-Marie, à l’époque rédactrice en chef du magazine ELLE, lui propose de reprendre la direction de la photographie. Les chanteurs jazz et yéyé font alors place nette aux couturiers et aux brindilles du mannequinat sous l’oeil de son objectif. Paris Match et le Figaro lui déroulent le tapis rouge pour plusieurs séries de clichés dédiés à la mode. l’une des plus célèbres d’entre elles, « L’univers des créateurs », présentée à Bangkok, lui permet de retrouver sa liberté et sa fantaisie d’antan. De Saint laurent, en passant par Armani, Tom Ford, Christian lacroix, Gaultier ou Alaïa, tous les créateurs se l’arrachent. « Kenzo chevauchant un éléphant devant son équipe et ses amis, Yves Saint Laurent dans ses salons aux côtés du top model Carla Bruni et, la même, dédoudédoublée pour entourer Christian Lacroix sur le balcon de la ville Ephrussi », énumère Sophie Escougnou. Mais il y a aussi ce cliché de Sonia Rykiel version « Liberté guidant le peuple ». Bref, du décalé, rien que du décalé. Mais surtout suffisamment de bagout pour imposer ses goûts.

 

« Les couturiers ont le talent, l’intelligence, la fantaisie, et l’argent, constate Jean-Marie Périer. Si Karl Lagerfeld veut un glacier dans son défilé, on lui en apporte un de Suède illico presto. Finalement, ce sont les couturiers, les rocks stars d’aujourd’hui, les nouveaux Rolling Stones. »

 

Entre Leica et Caméra…

 

Parallèlement à cela, il continue à réaliser des documentaires et des séries pour la télévision, histoire de briser « la monotonie du superflu ». Auteur d’une série de 50 programmes courts pour Paris Première avec Jacques Dutronc en 2008 et de 50 autres, sur le thème des années soixante, pour France 5, il retient l’attention des téléspectateurs et parvient à séduire enfin ses pairs. Sa première grande exposition photo, organisée à la Mairie de Paris en 2002, a attiré plus de 150 000 visiteurs. Un premier succès qui lui a ensuite ouvert les portes de nombreuses galeries à travers le monde, comme à Birmingham, Bruxelles, Munich, Portland, Los Angeles ou Amsterdam. Ses photos apparaissent désormais comme emblématiques et talentueusement représentatives des années 60. Mais c’est loin d’avoir été toujours le cas. « J’ai longtemps été méprisé par l’intelligentsia de la photographie qui jugeait mes clichés trop populaires, explique Jean-Marie Perier. Ce sont les mêmes, aujourd’hui, qui me disent que c’est de l’art. Moi je pense que ce n’est pas de l’art, juste du spectacle. Je refuse de reprendre leur posture artistique », dit-il.

 

La piste asiatique

 

« Il s’agit de ma première exposition en Asie et, si je veux me faire connaître ici, c’est principalement pour attiser la curiosité de locaux qui accepteraient de poser pour moi, eux ou leur famille », dit-il. D’après lui, l’intérêt premier de son métier réside dans le fait qu’il permet de rencontrer des gens, qu’il essaie ensuite « de mettre en valeur » via son objectif. « En 2011, nous avions déjà présenté l’exposition Fashion 3 dans le cadre de la Fête au BACC (Bangkok Art & Cultural Center, ndlr). Cette année, nous avons souhaité faire voyager les gens dans le monde de la Haute Couture à travers le regard singulier de Jean-Marie Périer, sûrement l’un des photographes du genre les plus célèbres en France », explique Sophie escougnou, commissaire de la galerie Polka à l’origine de l’exposition. la vocation de cette galerie étant de faire rayonner la photographie dans le monde, elle a pour habitude d’organiser des expositions « hors les murs », pour un accès au plus grand nombre. « C’est pourquoi ce partenariat avec l’Ambassade de France à Bangkok nous a tout de suite plu, précise-t-elle. En France, l’histoire de Jean-Marie Périer est connue comme celle d’un best-seller, et il nous semblait important de faire connaître son travail ici. » Pour cela, la galerie a privilégié l’attaque « fashion » au détriment de la tactique « rock connexion » de l’artiste. Dommage, car un brin réducteur. Mais sûrement le meilleur moyen de saisir le coeur des Thaïlandais.

 

Portraits de Mode, esplanade Zen department store

 

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