Home Accueil THAÏLANDE – HISTOIRE: Le roi Chulalongkorn au bois de Boulogne… en 1907

THAÏLANDE – HISTOIRE: Le roi Chulalongkorn au bois de Boulogne… en 1907

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 30/09/2020
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Alors, votre Majesté, comment trouvez-vous Paris ? Cette question, beaucoup de ses interlocuteurs ont du la poser au roi de Siam Chulalongkorn lors de sa visite en Europe en 1907. Nous le suivons depuis trois épisodes en France. Le voici à Paris. En touriste voituré, au bois de Boulogne…

 

Le ministère de la Culture thaïlandais a autorisé Gavroche à publier une série d’extraits de «Loin des Siens» le recueil des lettres adressées en 1907 par S.M .Chulalongkorn à sa fille, restée au Siam

 

Ma chère fille

 

Cette nuit, j’ai eu un matelas confortable. Au début de l’après-midi, le Prince Georges de Grèce, qui est ici depuis un mois, est venu me voir. Mais j’ai raté le Prince héritier qui vient de quitter Paris et quant au Roi, je serai déjà parti quand il arrivera. Un peu plus tard, je suis allé rendre sa visite au Prince Georges à l’hôtel Bristol, où j’ai laissé ma carte. Puis je me suis rendu en voiture au Bois de Boulogne. Je me rappelais parfaitement le chemin, mais il m’a semblé que tout était plus rapide. A peine en route, nous étions déjà arrivés à la villa où résidait auparavant la reine Isabelle d’Espagne, je l’ai bien reconnue, et un moment après, nous étions au grand portail d’entrée en fer forgé. Le parc n’avait pas changé, si ce n’est que les anciens acacias avaient été enlevés et remplacés par de nouveaux plants.

 

Comme une petite forêt

 

Ce parc est comme une petite forêt où les arbres ont été disposés de façon très rapprochée et où l’on a ouvert beaucoup de grandes allées, droites ou sinueuses, qui commandent des allées plus petites ouvrant à leur tour sur des chemins étroits. Il y a une pièce d’eau où l’on peut canoter, et ce qui est intéressant, c’est que le niveau de l’eau qui arrive à ras-bord est plus élevé que celui du chemin. A un endroit, il y a aussi des cascades qui dévalent des rochers moussus comme on peut en voir dans les répliques du mont Kraïlash. A l’entrée, un restaurant qui est là depuis très longtemps offre sa toiture de style chinois. Nous avons poursuivi en voiture jusqu’à “Longchamp”, où se trouve l’hippodrome. Cet espace marque la limite où le bois rejoint les prés. Nous avons fait le tour du champ de courses jusqu’à revenir à l’endroit où s’est produite la troupe de Srisawat.

 

Des rues plutôt silencieuses

 

Nous sommes descendus marcher un peu puis nous avons repris la voiture pour rentrer. A cette période, le parc était assez fréquenté, les gens se promenaient ou étaient assis par terre, sans qu’il y ait l’affluence de la saison toutefois. Les rues de Paris dans l’ensemble étaient plutôt silencieuses, voire vides, parce que c’est l’été ; les gens sont partis à la campagne, et en plus nous nous trouvions un jour férié, celui où Jésus-Christ est monté au ciel, commerçants et clients étaient tous allés se promener.

 

Retour de Versailles

 

J’ai aperçu en soirée plusieurs grandes voitures à six rangées de sièges qui rentraient de Versailles. Le désir ou le besoin pour les Occidentaux d’aller au parc ne se limite pas aux gens du monde qui veulent se promener dans leurs calèches ou aux jeunes gens désireux de se conter fleurette, petits bourgeois et gens du peuple doivent s’y rendre tout aussi bien. Ils y vont par nécessité, plus qu’ils ne le croient eux-mêmes ou que nous le pensons de notre côté. On considère et on dit en général que les parcs sont destinés à “s’amuser à conduire un attelage, ou à monter à cheval” ou bien “à mettre une animation agréable dans la vie citadine” ou, selon la vieille expression, “à prendre l’air”, mais cela ne rend pas compte du fait qu’il y a une nécessité à y aller. Cela ne met pas en lumière le mode de vie des Occidentaux, qui habitent des logements sans cours ni terrasses.

 

Les occidentaux dans des armoires vitrées

 

Ils sont enfermés dans des sortes d’armoires vitrées, qui sont invivables. Chez nous, avec nos terrasses et nos cours, nous n’avons qu’à descendre et nous pouvons nous asseoir sur un banc, une petite banquette de bambou ou un fond de mortier retourné pour regarder les enfants jouer et courir, ou bien nous installer sur le bord d’un ponton pour admirer les rameurs qui vont et viennent, et cela nous suffit. Mais les Occidentaux n’ont pas en général ces espaces dans leurs habitations, alors il leur faut des espaces publics entre les pâtés de maisons ou bien des parcs, grands ou petits, dans la ville. Et ce n’est pas tout : à la maison, les Occidentaux ne peuvent s’asseoir que sur des chaises, “le sang leur descend jusqu’aux pieds” en permanence, ils ne peuvent s’allonger à moitié, s’asseoir les jambes repliées ou se mettre en tailleur par terre comme nous le faisons.

 

Cela n’est possible pour eux que quand ils sont dehors dans les parcs, où ils arrivent à oublier la raideur de leurs jambes, tout en profitant du plein air et du soleil. On en voit ainsi un grand nombre, installés partout sur les pelouses. Ils ne sont pas assis dans la voiture ou sur une chaise à côté d’une table, ils s’étalent au soleil et au vent dans un grand espace d’air pur qui leur est plus nécessaire qu’à nous. Tous, petites gens ou aristocrates, ont besoin de ces espaces ouverts. Je suis rentré à la Légation et j’ai réfléchi au modèle de la broche avec inscription que je veux distribuer à l’occasion de ma visite en Europe.

 

Bientôt l’automne

 

Le soir, nous sommes sortis puis rentrés à la Légation à dix heures et demie. Il a fait moins chaud aujourd’hui qu’hier et la nuit est plutôt fraîche. Il est curieux de voir qu’à Paris les feuilles semblent tomber plus tôt qu’ailleurs, dans les rues la plupart sont déjà rouges sur les branches, elles tombent au sol et s’entassent au pied des troncs. Lors de mon précédent séjour, il avait fallu attendre septembre pour voir la chute des feuilles. Dans les régions du Nord tout était encore verdoyant et plein de sève lors de mon passage, mais à Paris la chaleur arrive beaucoup plus tôt. Quand nous étions en pleine tempête de neige en Norvège, on me disait qu’il faisait déjà chaud à Paris, mais on m’a dit aussi que le froid peut y revenir à plusieurs reprises. La vérité, c’est que l’été y est court, je pense que l’on va très vite entrer dans l’automne.

 

Chulalongkorn P.R

 

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