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THAÏLANDE – JUSTICE : Des décisions qui posent question

Date de publication : 22/01/2024
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La semaine judiciaire a été agitée en Thaïlande, ô combien lourde de symboles, surtout politiques, sur les lignes rouges à ne pas franchir, ce qui en soi, n’est pas une nouveauté dans le royaume. La disproportion des peines, significative à plus d’un titre, montre que les tribunaux thaïlandais ont toujours le souci d’écarter et de dissuader toute voix ou tout écrit, considéré comme diffamant à l’égard de l’institution suprême.

 

Comment interpréter la condamnation du médiatique avocat Arnon Nampa à quatre ans de prison supplémentaires au nom de l’article 112 du code pénal ou crime de lèse majesté, s’ajoutant à quatre années précédemment requises, pour des posts sur les réseaux sociaux appelant à la réforme de la monarchie ? Et la peine record de 50 ans de prison prononcée jeudi contre le militant Mongkol « Bas » Thirakot à Chiang Rai pour le même motif ? Et en même temps, la relaxe de 28 partisans des Chemises Jaunes regroupés au sein de l’Alliance populaire pour la démocratie (PAD) pour leur occupation des aéroports internationaux de Suvarnabhumi et de Don Mueang pendant dix jours fin 2008, entraînant une paralysie économique et touristique avec un préjudice financier de milliards de bahts, ce, pour contraindre le renversement du gouvernement pro-Thaksin à l’époque ?

 

Une incompréhension internationale

 

Cela vaut toujours à l’ancien Siam d’être pointé du doigt par les institutions internationales (Commission des droits de l’Homme des Nations-Unies où la Thaïlande se voit recommander des changements profonds lors de chaque Examen Périodique Universel), d’être décrié pour la liberté d’expression « restreinte » et lourdement réprimée par les ONG classiques (Human Rights Watch, Amnesty International) ou par les associations civiques régionales et locales (Fondation Manushya, Thai Lawyers for Human Rights). Il suffit de lire la vigoureuse déclaration d’Émilie Pradichit, franco-laotienne et directrice-fondatrice de la Fondation Manushya, basée à Bangkok, dont l’objectif est d’améliorer la justice sociale et les droits humains en Asie du Sud-Est : « la décision du tribunal est cruelle pour ce jeune militant #démocratie condamné à 50 ans de prison pour des publications sur Facebook diffamant la monarchie ! Il s’agit de la peine de prison la plus longue jamais réalisée au nom de l’article 112. Cela viole la liberté d’expression. C’est une dictature digitale ! »

 

Le constat est que les tribunaux thaïlandais sélectionnent minutieusement les bonnes et les mauvaises causes à défendre, et les répriment ou non, en fonction de leur degré d’appréciation « politique ». Le double standard fonctionne avec un souci de préservation de l’ordre ancien établi et de dissuasion totale d’aller à l’encontre de celui-ci.

 

Force est de constater que cet ordre ancien établi peut subir une évolution, les ostracisés d’hier peuvent devenir les protégés d’aujourd’hui. Je fais ici allusion au destin prochain de Thaksin Shinawatra. Sans grande surprise, on peut aisément penser que l’ancien Premier ministre bénéficiera en février d’une mesure de libération conditionnelle, qui lui permettra de sortir définitivement de son « hôpital-prison » de la police royale. L’ennemi d’hier de l’establishment et des cercles rapprochés militaro-royalistes est devenu celui qui a permis un renversement de la table politique en août 2023, en étant au centre de la formation d’une coalition gouvernementale entre le Pheu Thai et les partis conservateurs. Suite à l’empêchement du Move Forward Party et de son leader Pita Limjaroenrat à transformer l’essai électoral victorieux.

 

Cette cavalcade judiciaire « politique » de janvier 2024 va se poursuivre ces prochains jours. Pita saura le 24 s’il conservera son poste de député (aujourd’hui suspendu en l’attente du jugement) ou non. L’appréciation des juges sur son fondement d’actionnaire d’une société de médias disparue, contrevenant à une éligibilité si culpabilité il y a, sera scrutée par tous les observateurs politiques du royaume. De même, le 31, le MFP risque une dissolution si sa proposition électorale de réformer la monarchie est considérée par les juges comme une tentative de renversement de la monarchie constitutionnelle. Les jeux sont faits, rien ne va plus ! Où la boule judiciaire va dorénavant s’arrêter ? Nous ne sommes pas au casino mais dans l’attente de décisions qui influeront sur le degré de démocratisation de la vie politique thaïlandaise.

 

Philippe Bergues

 

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