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Un cimetière d’avions dans les entrailles de Bangkok !

Journaliste : Mahault Fernagu
La source : Gavroche
Date de publication : 31/05/2017
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Au nord de la capitale thaïlandaise, à 40 minutes de taxi-bateau, se trouve un cimetière bien particulier, gardé par de mystérieux personnages. Visite guidée…

 

Des carcasses. Des squelettes tombés du ciel, posés nonchalamment dans les broussailles d’un bout de terre oublié, hors du temps. A première vue, le lieu ne semble pas vraiment vous vouloir ici. Mais le vrombissement incessant de la route derrière vous rappelle que vous ne vous êtes pas égaré lors d’une escale entre la jungle de Chiang Maï et la mer Andaman…

 

 

Une clôture en bois brinquebalante fermée par une vieille chaîne et un cadenas rouillé fait office de réception. Apparaît alors un personnage qui semble lui aussi être passé à côté de l’explosion économique, faisant office de réceptionniste et de gardien de ce musée auto-proclamé. Cette jeune fille maigrichonne à qui vous donnez à peine 15 ans fume ses menthols les unes après les autres. Fagotée dans un t-shirt trop grand pour son corps frêle et décharné, son regard noir et dur vous intimide presque, calmant un instant vos ardeurs et votre esprit aventurier.

 

 

Puis la curiosité reprend le dessus et vous vous lancez à la découverte de ces carcasses d’appareils abandonnées. L’adolescente vous fait comprendre que c’est ici son territoire que vous piétinez et que cette intrusion a un prix. Après des négociations acariâtres, vous finissez par lui concéder deux ou trois cents bahts pour pouvoir pénétrer dans l’enceinte du lieu.

 

Un taudis de briques et de tôles abrite un espace de villégiature propre au tiers-monde, des déchets parsemant des matelas crasseux où végète un petit garçon le regard vide, le visage creusé par la malnutrition. L’atmosphère délétère et la chaleur pesante rendent cette expérience bien particulière.

 

Soudain, votre esprit s’égare et vous renvoie aux films d’action, aux thrillers hitchcockiens et aux intrigues futuristes. Comme ces chiens qui se prélassent, il y a là quatre carlingues usées par la pluie des moussons et l’aridité des saisons sèches. Abîmés par le temps, ces fantômes improbables vous attirent comme un aimant.

 

 

Arrivé à quelques centimètres, vous posez à tâtons un pied ici, une main là. Tel un alpiniste, vous grimpez et vous voilà debout dans la soute, allongé sur les ailes, assis dans le coque-pite vous imaginant tout puissant aux commandes de cette épave.

 

Un appareil qui autrefois transportait hommes d’affaires pressés, familles aspirant à une vie meilleure ou aventuriers qui s’envolaient vers des contrées inconnues. De ces voyages restent ici et là des sièges de première classe, des masques à oxygène ou des morceaux de fer. Des bouts de métal qui, assemblés, forment un avion, lourd et impressionnant lorsqu’on le contemple de l’extérieur, les pieds entre bouteilles vides et herbes folles.

 

Debout à côté des débris, vous vous sentez bien petit sous le poste de pilotage. Vous vous sentez bien petit encore quand s’avance vers vous un homme à la silhouette désarticulée et à l’allure de sans-abri. Vous vous essayez à une conversation mais ses yeux fuyants et son haleine alcoolisée empêchent toute compréhension, bien que de son anglais approximatif s’échappent quelques mots.

 

L’homme à la peau sur les os et aux tatouages de guerrier évoque un trafic de drogue, parle de malédiction et affirme être le gardien du cimetière… Plus que le soleil et la pluie, vous comprenez à travers ses pupilles dilatées que le ya ba (« la drogue qui rend fou ») l’a elle aussi abîmé et usé. Au milieu de ces avions mystérieusement entreposés dans un terrain vague au cœur de Bangkok, vous vous sentez un peu perdu.

 

 

Mahault Fernagu (avec Siriwat Khamsap)

 

Photos : Pascal Quennehen

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