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INDOCHINE – ÉCRIVAINS: Maurice Ducoroy, l’homme de la «trahison indochinoise»

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 02/05/2020
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François Doré, notre chroniqueur spécialiste de littérature française coloniale, aime explorer les recoins de l’histoire. Or une période, en Indochine, fut particulièrement sombre: celle des années 40 où l’administration, ralliée au régime de Vichy, était dirigée par l’Amiral Decoux. Un homme, alors, est aux avants-postes: Maurice Ducoroy, auteur de « Mataf »…

 

Une chronique de François Doré, animateur de la Librairie du Siam et des colonies à Bangkok (Sukhumvit soi 1)

 

Une fois n’est pas coutume, car si, comme toujours, le livre est inconnu, par contre l’auteur, lui est célèbre. Maurice Ducoroy a été un des acteurs importants de l’Indochine des années 1939 à 1945. Fidèle parmi les fidèles de la garde rapprochée de l’Amiral Decoux, il sera chargé de l’organisation des Sports puis en fin 1941, de l’Éducation Physique de la Jeunesse de l’Indochine. Nombreuses sont les photographies des ralliements massifs de jeunes Indochinois, défilant le bras droit tendu, qui n’est, selon le Cdt à qui on le lui reprochera plus tard, que le salut olympien qui n’a rien à voir avec un autre salut semblable de la même époque et de sinistre mémoire.

 

Célèbre aussi sera son ‘Tour de l’Indochine Cycliste’ qui rassemblera des foules enthousiastes tout au long de son parcours trois années de suite (1942-43-44). A son retour en Métropole en 1945, le Cdt Ducoroy sera mis aux arrêts de rigueur pour collaboration. Après plusieurs procès, son affaire se terminera par un non-lieu en 1946. Le Cdt Ducoroy a raconté lui même son action en Indochine dans un plaidoyer pro-domo, maladroitement intitulé : ‘Ma trahison en Indochine’, préfacé par son ancien chef, l’amiral Decoux.

 

Jolie jaquette exotique

 

Mais c’est plutôt son rare roman, publié à Paris en 1952, ‘Mataf, tête brûlée’ qui nous intéresse aujourd’hui. Sous une jolie jaquette, exotique à souhait de Michel Gourdon (le frère aîné d’Aslan) , Maurice Ducoroy va nous emmener à travers 40 petits chapitres, parfois d’une seule page, découvrir sa jeunesse aventureuse qu’aucune biographie n’a à ce jour, rassemblée. Pour une fois, ces souvenirs pittoresques d’un marin ne sont pas vus depuis la confortable passerelle du pacha, mais par le brave Mataf, dernier des matelots, qui va traverser toute une suite d’évènements historiques de la Marine française entre les années 20 à 40.

 

Le début comme la fin du roman est situé à Calvi, en Corse, dans le sinistre Fort Charlet, où sont abritées les ‘Sections Spéciales’ de la Marine, où sont détenus les taulards de l’Infanterie de Marine. Sorte de bagne pour marins, aussi lugubre que Biribi ou Tataouine, la vie des punis y était épouvantable de violence. Bien que période très difficile à retrouver dans sa biographie, le Lt de Vaisseau Ducoroy sera le chef de ces Sections Spéciales, sans doute autour des années 1925, l’année où le célèbre Henri Charrière y sera détenu et se fera tatouer un papillon. Après un retour à Brest puis à Toulon, Ducoroy partira pour l’Extrême-Orient. Et c’est là, sous le tricot rayé de Mataf que nous le retrouvons, parcourant l’immense Yang-Tsé-Kiang.

 

Sur le «Francis Garnier»

 

Un premier commandement le verra sur le Francis Garnier. En 1929-1930 et il reviendra sur le grand fleuve, cette fois-ci sur le vieux Doudart de Lagrée. Les anecdotes seront nombreuses sur cette vie d’aventure si particulière des marins français dans un environnement hostile et le Lt. de Vaisseau lais sera au matelot Mataf, le soin de raconter les moments cocasses qui émaillent la mission sur le grand fleuve .Une mission qui durait près d’une année, et amenait nos vétustes canonnières de Shanghaï à Hankéou (la Wuhan d’aujourd’hui) puis à travers de redoutables rapides vers Itchang (morne escale, patelin perdu), Tchong King et enfin remontant parfois jusqu’à Suifou, à l’entrée du Yunnan. Les anecdotes sont nombreuses et savoureuses : la vie quotidienne du marin, la lutte contre le choléra dont les victimes se comptent par milliers, les attaques des pirates chinois qui vous fusillent depuis la rive du fleuve, les jonques et sampans en perdition dans les rapides qu’il faut aller prendre en remorque. Parfois, descendre à terre pour aller sauver quelques missionnaires, battus et martyrisés par ceux qu’ils étaient venus évangéliser…

 

Heureusement, il y avait aussi les ‘perms’ qui permettaient de se changer les idées et de dépenser sans compter toutes les économies accumulées pendant les longues traversées. C’est d’ailleurs ce qui causera la perte de «Mataf». C’est à Hankéou, au retour d’une mission que le brave matelot rencontrera Li-May, la jolie chinoise, ‘nue sous son kimono de soie blanche, et qui goulûment tétait sa pipe d’opium’… Par amour pour elle, Mataf désertera… Il y a encore un petit chapitre dans l’aventure de Mataf, digne d’intérêt même s’il n’est pas bien placé dans l’ordre chronologique du roman : Mataf, participera à la bataille de Koh Chang en janvier 1941, tout comme le Commandant Ducoroy, qui y était second du futur amiral Bérenger sur le ‘LamottePicquet’…

 

François Doré. Librairie du Siam et des Colonies

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