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THAÏLANDE – POLITIQUE : Quels scénarios pour le choix du premier ministre le 13 juillet ?

Date de publication : 10/07/2023
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Pita Limjaroenrat

 

A quoi va ressembler le paysage politique Thaïlandais cette fin de semaine, après la désignation du nouveau premier ministre ? Notre chroniqueur Philippe Bergues brosse un premier tableau.

 

Quels scénarios possibles pour le vote du Premier ministre le 13 juillet ?

 

La date fatidique du 13 juillet approche pour le premier vote des 750 parlementaires, 500 députés et 250 sénateurs, afin d’élire le 30ème Premier ministre du royaume de Thaïlande. Trois mois après les législatives du 14 mai qui ont nettement et clairement mis en tête les partis d’opposition du Move Forward et du Pheu Thai. Quels scénarios sont possibles, tant pour le futur chef du gouvernement et pour a coalition au pouvoir ?

 

1er scénario : Pita Limjaroenrat devient Premier ministre

 

Dans ce cas présent, cela voudra dire que la coalition des huit partis menée par le Move Forward, qui contrôle 312 sièges à la Chambre basse, aura trouvé les 64 voix nécessaires dans le camp des sénateurs ou parmi des députés extérieurs au bloc majoritaire, pour arriver au nombre incontournable de 376 voix nécessaires pour être élu Premier ministre. Les efforts réalisés par le MFP pour convaincre des parlementaires de voter pour Pita, argumentant que c’est la volonté populaire, seront-ils suffisants ?Notamment grâce au lobbying de Parit Wacharasinthu, ancienne « étoile » du Parti démocrate passée dans les rangs du MFP et neveu de l’ancien Premier ministre Abhisit Vejjajiva donc de « bonne famille ». Mais le MFP se heurte toujours à l’hostilité des anciennes formations majoritaires à accepter un débat parlementaire sur l’article 112 du code pénal ou crime de lèse-majesté. Ce qui risque grandement de lui ôter des voix même si des déclarations récentes dans ses rangs pourraient inciter à l’optimisme.

 

Le nouveau président de la Chambre, Wan Muhamad Noor Matha, a clairement indiqué cette semaine que le nom de Pita serait au moins déposé pour un deuxième et même un troisième tour de scrutin les 19 et 20 juillet prochain si son élection n’est pas établie le 13 juillet. Car le MFP n’a pas de solution de rechange, Pita ayant été le seul nominé du parti à pouvoir concourir pour le poste.

 

2ème scénario : avec la même coalition majoritaire, le Premier ministre est issu des rangs du Pheu Thai

 

Si Pita échoue à devenir chef du gouvernement, les huit partis de l’alliance majoritaire pourraient présenter un nouveau candidat issu des rangs du Pheu Thai. Dans ce cas, il semblerait que l’ancien homme d’affaires Srettha Thavisin soit mieux placé pour le poste que Paetongtarn Sinawatra, dont le nom de famille est un atout mais aussi clivant à cause de l’ombre de son père Thaksin. Et aussi, son inexpérience politique pourrait jouer en sa défaveur. L’avantage du Pheu Thai auprès des parlementaires est qu’il ne porterait pas au débat une réforme de l’article 112, ce qui pourrait lui valoir d’être la solution de compromis : le vote du 14 mai serait alors respecté avec l’opposition au pouvoir qui pourrait appliquer son programme et, en même temps, des réformes de l’institution monarchique ne seraient pas débattues en séances à la Chambre basse.

 

3ème scénario : la coalition Pita explose et le Pheu Thai s’allie au Palang Pracharat de Prawit et au Bumjaithai d’Anutin

 

Cette spéculation, maintes fois relatée par les médias depuis la campagne électorale, est toujours évoquée, avec en arrière plan le retour possible en Thaïlande de l’ancien premier ministre et milliardaire exilé Thaksin Shinawatra. Amenant ses 141 députés, le Pheu Thai pourrait diriger cette coalition hétéroclite ou porter Prawit Wongsuwon ou le ministre sortant de la santé Anutin comme Premier ministre. Bien que cette hypothèse ait toujours été publiquement rejetée par les états-majors des partis concernés, les rencontres en coulisses à Londres ou à Dubaï ont laissé courir la faisabilité d’une telle alliance qui irait clairement à l’encontre du vote des Thaïlandais. En formant une coalition avec « l’oncle Prawit » ou avec Anutin, le Pheu Thai, engendrerait la colère de son bastion traditionnel d’électeurs du Nord-Est et de ceux des autres provinces. Et prendrait le risque certain d’un rejet définitif lors de futures élections au profit du MFP car il ne lui serait pas pardonné de se joindre aux anciens dictateurs. Question de parole : dans la campagne, « Ung-Ing » Shinawatra et Srettha Thavisin ont combattu les partis militaro-royalistes issus de l’ancienne majorité dirigée par le général Prayut Chan-o-cha. Mais la porosité des relations derrière le rideau entre Thaksin, Prawit, Anutin et Thammanat Prompao, ayant eu des liens dans le passé, ne peut évacuer de manière définitive la possibilité d’un renversement d’alliances, auquel la Thaïlande nous a déjà habitué en 2008. D’autant que cette hypothèse franchirait certainement le cap des 376 votes pour devenir Premier Ministre avec l’appui de nombreux sénateurs faisant allégeance à Prawit, qui les a en partie nommés. Paradoxalement, Pita et le MFP, de même que l’UTN de Prayut et ses 25 députés, se retrouveraient sur les mêmes bancs de l’opposition, la formation ultraroyaliste du chef de gouvernement intérimaire, anti-thaksinienne par essence, ne pouvant siéger auprès de ceux qu’ils ont renversé par deux coups d’État en 2006 et 2014.

 

4ème scénario : les députés attendent la fin du mandat des sénateurs en 2024 pour confortablement installer Pita comme Premier ministre

 

Cette hypothèse semble fantaisiste, voire farfelue. Mais elle est, constitutionnellement, possible comme l’a déclaré le député expérimenté du Pheu Thai, Chaturon Chaisong. Fort de sa légitimité à être présenté comme seul Premier ministre, car à la tête du parti majoritaire grand vainqueur du 14 mai, Pita pourrait être proposé à de multiples reprises et rejeté par les sénateurs. La constitution n’impose pas un nombre de tours de scrutin limité pour présenter un candidat. Dans ce cas, Prayut Chan-o-cha reste Premier ministre intérimaire jusqu’à temps qu’un postulant obtienne une majorité. Dans 10 mois, au printemps 2024 expirera le mandat des sénateurs intronisés par la junte pour garantir la « stabilité politique nationale », y comprendre l’influence des élites militaro-royalistes dans la politique thaïlandaise. Ce qui garantirait l’élection de Pita puisque les 500 députés élus seront les seuls votants. Cette hypothèse laisserait la Thaïlande sans réel gouvernement légitime pendant un an, ce qui fragiliserait à la fois son économie et les relations internationales avec ses partenaires. La probabilité de manifestations serait très élevée.

 

Pourquoi je n’ai pas étudié le 5ème scénario d’un gouvernement minoritaire

 

En additionnant les voix des 250 sénateurs à celles des députés issus des partis de la coalition gouvernementale sortante de Prayut Chan-o-cha (Palang Pracharat, United Thai Nation, Bumjaithai, Démocrates), le chiffre de 376 pourrait être facilement dépassé. Mais un tel gouvernement ne pourrait pas appliquer ses mesures sans majorité à la Chambre basse et serait censuré. De plus, les Démocrates et le Bumjaithai ont clairement affirmé leur opposition à participer à un gouvernement minoritaire. Au regard de sa défaite aux élections, Prayut, qui était le principal nominé de l’UTN au poste de Premier ministre, a déjà affirmé qu’il ne serait pas candidat à son renouvellement.

 

A qui profitera ce bras de fer post-électoral pour donner un 30ème Premier ministre au royaume de Thaïlande ? Le 13 juillet va commencer à donner des réponses à cette question et permettra de voir voir si les spéculations, parfois contraires, du vote des sénateurs, permettront d’installer Pita comme chef de gouvernement ou non. Il y va du respect de la démocratie, tel est l’enjeu affiché aux 750 parlementaires et les Thaïlandais les observent.

 

Philippe Bergues

 

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