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ASIE – ROMAN: «L’impératrice rouge», le nouveau polar asiatique de Gavroche

Journaliste : Patrice Montagu-Williams
La source : Gavroche
Date de publication : 19/04/2021
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Chose promise, chose due: voici le premier épisode de « L’Impératrice Rouge », un nouveau roman inédit de Patrice Montagu-Williams. L’intrigue ? Les saisies de drogue atteignent un niveau record dans le 13ème arrondissement de Paris. Cette drogue proviendrait du fameux Triangle d’or, cette zone frontalière située entre la Thaïlande, la Birmanie et le Laos. Quel est le rôle exact de la Chine et de ses services secrets dans cette affaire ? Et qui est exactement cette Impératrice Rouge, somptueuse et tragique femme vampire, qui serait le chef d’orchestre occulte de ce trafic ? L’agent très spécial Ly, de la DGSE, est envoyé en Thaïlande pour régler le problème, par tous les moyens.

 

Un roman inédit de Patrice Montagu Williams

 

Épisode 1 : Mon nom est Personne.

 

C’est une ville qui se terre quelque part entre la Seine, la route nationale 7 et la voie ferrée Paris-Montargis. Rien qui soit digne d’attention à dix kilomètres à la ronde, si ce n’est Fleury-Mérogis, le plus grand établissement pénitentiaire d’Europe. Bref, on aurait oublié son existence même si une partie de l’agglomération n’était classée en « zone urbaine sensible », selon la terminologie officielle, et faisait régulièrement parler d’elle dans la rubrique « faits divers » : violences, trafics et guerres de gangs.

 

C’est là-bas que Ly est né, il y a trente-cinq ans maintenant. Il ne s’est jamais senti pour autant Grignois ou Grignard, comme on appelle les habitants de Grigny, et, dès qu’il a pu, il est allé s’installer à Paris. Il prétendait que c’était parce que la mairie était détenue, depuis toujours, par les communistes, ceux que son père, ce héros, mort à quatre-vingt-dix ans, qu’il était venu enterrer ce jour-là, au cimetière municipal, chemin du Clotay, avait combattu : c’est à Grigny qu’une partie des Hmong qui s’étaient rangés du côté des Américains pendant la guerre du Vietnam s’étaient retrouvés, quand ils avaient fui le Laos.

 

Sauvé par un chaman

 

Chez les Hmong, – que les Annamites et les Thaïs appelaient Man Meo, les Chats Sauvages, et les Français, du temps des colonies, tout simplement Meo – l’homme a trois âmes. La première donne la vie à l’individu et reste parmi les vivants après sa disparition, la deuxième part définitivement au pays des ancêtres et, la troisième, se réincarne dans un être humain ou un animal. C’est Ly qui avait organisé le « Kruôz Cé », la cérémonie qui montrait au défunt le chemin qui menait au monde des ancêtres où il devait séjourner. Un chant sacré, avec flûte et tambour, avait accompagné le cercueil jusqu’à sa dernière demeure.

 

Par fidélité envers son peuple, Ly en respectait les traditions, comme ne pas consommer des légumes verts et des bouillons au jour de l’An afin d’éviter de provoquer la vengeance des esprits envers l’environnement ou encore ne jamais laisser un étranger pénétrer dans une maison où une branche feuillue a été apposée sur la porte, de crainte qu’il n’apporte la maladie. Longtemps, d’ailleurs, il avait cru ce qu’on lui racontait, comme cette histoire de chaman qui aurait sauvé son père, quand il était enfant. Un cochon avait été sacrifié pour protéger son âme dans l’autre monde, un poulet pour ramener l’âme errante dans son corps malade et un autre cochon pour le guérir. Il aurait recouvré la santé juste après la cérémonie, même s’il lui avait fallu plusieurs années pour retrouver son poids.

 

Mon père, ce guerrier

 

Ly avait dû expliquer au fonctionnaire de service à la mairie, qui lui demandait ce qu’il voulait inscrire sur la tombe, que les Hmong ont jusqu’à dix-huit noms de famille différents, chacun ayant une signification généalogique, religieuse ou sociale, et que, donc, il valait mieux graver simplement le prénom de son père, Kaus, qui signifiait « croc ». Parce que c’était un guerrier, un vrai, avait-il précisé à l’homme à lunettes. D’ailleurs, ça servait à quoi au juste les noms de famille ? Lui-même avait oublié le sien, quand il avait intégré les « services », comme on dit, et il répondait à ceux qui lui demandaient comment il s’appelait, que, son nom, c’était Personne, tel Ulysse au Cyclope.

 

Employé par la CIA

 

Son père avait été employé par Air America, la compagnie de la CIA qui soutenait la lutte de l‘armée secrète des Hmong contre le Pathet Lao communiste. Comme les autres équipages de la compagnie, il fut l’un des derniers à quitter la région et participa à l’opération « Frequent Wind » d’évacuation des Américains et des Sud-Vietnamiens de Saïgon. Peut-être aussi avait-il joué un rôle dans le trafic d’opium auquel se livrait la compagnie qui utilisa les réseaux mis en place par les Français, du temps du Protectorat, avec l’aide de la mafia corse : la drogue était transportée sur la base de Long Tieng, au Nord-Laos, où on la transformait en héroïne. Mais il n’en parla jamais…

 

Une histoire tragique

 

En quittant le cimetière, Ly repensa à l’histoire de son peuple que tous avaient trahi. Les Français, d’abord, qui s’étaient servi des Hmong déjà, sous le régime de Vichy, les poussant à produire de l’opium pour financer l’administration coloniale,avant de mettre à profit leur habileté à se déplacer en milieu hostile, pendant la guerre d’Indochine. Et les Américains, ensuite, après Diên Biên Phu. Il se souvint de cette émission, « Envoyé Spécial », qu’il avait vu avec son père, à la télévision, qui montrait les conditions de survie alarmantes des Hmong traqués par l’armée laotienne et victimes d’un véritable génocide. Lors de leur visite, un chef Hmong avait remis aux deux journalistes une lettre d’appel au secours destinée aux responsables politiques des États-Unis, de la France et des Nations-Unies, lettre qui resta sans réponse. Pire : quatre ans plus tard, la Thaïlande expulsa près de cinq mille Hmong vers le Laos !

 

Agent de la DGSE

 

Ly se demandait souvent si c’était le martyr que subissait les Hmong, dans l’indifférence générale, qui lui avait fait accepter la proposition de cette femme, Madame Vauquier, rencontrée, par hasard, à l’UNESCO, organisme qu’il souhaitait intégrer à la sortie de Sciences Po, « pour défendre la culture de ceux qui m’ont donné la vie et qui m’ont élevé », lui avait-il expliqué.

 

Après un d’entretien d’une heure, au cours duquel il lui avait parlé de son père, elle lui avait proposé de rencontrer quelqu’un qui pourrait l’aider dans le combat qu’il souhaitait mener.

 

— Vous voulez défendre la culture et même la survie de votre peuple ? Eh ! bien, faites comme votre père : battez-vous pour lui !

 

Elle l’avait alors mis en contact avec un officier des services secrets français, pour lesquels, manifestement, elle travaillait. Quelques mois plus tard, il devenait agent contractuel de la DGSE…

 

La suite dans l’épisode 2…

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