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Bangkok, manifestations : le gouvernement sous pression

Journaliste : Redaction
La source : Gavroche
Date de publication : 26/11/2013
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Entre 150 000 et 200 000 personnes (selon nos estimations) ont répondu hier à l’appel de la mobilisation générale lancé par les mouvements d’opposition à Bangkok. Ce lundi, des dizaines de milliers d’entre eux vont marcher dans la capitale. Les Chemises rouges pro-gouvernementales se mobilisent. Plusieurs dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées hier à la périphérie de la capitale. Les Bangkokois se préparent à une semaine difficile.

 

Les photos aériennes diffusées sur Internet ne trompent pas : l’avenue Rajadamnoen, au cœur du centre historique de Bangkok, était noire de monde en cette fin de dimanche après-midi. Une affluence record depuis les premiers jours des manifestations supportées par les Démocrates, le principal parti d’opposition, qui demandent la démission du gouvernement de Yingluck Shinawatra.

 

En début de soirée, des milliers de personnes continuaient à converger vers l’avenue du Monument de la Démocratie, se répondant dans les rues adjacentes, provoquant une pagaille indescriptible autour du site de la manifestation où la circulation était à l’arrêt, bloquée par les manifestants et les véhicules garés au milieu des avenues.

 

Contrairement à ce qui avait été annoncé par les services d’ordre, aucun barrage de police ne filtrait les accès du côté des avenues Lan Luang et Pitsanulok, qui permettent d’accéder à la Maison du gouvernement. C’est ici que les leaders du mouvement des réseaux étudiants et du « Peuple pour la Réforme » se sont regroupés et y ont dressé une scène afin d’en bloquer l’accès.

 

Dans la foule, on pouvait observer de nombreuses femmes et personnes âgées arrivées par bus dans la journée du Sud du pays, le fief des Démocrates.

 

A une centaine de mètres de là, les forces de police anti-émeute étaient toujours retranchées derrière les barricades de béton et de fils barbelés qui bloquent tout accès au quartier, grand comme un arrondissement de Paris, placé sous l’Internal Security Act, où se situent le siège du gouvernement et le Parlement.

 

Malgré les problèmes de sécurité, de logistique, le peu d’assistance médicale et la présence de nombreuses personnes âgées, aucun incident grave n’était à déplorer sur le lieu de la manifestation. Seules quelques personnes prises de malaise ont dû être évacuées tant bien que mal.

 

Pendant ce temps à Ramkhamhaeng, de l’autre côté de la ville, le rassemblement des Chemises rouges dans le grand stade de football de Rajamangala réunissait plusieurs dizaines de milliers de supporters du Pheu Thai, le parti au pouvoir. Si cette contre-manifestation n’a pas tourné en une démonstration de force contrairement à celle emmenée par les Démocrates, les leaders ont appelé leurs supporters à se mobiliser et à converger vers la capitale, pour « protéger le gouvernement et la démocratie ».

 

Alors que la tension monte à Bangkok entre les deux camps, le chef de fil du mouvement d’opposition et tous les dirigeants des autres factions présentes ont annoncé pour ce lundi des marches dans Bangkok, principalement vers les casernes miliaires et les sièges des télévisions d’Etat, ainsi que les ministères de l’Intérieur et du Budget, pour leur « remettre des fleurs et des sifflets » selon Suthep Thaugsuban, chef de fil du mouvement. Ce dernier a annoncé que « le départ du gouvernement n’arrêterait pas les manifestations » qui se prolongeront « tant que le régime Thaksin ne sera pas tombé ».

 

En clair, les Démocrates rejettent le système politique actuel qui permet de porter au pouvoir la même majorité élue par le peuple, mais « corrompue et incompétente ». Le numéro deux du parti Démocrate, par ailleurs poursuivi pour son rôle lors des manifestations de 2010 qui ont fait 92 morts, n’a pas élaboré sur la façon don il comptait s’y prendre. A moins que l’objectif des manifestations de ce matin ne soit un signe ?

 

Comment va réagir Yingluck, la cheffe du gouvernement, qui s’oppose pour le moment à tout recours à la force ?

 

Le risque de voir la situation échapper à tout contrôle n’est pas à négliger, même si l’on ne parle pas aujourd’hui de menaces de violence ni d’affrontements entre les deux camps.

 

Mais la montée en puissance du mouvement de protestation pourrait précipiter la mobilisation des Chemises rouges dans tout le pays. Une mobilisation que ne rassure pas pour autant le pouvoir si les deux camps venaient à se confronter. Ce dernier pourrait se voir reprocher d’avoir instauré les conditions à un mouvement de « guerre civile ».

 

Faire appel aux forces de police pour rétablir l’ordre et disperser les manifestations si elles venaient à paralyser les institutions est une option possible. Mais elles entraîneraient sans doute probable et dans le contexte particulier des mouvements de protestation civile en Thaïlande, une escalade de la violence dont le gouvernement ne sortirait pas indemne.

 

Faire appel à l’armée si la situation devenait incontrôlable est aussi une option. Mais l’expérience du passé a montré que les militaires ne sont pas acquis à la cause des gouvernements pro-Thaksin… Le silence radio des généraux, si enclins d’habitude à interférer et donner des conseils sur la situation politique, vaut bien ses discours.

 

On ne voit pas aujourd’hui comment les deux camps pourraient s’asseoir et négocier une sortie de crise. Au contraire, le sentiment de « haine » envers Yingluck et son clan que l’on peut observer parmi les manifestants est inhabituel. D’habitude silencieuse et plus intéressée par sa soif de consommation que par la politique, cette « Middle Class » thaïlandaise revendique aujourd’hui haut et fort ses convictions et son droit d’ingérence.

 

Pour l’autre camp, l’histoire semble se répéter. La tentative de renverser le gouvernement de Yingluck « et la démocratie » est perçue comme une nouvelle intervention des classes dominantes qui refusent que les représentants du peuple (entendez les paysans et les classes défavorisées) gouvernent.

 

Philippe Plénacoste

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